Après des années de débat, le «Palais de la République» de Berlin, un monstre de verre et d'acier qui abritait jusqu'en 1990 le parlement de la RDA, doit être détruit dans les prochaines semaines, mais les défenseurs de ce symbole de l'Allemagne communiste crient au scandale.

Désormais désamianté, désossé et vidé, l'énorme parallélépipède de verre fumé et de poutrelles d'acier, fréquemment vilipendé pour sa laideur, doit laisser place dans les années à venir à un centre culturel orné d'une façade baroque. Le nouveau bâtiment, dont la construction n'est pas annoncée avant 2010, doit en effet être doté de la même façade que celle du château des empereurs Hohenzollern, que le régime de la RDA avait rasé en 1950 avant de construire à son emplacement, en 1976, le palais moderne controversé.

A l'issue de débats longs et passionnés, le parlement national de l'Allemagne réunifiée a tranché en faveur de la destruction du fameux palais. Mais la révolte gronde chez certains «Ossis» - Allemands originaires de l'ex-RDA -, amers de voir disparaître un monument emblématique du Berlin communiste. «Ils veulent détruire toute trace de la RDA», s'emporte Liselotte Schulz, la présidente de l'association créée pour défendre le Palais, qui confesse volontiers sa nostalgie pour certains aspects de la vie quotidienne dans l'ancienne Allemagne communiste.
C'est que le Palais de la République n'abritait pas seulement le parlement fantoche de la RDA, mais également un centre de loisirs alors sans équivalent de ce côté du Rideau de fer. Grâce aux autocars mis en place spécialement par le régime, les Allemands de l'Est accouraient des quatre coins du pays pour s'amuser dans ses bowlings et cafés, sur ses pistes de danse géantes, ou encore dans sa salle de concert qui s'enorgueillit d'avoir accueilli Harry Belafonte ou Carlos Santana. Après la réunification, les immenses volumes du Palais, bourré d'amiante, étaient restés longtemps inutilisés.
Puis, après avoir été désamianté, le bâtiment délabré, aux structures métalliques apparentes, avait connu une seconde jeunesse en devenant un des lieux très prisés de la nouvelle Berlin branchée: depuis l'été 2004, environ 135.000 personnes y ont assisté à des concerts, des pièces de théâtres ou des «happenings» de danse contemporaine auxquels participent les spectateurs.
Des milliers de personnes, effrayées à l'idée que cette nouvelle jeunesse ne soit qu'un chant du cygne, ont alors commencé à manifester régulièrement contre la destruction du Palais. «Ce serait un non-sens complet de construire ici un château. Pourquoi pas ramener le Kaiser, tant qu'on y est ?» fustige Mme Schulz. De son côté, le cabarettiste Peter Ensikat, dénonçant la volonté «grotesque» de faire «table rase du passé», voit dans le projet la même idéologie que celle ayant présidé à la destruction du château impérial en 1950.
Pour la majeure partie de la classe politique en revanche, le Palais de la République, décrit par certains comme une «verrue socialiste», a fait son temps. «Il y a toujours une plaie béante au coeur de Berlin. C'est pourquoi la ville a besoin du château», estime Frank Henkel, un responsable berlinois de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), le parti de la chancelière «ossie» Angela Merkel.
Reste que les responsables du projet sont loin d'avoir rassemblé les fonds nécessaires à la construction du nouveau château, une opération évaluée à 780 millions d'euros. Les autorités de la ville-Etat de Berlin ont d'ores et déjà réservé 12 millions pour la seule destruction de l'actuel Palais, mais reconnaissent que l'ardoise, pour ce seul démantèlement, pourrait atteindre les 20 millions.

actionclactionfp