CONTRIBUTION. Après le Conseil national de l'ordre des architectes, au tour des organisations et syndicats d'architectes d'apporter leur pierre à l'édifice du Grand débat avec "73 propositions pour l'architecture des territoires et des villes".

S'ils gravitent tous autour du monde de l'architecture, ils avouent avoir peu l'habitude de travailler ensemble à un texte et propositions communes sur la manière de refonder les politiques d'aménagement et de construction. "Premier scoop, nous avons tous travaillé ensemble", confie, sourire en coin, le président de l'Académie d'architecture Martin Robain.

 

Ce vendredi, le co-fondateur d'Architecture Studio était surtout entouré des caciques de l'Union nationale des syndicats français d'architecture (Unsfa), le Syndicat de l'architecture, la Mutuelle des architectes français (Maf), la Maison de l'architecture ou encore l'Association des architectes français à l'export (Afex). Auxquels il faut ajouter la Société française des architectes (SFA), l'association Architectes et maîtres d'ouvrage (AMO) et le Pôle de formation environnement, ville et architecture d'Ile-de-France qui ont également contribué à la rédaction des propositions au Grand débat.

 

De ce collège fourni, convoqué par l'Académie d'architecture dans un temps restreint, découlent 73 propositions et un texte faisant "un constat critique sur la situation de l'architecture en France", résume Bertrand Lemoine, vice-président de l'académie.

 

Dégraisser le Code de la construction

 

Alors que le Conseil national de l'ordre des architectes a lancé au début du mois de février une plateforme visant à recueillir les contributions de la profession, Bernard Lemoine affirme que la démarche menée par l'Académie d'architecture "vient en complémentarité de l'action menée par le Cnoa". De son côté, l'ordre s'est associé à la liste de propositions sans en être signataire, mais il souhaite joindre les contributions de ce matin à ceux de sa plateforme. "Il nous semblait délicat de s'associer à des propositions alors même que des architectes continuent de contribuer sur notre blog", complète Valérie Flicoteaux, vice-présidente du Cnoa.

 

Les différents acteurs de l'architecture se sont ainsi saisis de chaque thématique du Grand débat national, proposant quatre réflexions sur l'aménagement du territoire comme "priorité nationale", "la refondation d'une politique publique de l'habitat", l'apport de la profession à la transition énergétique et écologique et la question de la ville sous le prisme de la civilisation européenne.

 

A ces quatre grands chapitres, les signataires de la contribution commune ont ajouté un cinquième volet sur la mise en perspective du rôle de l'architecte dans la société. Une occasion là encore d'appeler à un "grand ministère de l'architecture, de l'habitat, du cadre de vie et de la transition écologique", et non plus une direction associée à la Culture et aujourd'hui considérée comme "parent pauvre" du ministre selon Martin Robain.

 

Une vingtaine de propositions définitives

 

Parmi d'autres mesures phares, l'association concrète des habitants dans la fabrication de la ville (qui pourraient par exemple émettre des diagnostics), la préservation du patrimoine foncier de l'Etat, une simplification drastique du Code la construction en un cahier des charges de 60 pages ou encore des mesures visant à baisser de 10% à 30% les dépenses de construction.

 

Ces 73 propositions font encore l'objet d'une première ébauche, et devront encore être débattues lors de groupes de travail par les différents acteurs signataires pour parvenir à une contribution plus consensuelle. "Nous voulons d'abord faire une synthèse et proposer des choses", affirme Brigitte Métra pour qui "les architectes ont des réponses à apporter à la crise des gilets jaunes".

 

"Parler d'une même voix"

 

L'heure est donc à l'union, confirme Jean-Claude Martinez, président de la Maf, "la profession doit être unie pour affronter les obstacles, en sachant qu'il y a eu peu de progrès de la part de l'Etat ou des donneurs d'ordre en matière de respect que l'on imagine à l'égard des architectes".

 

Pour Pierre Chomette, vice-président de l'Unsfa, il s'agit surtout "de parler d'une même voix", soulignant "une initiative positive" qui ne donne cependant pas "un blanc-seing à toutes les propositions".

 

Le 21 février dernier, un appel commun en faveur d'une politique plus ambitieuse du logement avait réuni des acteurs divers tels que l'USH, la FFB, la Fondation Abbé Pierre ou encore l'AMF. Les contributions des architectes sur le logement pourraient-elles abonder cet appel ? Ton franc, Pierre Chomette affirme, "nous n'avons pas la même vision qu'eux". Face à des acteurs qui veulent construire plus, Brigitte Métra estiment que les architectes peuvent "se retrouver" à condition de "partir des besoins du bas".

 

Quelques propositions phares pour l'architecture dans les territoires et la ville

 

- Dans les zones urbaines denses, supprimer les logiques de zonage.

 

- Modifier les textes qui organisent les compétences, la représentation démocratique et les attributions des institutions consacrées à l'urbanisme et l'aménagement du territoire

 

-Établir un moratoire pour geler l'imperméabilisation chronique des sols, et repenser notre rapport au développement urbain.

 

- Réécrire le Code de la construction et de l'habitation et les normes de la construction en allant à l'essentiel avec un cahier des charges simple: 60 pages maximum.

 

- Imposer aux promoteurs des règles minima et des tailles de logements non négociables.

 

- Conditionner les aides de l'Etat à des résultats environnementaux globaux

 

- Réinterroger les normes environnementales

 

- Intégrer dans l'éducation nationale comme discipline obligatoire, de la maternelle à la fin du secondaire, la sensibilisation à l'espace, l'enseignement de l'architecture et de la ville.

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