Batiactu : L'Ordre des architectes a récemment publié un sondage sur les effets de la crise et leur impact sur les agences d'architectes. Qu'en pensez-vous ?
Ph. K. : Nos sources sont un peu différentes, mais l'on arrive aux mêmes résultats. En préambule, il faut tout de même noter que la France est le pays d'Europe qui compte le moins d'architectes par habitant. Notre profession est marginalisée, peu nombreuse, alors que les demandes sociétales qui nous concernent sont relativement fortes. Et cela pour différentes raisons. Probablement par un excès de prospérité dans les années soixante-dix durant lesquelles des pans entiers de l'économie ont échappé à nos métiers. En outre, la loi de 1977, extrêmement protectrice, a aussi provoqué l'absence des architectes dans des domaines tels que l'industrie, où ce sont des bureaux d'études qui ont pris le relais. Dans la plupart des pays européens, l'architecte est un interlocuteur naturel. En France, c'est un problème de culture générale car il n'y a pas de culture architecturale dans nos écoles, elle est complètement oubliée. D'ailleurs, cela fait partie d'un des chantiers majeurs de l'UNSFA, avec la présence d'une commission dédiée. Cela passera par une démarche de sensibilisation, d'apprentissage au niveau des enfants des petites écoles.

 

Batiactu : Pour revenir aux résultats du sondage Cnoa, pensez-vous que le pic de la crise est passé et que l'on se dirige vers une accalmie ?
Ph. K. : Je crois qu'il y a des basiques à retrouver. En France, la profession est peu nombreuse, donc participe peu, par rapport à d'autres pays, à l'acte de bâtir. Nos missions sont plus restreintes, et ce qui est inquiétant, c'est qu'elles sont également plus mal rémunérées. Ce qui signifie que nos entreprises ont du mal à se développer car elles n'ont pas de marges économiques, dans un contexte fiscal et social très contraignant malgré tout. Mais ce n'est pas le fait de la crise. La crise est plutôt un révélateur d'une situation qui perdure depuis des années et que l'Unsfa dénonce depuis des années.

 

Batiactu : Le sondage fait ressortir que, pour faire face à la crise, la communication et la publicité sont en tête des actions à mettre en place. Quel est votre avis ?
Ph. K. : Je ne pense pas que ce soit là le véritable problème de fond. En revanche, la priorité est de retrouver de l'efficacité. Trop d'architectes se précipitent sur les marchés existants, ce qui engendre un phénomène de concurrence très fort où le moins-disant économique l'emporte. Le vrai combat aujourd'hui, c'est la reconquête des marchés.

 

Batiactu : L'image de l'architecte reste celle d'une profession élitiste… Vous en souffrez encore ?
Ph. K. : Nous sommes encore considérés comme des artistes de l'Ancien régime au service du Prince, qui intervienons sur des marchés publics ou des opérations de prestige… Cette image de « star » nous dessert. Nous devons tenter de faire comprendre que l'architecte peut intervenir à tous les niveaux de la société, dès le premier mètre carré.

 

Batiactu : Quel est donc votre rôle ici ?
Ph. K. : C'est développer la communication de sensibilisation à destination du grand public.

 

Batiactu : Dans un monde en mutation, quelle doit être la place de l'architecte aujourd'hui ?
Ph. K. : Il faut tout d'abord que l'architecte soit perçu à nouveau comme un acteur global qui intervient sur des aspects culturels et environnementaux. Il doit être aussi un homme de synthèse qui organise le travail des autres acteurs du cadre de vie. Par rapport au développement durable, il est probablement l'acteur le mieux formé, même si cette formation reste à améliorer.

 

Batiactu : Quid de l'avenir des métiers de l'architecture ?
Ph. K. : On nous parle de bâtiment basse consommation… ce qui est certain, c'est qu'on n'arrivera pas à concevoir des maisons de ce type avec les bâtiments du passé. La tour peut être un élément de réponse à la densification, car si l'on veut faire aussi du développement durable, cela passe par la réduction des temps de déplacement, les équipements, la voirie, les réseaux. Le développement durable, c'est aussi faire en sorte que les humains vivent mieux ensemble. Vouloir disperser les gens vers les banlieues est un non-sens environnemental, un non-sens économique et surtout un non-sens sociologique. Pour finir, je dirai que l'architecture d'aujourd'hui, c'est tout simplement le patrimoine de demain…

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