DÉCRYPTAGE. Parmi les 100 milliards d'euros du plan France relance, annoncé ce 3 septembre par le Gouvernement, plusieurs enveloppes concernent directement les infrastructures. Transports, eau, numérique… Batiactu fait le point avec les fédérations du secteur et leurs présidents.

Impossible de le nier : "il y a beaucoup d'argent sur la table", souligne Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), que Batiactu a contacté à l'issue de la présentation du plan France relance, le 3 septembre. Alors que le détail de la répartition des 100Mds€ est désormais connu, le secteur des travaux publics salue incontestablement l'effort du Gouvernement pour relancer l'économie du pays.

 

D'autant que les infrastructures n'ont pas été oubliées dans ce plan. Transports, eau, numérique, ouvrages d'art, accélération des infrastructures vertes… "Au total, nous pouvons imaginer que 3Mds€ concerneront directement notre secteur", avance Bruno Cavagné. Sans compter l'effet de levier potentiel.

 

L'accent mis sur les transports du quotidien


Lors de la conférence de presse du 3 septembre, les ministres ont évoqué de façon un peu dispersée les infrastructures. A notamment été évoquée l'enveloppe de 1,2Md€ qui sera consacrée aux transports du quotidien, s'inscrivant en complément des financements des collectivités territoriales. L'exécutif mise ainsi sur une impulsion qui pourrait permettre un investissement total de près de 5Mds€ dans ce domaine, et de mobiliser plus de 55.000 équivalents temps plein pour les travaux.

 

Cette enveloppe de 1,2Md comprend ainsi notamment des aides pour financer la réalisation de pistes cyclables, ou pour créer de nouvelles lignes de tramways, de bus à haut niveau de service, ou encore améliorer les liaisons ferroviaires en zone dense. Dans le document de présentation, le Gouvernement cite d'ailleurs quelques exemples de projets visés en Ile-de-France : projet Eole, amélioration du tronçon central des RER B et D, déploiement à poursuivre des tramways T3 et T1…

 

Volonté d'accélérer certains travaux

 

En regardant le détail du plan, 550M€ sont également promis pour l'accélération de travaux sur les infrastructures de transports. A cela s'ajoutent 300M€ destinés aux réseaux d'eau et d'assainissement, dont 50M€ pour les Outre-mer, ou encore 350 M€ pour la "modernisation du réseau routier national et le renforcement des ponts".

 

Quant aux infrastructures numériques, sur les 500M€ annoncés, 240M€ supplémentaires doivent être consacrés à la poursuite du déploiement du très haut débit. "[Ils] permettent de s'approcher sensiblement de l'enveloppe budgétaire relative aux besoins estimés (68M€) pour déployer les 3 millions de prises qui ne sont aujourd'hui dans aucun projet d'aménagement numérique. Grâce à eux, nous serons donc à 550 millions d'euros budgétés", note ainsi Etienne Dugas, président d'Infranum, dans un communiqué.

 

 

A souligner par ailleurs, le ferroviaire fait l'objet d'une attention particulière. Au total, 4,7Mds€ y seront dédiés avec des investissements promis à la fois sur la régénération et la modernisation du réseau dit structurant, et sur les petites lignes, en collaboration avec les régions, comme évoqué depuis plusieurs mois désormais. Par ailleurs, au-delà de France relance, un nouveau plan autoroutier pourrait bien voir le jour.

 

Argent nouveau ou réorientation ?

 

L'ambition est donc affichée. Quelques questions demeurent cependant. Les sommes annoncées sont-elles des moyens supplémentaires, ou des réorientations ? Pour le moment, difficile d'en être sûr. "Selon le Premier ministre, 80Mds sur les 100 seraient de l'argent nouveau. Certains aspects ont déjà été actés en loi de finances cependant", comme par exemple les 5Mds€ de soutien aux collectivités locales, remarque Bruno Cavagné.

 

Concernant les infrastructures de transports, les montants semblent malgré tout plus élevés que ce que prévoyait la trajectoire financière inscrite dans la loi d'orientation des mobilités, par exemple, ce qui laisse à penser qu'une partie d'argent "frais" sera en effet injectée. "Cela va peut-être accélérer un peu le mouvement", espère-t-on ainsi du côté de Routes de France, qui s'estime assez peu servis alors même que ses entreprises développent "depuis longtemps" des solutions pour accélérer la transformation écologique, insiste-t-on.

 

"Qu'importe sa provenance du moment que cet argent soit bien fléchés"

 

Mais "qu'importe la provenance du moment qu'il soit bien fléché", complète Alain Grizaud, président des Canalisateurs, auprès de Batiactu. Et du moment que cet argent serve bien à de l'investissement et à créer un effet de levier, et non à du fonctionnement ou à éponger les pertes d'exploitation des donneurs d'ordre, renchérit-on chez Routes de France.

 

L'exécution rapide du plan, élément déterminant à sa réussite


"La capacité à dépenser ces enveloppes, et à les dépenser vite, sera même déterminante", estime aussi le président de la FNTP. Alain Grizaud sera ainsi particulièrement vigilant au taux de réalisation, "les annonces doivent se transformer en actes dans un délai assez court. Or, pour le moment, les collectivités locales sont peu mobilisées pour sortir des projets".

 

En ce sens, le suivi annoncé par le Premier ministre, la nomination de sous-préfets dédiés à la relance, ou encore la réallocation des fonds si les projets prennent trop de temps sont vus d'un bon œil. Et même s'il reconnaît avoir souvent été échaudé par le passé entre les effets d'annonce et la réalité, et être désormais "comme saint Thomas", Bruno Cavagné veut croire "en la volonté affichée du Gouvernement et de Jean Castex de lancer tout ce qui peut l'être et de prouver que l'on peut réussir".

 

"Une fenêtre de tir se présente, ne la loupons pas"

 

Il reste aux travaux publics à aller prêcher la bonne parole auprès notamment de leurs clients publics, pour trouver les projets prêts à sortir. Ce que compte bien faire la FNTP.

 

"Nous avons une fenêtre de tir qui se présente, ne la loupons pas, estime Bruno Cavagné. Il sera sans doute difficile de tout dépenser en deux ans, mais même si 80% des projets sont lancés, si les collectivités locales prennent le train en marche, si les démarches sont simplifiées… bref, si tout le monde s'y met, cela pourrait marcher."

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