EMPLOI. Lancé fin 2016, l'Edec (engagement pour le développement des emplois et des compétences) autour de la fibre optique vient de prendre fin. Le travail engagé pendant plus de trois ans ne s'arrêtera pas pour autant, surtout au regard des besoins en recrutement et formation, plus importants et qui s'étaleront sur une plus longue période que prévu.

Arrivé tout juste à son terme, et à l'heure d'en tirer un bilan, le 15 septembre 2020, l'Edec (Engagement pour le développement des emplois et des compétences) lancé fin 2016 autour de la toute jeune filière de la fibre optique semble avoir gagné son pari. Comme l'a rappelé à la tribune Bruno Lucas, délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle (ministère du Travail), les objectifs étaient ambitieux : de multiples acteurs devaient se retrouver et coopérer, comme les secteurs du bâtiment, des travaux publics ou des télécoms, afin de favoriser le recrutement. Initialement, on estimait que 22.000 emplois seraient nécessaires d'ici à 2022 dans ces jeunes métiers. Il fallait donc aussi "adapter les formations, construire des outils à destination des TPE et PME, rendre ces métiers parfois récents attractifs et montrer toutes les possibilités de trajectoire qu'ils offrent".

 

Le travail est loin d'être fini

 

"Beaucoup de travaux ont été réalisés", a salué le représentant du ministère du Travail, citant la création d'une cartographie et les fiches métiers qui ont demandé une convergence des branches, l'expérimentation de formations modulaires par Constructys (le Pack Fibre, à destination des TPE/PME), la mise en place d'outils de communication pour faire connaître les métiers… "Il reste encore à approfondir certains aspects, comme le travail sur les aires de mobilité ou l'accompagnement RH des TPE/PME, en rénovant les outils", a-t-il malgré tout souligné.

 

Surtout, il a insisté sur le fait que, malgré la fin de l'Edec, "le travail collectif n'est, lui, pas terminé. Le plan de relance confirme la priorité donnée au très haut débit pour déployer la fibre optique sur l'ensemble du territoire en 2025. Votre secteur et ces ambitions ont été confortés par la crise sanitaire, car nous avons tous remarqué l'importance prise par les réseaux numériques de communication pour assurer la continuité de l'activité économique, l'éducation, et la cohésion sociale".

 

 

Alors que les demandes de raccordement en fibre optique augmentent, le Gouvernement a inscrit dans le plan France relance une enveloppe supplémentaire de 240M€ pour "accélérer la réduction de la fracture numérique", et pour la généralisation de la fibre sur le territoire, a rappelé Bruno Lucas. Ce qui répond à une demande pressante du secteur… même si ces fonds complémentaires ne sont pas encore tout à fait suffisant pour accéder à la généralisation, selon plusieurs acteurs de la filière.

 

Nouveau référentiel et impacts covid


Il va donc falloir réaliser plus de prises qu'initialement envisagé. Phénomène accentué par le fait que des prises ont été "oubliées" dans les calculs de départ. En effet, le référentiel de logements et de locaux sur lequel ils s'appuyaient était "daté". L'Arcep en a publié un nouveau il y a quelques mois, pour "tenir compte de la démographie de locaux, logements et commerces", explique Didier Pouillot, en charge des questions des réseaux de télécommunication au sein d'Idate, qui a coréalisé l'étude finale de l'Edec. Conséquence : ce ne sont pas 37 millions de locaux qu'il va falloir raccorder, mais 41,1 millions, compte tenu de l'évolution des constructions neuves (chiffre qui pourrait d'ailleurs encore évoluer. Et finalement, même si les raccordements se sont nettement accélérés en 2019, "nous ne sommes pas en avance" pour parvenir à l'objectif du plan France très haut débit.

 

Deuxième imprévu à prendre en compte : les impacts de la pandémie de covid-19. Même si les performances pour le deuxième trimestre 2020 (1,2 millions de locaux raccordables supplémentaires, soit +10% sur un an) sont finalement meilleures que ce qui avait été imaginé, le secteur prévoit une baisse de productivité de 20% pour 2020, et encore de 10% sur 2021 par rapport aux objectifs initiaux.

 

Un pic d'activité décalé à 2023


Tout ceci engendre un décalage temporel par rapport aux prévisions initiales. Le pic d'activité était attendu pour 2021. Il le sera plutôt en 2023. Et le déploiement restera soutenu jusqu'en 2025, avant une décélération mécanique.

 

Qu'est-ce que cela signifie en termes d'emplois ? Tout d'abord, que le secteur aura besoin de plus de bras que prévu, avec une pointe à 26.750 équivalents temps plein en 2022, contre 22.000 envisagés au départ. Parmi eux, 9.850 emplois seront nécessaires pour le raccordement chez l'abonné, en contact direct avec les clients finaux. Les 16.900 autres concernent la construction du réseau sur l'espace public, dont environ 1.500 dans les bureaux d'études, 3.500 dans le génie civil, 4.800 pour le tirage des câbles, ou encore 3.200 dans la maintenance.
Ces besoins se maintiendront à un haut niveau jusqu'en 2024. A partir de 2025, ils chuteront, certes, mais resteront importants et se stabiliseront pour correspondre aux besoins de la vie du réseau.

 

Pression maintenue sur les recrutements et la formation


Aussi, au regard de ce panorama, Ambroise Bouteille, en charge de l'étude finale, met en avant trois défis encore à relever pour la filière. Le premier concerne les recrutements, "le décalage dans le temps et en volume engendrant des problématiques toujours vives autour de cette question", souligne-t-il. Le nombre de recrutements nécessaires restera en effet soutenu jusqu'en 2024 (environ 7.000 en 2021, et encore plus de 4.000 en 2024), tout comme celui de formation (11.000 en 2020 et encore 8.000 en 2024).

 

Deuxième sujet: l'enjeu relationnel lié au raccordement chez l'abonné. Souvent confié à des sous-traitants, Ambroise Bouteille attire l'attention sur la vigilance à porter à cet aspect, car c'est à partir de ce contact que le client final se fera une image de la filière.
Dernier aspect : l'anticipation de la reconversion des métiers. "Cela se prépare, il faut commencer à y réfléchir et montrer qu'au-delà de la fibre, il existe encore des perspectives." Maintenance du réseau, 5G, objets connectés… sont des activités vers lesquelles peuvent être remobilisées les personnels qualifiés, notamment à partir de 2025.

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