GRANDS PROJETS. La délivrance, par le préfet, du permis de construire pour la rénovation de la Gare du Nord, à Paris, a déclenché une réaction de l'équipe municipale, qui réaffirme son opposition à un projet jugé "trop commercial".

Nouvel épisode dans le projet contesté de rénovation-extension de la Gare du Nord, à Paris. Le préfet a fait savoir, le 7 juillet, qu'il avait signé le permis de construire pour ce gigantesque chantier de 600 millions d'euros, qui doit être livré pour les jeux olympiques de 2024. "Le lancement des travaux se fera sans attendre selon les principes d'un chantier exemplaire et en respectant les conditions sanitaires imposées par le Covid", a réagi par communiqué Stationord, la société constitué de SNCF Gares & Connexions et Ceetrus (ex-Immochan) pour mener le projet, qui se dit "confiante quant au respect du calendrier".

 

 

Ce projet prévoit notamment la construction de commerces, bureaux et équipements culturels au sein de la première gare d'Europe, fréquentée par 700.000 voyageurs chaque jour - un chiffre appelé à augmenter. Le projet a aussi été fustigé par une vingtaine d'architectes de renom, dont Jean Nouvel et Roland Castro, qui ont jugé le projet initial "inacceptable" et "pharaonique", dans une tribune publiée dans Le Monde début septembre, demandant qu'il soit "repensé de fond en comble".

 

Le préfet vante la "bonne intégration" du projet dans le quartier

 

Dans son communiqué, le préfet d'Ile-de-France, Michel Cadot, qui a délivré le permis, a plaidé que "[le groupement a] pris 13 engagements visant à assurer une bonne intégration de la gare rénovée dans le quartier", via notamment "la création d'un important parking à vélos", le "lancement d'études pour améliorer l'accès à la gare par le nord" ou encore "la prise en compte du réaménagement du parking souterrain" pour "libérer le parvis de la gare des déposes-minute". En outre, est prévu un "renforcement de la qualité environnementale du projet en augmentant les surfaces végétalisées et par le réemploi des eaux de pluie", plaide encore Michel Cadot. Des engagements qui n'avaient convaincu ni la Ville, ni les auteurs de la tribune.

 

L'équipe, nouvellement réélue à la mairie de Paris, d'Anne Hidalgo, a réagi, ce mercredi, lors d'un point presse animé par Emmanuel Grégoire, premier adjoint en charge des questions d'urbanisme, et Alexandra Cordebard, maire du 10e arrondissement, en fustigeant un "incontestable déni de démocratie". "Ce n'est pas ou ce ne sera plus une gare, mais un centre commercial avec accessoirement une gare à l'intérieur", a expliqué le premier adjoint. Il a ajouté qu'Anne Hidalgo était "très mécontente" de la délivrance du permis de construire. Mardi, le premier adjoint avait tweeté que le gouvernement venait "de s'inventer un Notre-Dame-des-Landes en plein Paris".

 

"Il suffisait que le préfet ne délivre pas ce permis et que les parties fassent un recours gracieux, et on gagnait deux mois".

 

"Il suffisait que le préfet ne délivre pas ce permis et que les parties fassent un recours gracieux, et on gagnait deux mois" pour discuter du projet, a-t-il affirmé mercredi, estimant que "c'est donc en conscience que la décision a été prise". Emmanuel Grégoire a en outre estimé que le calendrier de la rénovation, qui doit être achevée pour les Jeux Olympiques 2024, n'était "pas crédible et pas sérieux".

 

Les "lignes rouges" de la mairie de Paris
Le 8 juillet, l'exécutif parisien a tracé cinq "lignes rouges" en guise d'avertissement :
- le calendrier de chantier, avec l'ensemble de l'opération finalisée pour 2024, est jugé "beaucoup trop serré". Dans ce sens, la Ville demande à scinder les travaux en plusieurs phases et à prioriser le plus urgent, "qui doit porter sur l'amélioration des conditions de déplacement des voyageurs du quotidien" ;
- la nécessité d'abandonner la séparation des flux d'entrée et de sortie (qui est un fonctionnement aéroportuaire "inadapté pour une gare"), "source d'augmentation forte des temps de trajet pour les voyageurs mais aussi d'un impact architectural préjudiciable sur la halle historique" ;
- "l'indispensable dédensification" du projet, notamment son volet commercial et événementiel "qui ne correspond pas à un besoin local et rend impossible l'insertion urbaine et architecturale dans le quartier". "Cette volonté de densité démesurée aggrave également l'engorgement que le projet prétend résoudre". C'est pourquoi la Ville de Paris propose de réduire le nombre de mètres carrés pour les commerces de 20.000 à 5.000 ;
- l'ouverture de la gare sur l'ensemble du quartier, et notamment par un accès piéton sur le boulevard de la Chapelle et un meilleur lien avec la rue du Faubourg Saint-Denis ;
- l'amélioration de l'intermodalité avec les transports en commun, les vélos et les taxis, pour laquelle des engagements de réalisation sont attendus "afin de ne pas renvoyer les externalités négatives du projet sur l'espace public".

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