PATRIMOINE. Les bâtiments anciens et classés pourraient devenir producteurs d'énergie grâce à l'installation de (discrètes) centrales de toiture. Une mesure qui figure dans le "Plan Solaire", dévoilé ce jeudi 28 juin 2018 par Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire. Les associations de défense du patrimoine n'y sont pas hostiles.

Sébastien Lecornu s'active pour composer le mix énergétique français de demain. Le secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire a donc dévoilé les mesures du "Plan Solaire" issues des propositions du groupe de travail sur le photovoltaïque qu'il a présidé au printemps. Et l'une de ces mesures porte sur les bâtiments classés qui pourront, à l'avenir, s'engager dans la transition énergétique en produisant une partie de leur électricité grâce à ces installations solaires en toiture.

 

Intégration esthétiquement convaincante

 

Les architectes des bâtiments de France autorisent déjà, à l'heure actuelle, l'installation de "tuiles solaires discrètes", sur certains édifices. Mais le gouvernement souhaite aller plus loin, tant que l'esthétique des monuments est respectée. Alain de la Bretesche, avocat et président de l'association Patrimoine-Environnement, nous explique : "Nous sommes sur une ligne de discussion autour du photovoltaïque et d'un travail spécifique sur les monuments historiques. Notre état d'esprit est que nous en avons assez de nous battre contre les éoliennes et que nous souhaitons nous occuper d'autre chose pour trouver des solutions à la transition énergétique. Et nos réflexions montrent que nous n'avons pas d'a priori contre le photovoltaïque, c'est clair". Cependant, comme le souligne le défenseur du patrimoine, il sera plus simple d'intégrer des capteurs solaires à certains endroits qu'à d'autres : "Sur le monument même ? Non. Mais sur les communs, les dépendances, les écuries, pourquoi pas ? Cela mérite réflexion, nous ne sommes pas dans la querelle idéologique. Nous pensons que le photovoltaïque peut faire beaucoup de progrès, il en a déjà fait énormément". Le président de Patrimoine-Environnement estime que pour favoriser l'intégration technique et esthétique des panneaux, les travaux de R&D des industriels devraient être soutenus par les ministères dans le cadre du Plan des Investissements d'Avenir. Le but serait d'obtenir des systèmes qui se confondent parfaitement avec des tuiles ou des ardoises, à la façon du Solar Roof présenté par Tesla. "Tout cela est tout à fait intelligent", ajoute Alain de la Bretesche, qui annonce que son association milite pour le développement d'autres énergies alternatives comme la méthanisation, la géothermie ou les énergies marines, y compris l'éolien offshore… mais flottant, puisqu'il peut être déployé plus loin des côtes.

 

 

Tout sauf les éoliennes !

 

De son côté, Julien Lacaze, vice-président de la Société de protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF), précise à Batiactu : "Nous sommes favorables à cette solution. Les résultats peuvent être étonnants en la matière, notamment en ce qui concerne la texture des produits posés. Ce type de technologies ne se voit pas, à l'instar de la géothermie, par opposition aux éoliennes. C'est donc l'une des pistes qui permet de concilier la défense de l'environnement et la protection des paysages. Nous n'en sommes qu'à la préhistoire en la matière, mais les techniques évoluent rapidement et nous suivons cela. Il y a d'autres choses à faire que de couvrir la France d'éoliennes, ce qui représente une solution d'hier, et non d'aujourd'hui". Les deux représentants d'associations de défense du patrimoine ne semblent donc pas inquiets à la perspective de voir des entreprises travailler sur des charpentes en bois, datant potentiellement de plusieurs siècles, et y installer des systèmes électriques complexes. Alain de la Bretesche reprend : "Pour les gens du bâtiment, il y aura du boulot. Pour les monuments historiques et leurs abords, les sites remarquables et les secteurs sauvegardés, il y aura de toute façon une intervention des architectes des bâtiments de France, qui seront de bon conseil. Mais évidemment, il ne faudra pas se lancer tête baissée". L'association Patrimoine-Environnement appelle donc au lancement d'expérimentations, en concertation avec les propriétaires des bâtiments et les défenseurs du patrimoine. Sébastien Lecornu a d'ailleurs déclaré au journal Le Parisien : "En septembre, nous financerons une dizaine de projets innovants. Nous espérons ainsi amorcer la pompe de la technologie française".

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