CONJONCTURE. Les conséquences du conflit russo-ukrainien sur les approvisionnements en matières premières suscitent de plus en plus de craintes chez les entrepreneurs de la construction : leurs carnets de commandes signés il y a quelques mois sur la base de prix qui ont considérablement augmenté depuis, rogne d'autant leur marge aujourd'hui et, par répercussion, leur trésorerie.

Les craintes se confirment : au début du mois de mars, certaines organisations représentatives du secteur du bâtiment avaient déjà prévenu que les conséquences du conflit russo-ukrainien sur la santé financière des entreprises de la filière risquaient d'être importantes. En cause : les difficultés d'approvisionnement, voire les pénuries de certains produits et matériaux, qui engendrent logiquement une flambée des prix. Laquelle, à son tour, ébranle plus ou moins violemment la marge des entreprises et, par extension, leur trésorerie.

 

 

Les semaines passant, l'inquiétude grandit chez les entrepreneurs du BTP. D'après une enquête réalisée début mars aussi par le Syndicat des indépendants (SDI) auprès de 1.200 personnes, 77% des chefs d'entreprises se disent préoccupés pour la poursuite de leur activité. Entre les répercussions, toujours palpables, de la crise du Covid, la forte inflation provoquée depuis plusieurs mois par la reprise économique mondiale, et dorénavant l'impact de la guerre en Ukraine, 90% d'entre eux constatent un impact négatif du contexte actuel sur leur activité.

 

Des commandes basées sur des prix qui ont explosé

 

La hausse des prix pour les matières premières comme pour les énergies a entraîné une baisse d'activité pour 54% des répondants. En ce qui concerne les entrepreneurs du BTP, 88% d'entre eux affirment se retrouver aujourd'hui avec des carnets de commandes signés il y a quelques mois sur la base de prix qui ont considérablement augmenté depuis, ce qui rogne d'autant leur marge et, par répercussion, leur trésorerie et leur rémunération.

 

Ces chantiers prévus sur le 1er semestre 2022 représentent pour un quart entre 20% à 30% de leur chiffre d'affaires (CA), pour 18% entre 30% à 40% de leur CA et pour 16% entre 10% à 20%. Mais si 7% seulement de ces commandes pèsent pour moins de 10% de leurs résultats, la même proportion, donc 7%, représentent tout de même jusqu'à 80% et plus de l'activité de ces entrepreneurs du BTP.

 

Étaler le remboursement du PGE et le paiement des charges

 

En réaction, les chefs d'entreprises se sont adaptés en augmentant "faiblement" leurs prix de vente pour 83% d'entre eux, tout en baissant leurs marges (51%) voire leur rémunération (26%), et quitte à renoncer à un recrutement (21%) ; ceci pour conserver un outil de production viable. Parmi ceux qui n'ont pas encore pris de mesures spécifiques, 64% d'entre eux prévoient d'en mettre en place prochainement, et 87% envisagent de revoir à la hausse leurs prix de vente si la situation ne s'améliore pas. Actuellement, 65% des entrepreneurs assurent ne pas rencontrer de difficultés de trésorerie, mais dans le même temps 35% en subissent déjà.

 

"Ce que nous enseigne cette étude est qu'il est devenu illusoire de compter sur la seule croissance pour absorber les charges nées pendant la crise sanitaire dans les délais requis", a commenté le président du SDI, Marc Sanchez, considérant que "des mesures pérennes et globales doivent être prises". Le syndicat en propose justement deux : "un allongement de droit de la durée de remboursement du PGE (Prêt garanti par l'État) d'au moins deux années" ainsi que "le renouvellement du dispositif d'étalement du paiement des charges sociales personnelles du chef d'entreprise sur 12 à 36 mois".

 

Toujours selon les chiffres du SDI, 45% des répondants disent avoir justement initié - ou s'apprêtent à le faire - des démarches visant à prolonger la durée de remboursement des PGE. Sachant que 53% des sondés disent ne pas avoir contracté ce type de prêts depuis le déclenchement de la pandémie, essentiellement parce qu'ils n'en avaient pas besoin (33%) ou qu'ils estimaient ne pas y être éligibles (29%).

 

Blocage des prix

 

 

"Force est toutefois de constater que le dispositif actuellement en vigueur dans le prolongement des annonces de Bruno Le Maire (ministre de l'Économie, NDLR) du mois de janvier dernier est totalement inadapté et dénué d'intérêt : l'entreprise doit être au bord de la faillite, inscrite en rouge à la Banque de France et doit ainsi renoncer à tout investissement à court et moyen terme", relève au passage le syndicat.

 

Le fameux plan de résilience présenté par le Gouvernement ne semble pas avoir davantage convaincu : 41% des indépendants et dirigeants de TPE (très petites entreprises) les jugent positives pour leur activité, 31% pensent le contraire. Les professionnels souhaiteraient, entre autres, une prise en charge par l'État des charges de l'Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale), ou du moins un allègement de ces charges, ainsi qu'un blocage pur et simple des prix des carburants et des matières premières.

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