TRACTATIONS. La commission mixte paritaire chargée de concilier l'Assemblée nationale et le Sénat autour d'un texte commun sur le projet de loi Elan va commencer ses travaux ce mercredi 19 septembre. De nombreux points font encore débat.

Ce mercredi 19 septembre se réunira la commission mixte paritaire (CMP, rassemblant députés et sénateurs) chargée de proposer un texte commun à l'Assemblée nationale et au Sénat sur le projet de loi Elan (Evolution du logement, de l'aménagement et du numérique). Un texte qui a déjà beaucoup fait parler de lui, tant chez ses partisans que chez ses détracteurs : des architectes aux personnes handicapées en passant par le secteur HLM, Elan ne laisse personne indifférent. Fin juillet, les parlementaires du Palais du Luxembourg ont ratifié une version remaniée du projet de loi, assouplissant certaines dispositions et repositionnant davantage les élus locaux au cœur de la politique du logement.

 

 

Le ministère de la Cohésion des Territoires s'est réjoui lors de l'adoption du texte à la Chambre haute que "les principaux axes de cette réforme ont été validés sur le fond et approuvés par le Sénat". Et de citer : "aménagement plus partenarial, ajustements pragmatiques mais limités des règles de conservation de la loi Littoral, facilitation du traitement de l'habitat indigne ou du déploiement numérique en secteur patrimonial, passage à une logique de logements évolutifs dans la construction neuve, accélération des contentieux d'urbanisme, réorganisation du secteur des bailleurs sociaux, amélioration de la prévention des expulsions, observation et encadrement des loyers, régulation de l'activité des plateformes de location de meublés touristiques, revitalisation des centres-villes, lutte contre les marchands de sommeil, déploiement du numérique".

 

Les Assises du Logement : un nouveau rendez-vous pour faire avancer le logement au XXIe siècle
15 novembre 2018, Conseil économique social et environnemental, Palais d'Iéna, Paris

Retrouvez à cette occasion un décryptage de la loi ELAN, dont le processus de vote aura normalement abouti, dès cette première édition.

Pour en savoir plus sur le programme et s'inscrire : www.assisesdulogement.com

 

Pour rappel, 1155 amendements ont été déposés pour la séance publique au Sénat, après déjà 923 amendements examinés en commission des affaires économiques. Au total, 431 amendements auront été adoptés en commission et 188 en séance publique au Palais du Luxembourg, après déjà plus de 700 amendements adoptés à l'Assemblée Nationale. "Une part de ces amendements est tout à fait consensuelle, d'autres ont fait évoluer le texte de manière importante sur des sujets structurants et conduiront donc certainement à de nouveaux débats avec les députés, reconnaissait le ministère. Il en est par exemple ainsi des rôles respectifs des maires et des intercommunalités, des obligations de production de logements sociaux au titre de la loi SRU ou de certains aspects de la simplification des procédures notamment pour les organismes HLM."

 

Des points d'achoppement persistent

 

Cependant, les opposants à la loi Elan sont toujours vent debout et espèrent que la CMP reviendra sur certaines mesures jugées mauvaises, ou a contrario, qu'elle ajoutera des nouvelles dispositions plus favorables. Du côté des architectes, on croise les doigts mais on se montre toutefois pragmatique : "J'espère que certaines aberrations ne reviendront pas en CMP ou à l'Assemblée, comme le paiement différé par les bailleurs, la généralisation de la conception-réalisation pour toute construction... J'espère également que la MOP, véritable démarche qualitative de l'acte de construire, sera préservée", assure Denis Dessus, président du Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa). "Le texte voté, il faudra pourtant trouver les moyens, ensemble, pour que la France reste un exemple en Europe et dans le monde pour la qualité de ses constructions publiques et son modèle du logement social. Cela nécessitera de se mettre autour de la table et d'avoir enfin un comportement constructif et ouvert, que nous appelons de nos vœux."

 

Des collectifs de personnes handicapées fustigent par ailleurs la volonté du texte de faire passer de 100% à 30% le nombre de logements accessibles : "La loi Elan est insupportable, on s'attaque aux logements accessibles aux personnes handicapées alors qu'il n'y en a déjà pas assez", a déclaré Odile Maurin, présidente de l'association Handi-social.

 

Dans un autre registre, le décret tertiaire imposant l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments de bureaux existants pourrait faire sa réapparition dans la mouture définitive d'Elan. Annulé par le Conseil d'Etat au mois de juin 2018, il serait pourtant complémentaire aux objectifs successifs de réduction des consommations inscrits dans le texte de loi : -40% en 2030, -50% en 2040 et -60% en 2050. Le Syndicat des entreprises du génie électrique et climatique (Serce) espère pour sa part que le décret sera publié en l'état, de manière à ce que le chantier de réhabilitation du parc existant débute dès que possible.

 

Quant au monde HLM, il ne décolère pas contre la loi logement du gouvernement Philippe : ce dernier lui a demandé de faire des efforts non-négligeables, à savoir réaliser 1,5 milliard d'euros d'économies chaque année d'ici à 2020, ce qui passe notamment par une diminution organisée des loyers de logements sociaux. De plus, la loi Elan prévoit un regroupement des plus petits bailleurs sociaux. Autant de facteurs conjoncturels qui n'incitent pas l'USH à entreprendre des investissements : la fédération table déjà sur une baisse de 5 à 10% des nouveaux logements sociaux en 2018. "Il y a un contexte de prise en étau : aujourd'hui, on ne voit pas comment on va (en) sortir", a déclaré Marianne Louis, directrice générale de l'USH (Union sociale pour l'habitat).

 

 

Le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) s'est lui aussi exprimé à propos d'Elan et de ses ambitions environnementales et énergétiques : "La future loi Elan [...] prépare la réglementation environnementale (RE 2020) qui permettra d'évaluer et de limiter les émissions du gaz à effet de serre sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment, et encourager le stockage du carbone dans les constructions et dont le Conseil co-pilotera la préparation qui débutera dès le mois d'octobre", précise ainsi un communiqué de presse du CSCEE. "La filière se félicite d'être pour la première fois en situation d'écrire la réglementation pour les bâtiments neufs au côté de l'État." Mais l'institution restera vigilante sur le Plan de rénovation énergétique : "Le Conseil restera mobilisé pour que les objectifs visés, qui prennent la mesure des enjeux climatique d'une part, et de précarité énergétique d'autre part, puissent être atteints et en veillant à ce que les moyens mis en face soient à la hauteur de l'ambition de ce plan".

 

Les réponses à toutes ces interrogations devraient donc intervenir dans les jours qui viennent.

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