La réouverture temporaire du Palais de la République, haut-lieu de festivités et de politique sous la RDA, puis fermé pendant 13 ans pour désamiantage, sonne le retour d'un passé qui continue à déchaîner les passions en Allemagne.

Ce n'est plus qu'un cadavre en verre fumé qui gît sur ce qui fut l'épicentre de Berlin-est, aux côtés de l'ancien siège des dictateurs communistes et en face du fantôme du ministère des Affaires étrangères de RDA, arraché en 1995.
Difficile d'imaginer que cet immense cube à l'esthétique controversée, alors citadelle de festivités et siège d'un parlement aux rares réunions, a été au coeur d'une dispute passionnée sur le comportement de l'Allemagne face à son histoire.

Le débat sur la destruction du Palast der Republik et sur son corollaire, la reconstruction du château baroque des Hohenzollern détruit en 1950 sous la RDA et remplacé par le Palais entre 1973 et 1976, avait divisé le pays depuis la réunification.

Jusqu'à ce que les députés tranchent définitivement l'an dernier en faveur de la destruction d'ici 2006 du Palais, propriété de l'Etat fédéral, et de la reconstruction du château, dont la réalisation risque de faire long feu au vu de problèmes de financement.

On comprendra que les billets pour les visites prévues jusqu'au 26 juillet soient partis comme de petits pains, selon l'association organisatrice qui entend donner au bâtiment une seconde vie avant sa démolition. Des centaines d'idées ont mûri, de la piste de skate-board à la boîte de nuit en passant par des créations artistiques. Mais l'argent manque.
A l'époque, c'était le palais aux milles lustres, un havre de luxe relatif dans une ville sombre aux rares distractions, une vitrine exhibée fièrement à chaque visiteur d'envergure.

L'édifice accueillait aussi le Parlement et des conférences des instances du Parti communiste, mais "95% de son activité était consacrée à des évènements sociaux-culturels", selon Anna Hennet, auteur d'une thèse sur le sujet.

Du matin au soir, ce colosse de 180 mètres sur 85 fourmillait de milliers de personnes prêtes à affronter des files d'attente pour décrocher une place dans un des bars, restaurants, discothèques, concerts ou autres spectacles.

Rien. Il ne reste rien de cette frénésie. Juste le squelette de béton et d'acier rouillé et l'ombre froide de tapis roulants morts il y a longtemps.
Tous les revêtements ont été arrachés. "L'amiante, appliquée sous forme de poudre, était infiltrée partout", explique Mme Hennet.

Le vaste hall d'entrée n'est plus qu'un trou béant qu'une lumière filtrée par d'immenses vitres crasseuses peine à éclairer.
A gauche, la dépouille du parlement où la première assemblée démocratique de la RDA ratifia le traité de la réunification le 31 août 1990. A droite, celle de "la grande salle", un espace d'une capacité de 5.000 personnes dont les sièges amovibles s'adaptaient à l'évènement: spectacles ou bals.
"Partout, il y avait des îlots de plantes vertes et des coins-salon avec cendriers en boule", typiques des années 70, raconte Anna Hennet.

"Tout autour du premier étage courait une grande terrasse avec des restaurants, qui permettait de dominer la place", située au croisement de la noble avenue Unter den Linden, du Dom, imposante cathédrale à coupole, et de l'un des fleuves berlinois, la Spree.

Le contraste du bâtiment avec l'artère néo-classique conçue par l'architecte Karl Friedrich Schinkel au XIXème siècle a pesé en faveur de ses détracteurs, qui jugent qu'une renaissance du château réconcilierait le pays avec son passé prussien.

Mais "c'est avant tout la dimension symbolique" de l'édifice qui déchaîna les passions d'une ville qui s'efforce depuis la réunification d'effacer tout héritage communiste. Au risque de heurter les survivants de cette époque, qui accusent l'ouest d'avoir mis à mort leur identité.

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