CRISE. En raison de l'envolée inquiétante des prix des produits pétroliers et des inquiétudes sur les approvisionnements énergétiques résultant du conflit russo-ukrainien, les spécialistes des combustibles appellent les utilisateurs, particuliers comme professionnels, à faire preuve de modération dans leur consommation de carburants. Ils demandent dans le même temps à l'État de réagir rapidement pour éviter que la situation ne s'envenime.

Faire preuve de modération dans sa consommation de carburants : c'est le message envoyé cette semaine aux utilisateurs particuliers comme professionnels par la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C), qui représente les distributeurs et les stations-service indépendantes hors réseaux (fioul domestique, gazole, bois-énergie...). Le conflit russo-ukrainien entraînant une envolée inquiétante des prix énergétiques - dont, en l'occurrence, ceux des produits pétroliers - et suscitant des inquiétudes sur les approvisionnements futurs, les spécialistes demandent en effet d'ajuster la consommation pour éviter que la situation ne s'envenime.

 

 

Dans le viseur des industriels : les fameux "achats de précaution", réalisés sur le coup de la panique, sans réflexion sur le long terme et au détriment de l'intérêt général, et qui constituent la véritable cause des pénuries que chacun souhaite à tout prix éviter. À l'heure actuelle, la disponibilité des produits pétroliers ne permet pas de justifier ces comportements individualistes. Les spécialistes indiquent que les régions les plus exposées à cette situation "extraordinairement anormale" se concentrent sur la façade Ouest de l'Hexagone, bien que les tensions s'observent en réalité "un peu partout" en métropole.

 

La FF3C demande dans le même temps à l'État de réagir rapidement pour contrer un "effet de cascade" de cette crise énergétique sur l'activité des entreprises et le portefeuille des ménages. "Si les pouvoirs publics ont une marge de manoeuvre très limitée sur la régulation des cours internationaux, il est indispensable qu'ils agissent rapidement sur la régulation intérieure des approvisionnements et prennent les mesures qui s'imposent pour en amoindrir les effets pour les semaines à venir", souligne un communiqué de la fédération.

 

"Limiter le remplissage des stocks"

 

L'organisation dresse un état des lieux préoccupant, affirmant que les entreprises spécialisées dans la distribution de produits énergétiques (gaz naturel et électricité mis à part) qu'elle représente "rencontrent des difficultés croissantes pour l'approvisionnement du marché des gazoles vrac". Ces problèmes impacteraient essentiellement "l'approvisionnement des transporteurs et des agriculteurs et, dans une moindre mesure, les livraisons de fioul de chauffage, soit un volume total annuel de 18 millions de mètres cubes (m3) livrés directement par ces entreprises (hors stations-service)", détaille le communiqué. Les achats de précaution et la disponibilité réduite de ces produits, en lien direct avec la raréfaction des importations de gazole provenant de Russie, seraient à l'origine de cette situation.

 

Chacun est donc appelé à faire preuve de bon sens et de responsabilité car, "si aucune pénurie réelle n'est à prévoir, l'accroissement de la demande et les limitations de réapprovisionnements entraînent de facto une régulation des livraisons et le traitement prioritaire des besoins urgents", prévient la FF3C. Évidemment, les industriels ont conscience que les professionnels peuvent difficilement se passer, dans leur activité quotidienne, de certains types de gazoles, comme le gazole non routier (GNR), utilisé dans le bâtiment et les travaux publics. Les distributeurs préconisent par conséquent de "limiter le remplissage des stocks utilisateurs pour passer le cap des délais de réapprovisionnement en substitution de la ressource russe".

 

Risque de réaction financière en chaîne

 

Les tensions actuelles sur les marchés peuvent cependant engendrer une réaction en chaîne, particulièrement sur le plan financier : l'inflation considérable amplifie en effet le risque financier des fournisseurs de produits pétroliers, et les distributeurs "peuvent alors être contraints d'exiger des paiements comptants de leurs clients professionnels s'ils ne sont pas convenablement couverts par une assurance-crédit", met en garde la fédération.

 

L'impact devrait toutefois être moins important pour les particuliers dans la mesure où la saison hivernale se termine, et que le recours au fioul de chauffage va inévitablement baisser. Malgré tout, les industriels conseillent de "limiter les commandes au nécessaire, et ce d'autant plus que les prix atteignent des niveaux aberrants". Encore une fois, il s'agit de ne pas apporter de l'eau au moulin de l'inflation.

 

Mais la perturbation est générale : les délais de livraisons étant "considérablement rallongés" dans la conjoncture actuelle, ils ne sont plus en mesure de garantir les prix à la livraison. Comme le rappellent les professionnels du secteur, "les entreprises de distribution ne valident définitivement une commande et son prix de vente qu'à réception de leur approvisionnement (et non à la réservation initiale de commande)".

 

Alternatives

 

 

En dépit de toutes ces craintes, la filière se veut tout de même rassurante. Frédéric Plan, délégué général de la FF3C, explique : "Malgré l'incertitude prévalant aujourd'hui sur les conséquences de la situation en Ukraine, les évènements du passé enseignent que ces prix devenus exorbitants en raison des incertitudes géopolitiques et de la recherche de nouvelles routes d'approvisionnements, finiront par retrouver, comme lors de précédentes crises, des niveaux normaux. Il est donc imprudent d'acheter par précaution des produits subissant actuellement une pression de marché aussi exceptionnelle."

 

Tous les acteurs ne partagent cependant pas totalement cette analyse. Représentant les grands groupes pétroliers, l'Ufip (Union française des industries pétrolières) Énergies et Mobilités a estimé dans le même temps que la France parviendrait quand même, en cas de besoin, à trouver des alternatives au pétrole et gazole d'origine russe. "Nous avons les moyens de trouver des approvisionnements alternatifs, donc nous ne sommes pas dans une situation de pénurie pétrolière", a jugé son président, Olivier Gantois, cité par l'AFP.

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