CONJONCTURE. Les chiffres du secteur de la construction ne sont assurément pas bons en cette fin d'année 2020, qui a évidemment été marquée par la crise sanitaire et économique du coronavirus. Si tous les marchés sont en recul, la production affiche pourtant une certaine résilience, et les pertes d'emplois se limitent à l'intérim.

Des chiffres dans le rouge : les indicateurs conjoncturels dévoilés ce 15 décembre 2020 par la Fédération française du bâtiment (FFB) ne sont assurément pas bons en cette fin d'année qui aura été marquée par une crise sanitaire et économique inédite. L'exercice 2020 se clôt ainsi sur "une chute historique d'activité" de 15,2% pour la construction ; un recul qui aurait pu se limiter à 4,6% si le confinement du printemps et l'arrêt quasi-total des chantiers qu'il a engendré n'avaient pas eu lieu. Quoi qu'il en soit, la réalité est bel et bien là : le segment de l'amélioration-entretien se rétracte de 8,8%, grâce à une moindre exposition aux effets de la crise du fait de ses chantiers souvent plus petits et nécessitant moins de co-activité. En revanche, le neuf plonge de 22,5% au global, sans présenter d'écart entre le logement, qui s'effondre de 22,3%, et le non-résidentiel, qui tombe lui aussi de 22,8%.

 

 

Olivier Salleron, le président de la FFB, analyse : "2020 se solde sur un score moins mauvais que prévu au sortir du confinement de mars-avril. Certes, l'activité des entreprises du secteur affiche -15 % en volume sur un an, mais les deux tiers de ce recul correspondent à une véritable évaporation liée à ce premier confinement, compensée en large partie par les mesures de soutien immédiat mises en place par le Gouvernement, notamment l'élargissement de l'activité partielle, l'aide du Fonds de solidarité, le Prêt garanti par l'État (PGE), le report voire l'annulation des charges patronales." Une "configuration" conjoncturelle qui a permis, du moins jusqu'à présent, aux entreprises du bâtiment de survivre et de maintenir leurs effectifs : dans le domaine de l'emploi, la baisse s'est en effet limitée à 0,8%, ce qui représente 10.000 postes supprimés, "uniquement dans l'intérim" précise le dirigeant de la fédération. Avec en plus "un beau succès pour la profession" : la construction compte depuis la rentrée 2020 entre 5% à 10% d'apprentis supplémentaires par rapport à 2019.

 

Des perspectives 2021 "en demi-teinte"

 

La résilience est donc de mise pour les capacités de production, au contraire des marges qui, en dépit d'un redressement constaté lors du déconfinement du mois de mai, restent toujours en-dessous de leur niveau d'avant-crise. Partant d'un tel contexte économique et social, la FFB estime que l'exercice 2021 affichera malgré tout des perspectives "en demi-teinte" : après le point très bas de 2020, le rebond d'activité pourrait être de 11,3% l'année prochaine. Un rattrapage qui ne pourra cependant pas compenser la perte initiale, le niveau d'activité de 2021 devant être de 5,6% inférieur au niveau de 2019 - soit une chute de 8 milliards d'euros. Logement neuf et non-résidentiel sont attendus respectivement à +14,6% et +11,6% en 2021, mais encore en retrait respectif de 10,9% et de 13,8% en comparaison à leurs niveaux de 2019. En cause : les "fortes baisses" de permis de construire et de mises en chantier enregistrées en 2020. Selon la FFB, 328.000 logements sortiraient de terre l'année prochaine, contre environ 410.000 en 2019 ; sur un an, les logements autorisés diminueraient de 9,1%, et jusqu'à -22,6% par rapport à 2019.

 

"Les prolongations du PTZ (Prêt à taux zéro, ndlr) et du Pinel, bienvenues mais sans 'coup de pouce', ne peuvent s'assimiler à des mesures de relance. D'autant que les recommandations du HCSF (Haut conseil de stabilité financière, ndlr) relatives aux conditions d'octroi du crédit pèsent lourdement auprès des candidats à la primo-accession ou à l'investissement locatif. Quant à la construction non-résidentielle, l'habituel attentisme des donneurs d'ordre privés en temps de crise se trouverait complété par un nouveau repli de la commande publique." -Olivier Salleron, président de la FFB

 

Dans le non-résidentiel (hors exploitations agricoles), les surfaces commencées s'établiraient à 16,8 millions de mètres carrés en 2021, à comparer aux 23,6 millions en moyenne de longue période. Sur 12 mois, les surfaces autorisées se replieraient dans ce domaine de 3,7%, et même de 22,6% sur 24 mois. Une situation que les professionnels expliquent par la baisse de la demande - imputable à la crise sanitaire - et les nouveaux surcoûts relatifs au protocole sanitaire et à la future Réglementation environnementale 2020. Le secteur considère que le segment de l'amélioration-entretien sera le seul à recouvrer son niveau de 2019, grâce aux quelque 3,5 milliards d'euros d'aides publiques prévues par le Plan de relance dans le domaine de la rénovation énergétique. "Le logement commencerait enfin à ressentir les effets de Ma prime rénov', sous réserve que l'ouverture de l'aide à tous les ménages ne se traduise pas par de nouveaux blocages", note le patron de la fédération.

 

Favoriser la relance et anticiper les surcoûts de la RE2020

 

Les répercussions sur l'emploi seront toutefois bien plus violentes en 2021 : le bâtiment s'attend à perdre 50.000 postes (-4,1%), aussi bien parmi les intérimaires que les salariés permanents. Dans une logique de prévention de cette nouvelle baisse d'activité qui risque de surcroît de se prolonger en 2022, la FFB braque les projecteurs sur trois de ses propositions. Ces mesures à "effet rapide" doivent permettre de limiter la casse : d'abord, la filière suggère, pour la primo-accession dans le neuf, la mise en place d'"un crédit d'impôt sur les annuités d'emprunt, égal à 40% de l'annuité plafonnée, pendant 5 ans". Olivier Salleron précise : "Versé en tiers-payant aux établissements préteurs, en contrepartie d'une réduction équivalente de la mensualité du ménage, il serait cumulable avec le PTZ. Cette aide intégrerait 'France relance' et serait donc mise en place pour deux ans (2021-2022)." La seconde mesure consiste à porter ce crédit d'impôt, dans le cas de l'entrée en vigueur de la RE2020, à 50%. "Le dispositif pourrait s'élargir aux secundo-accédants, avec une aide s'élevant à 10% des cinq premières annuités plafonnées", indique le président de la FFB. Enfin, pour soutenir l'investissement locatif privé dans le neuf, il est aussi proposé un "bonus RE2020" sur le Pinel "avec une réduction d'impôt majorée de moitié" : "Pour une durée moyenne d'investissement de 9 ans, cette réduction passerait de 18% à 27%", complète Olivier Salleron.

 

"Le logement neuf est en danger. C'est un problème social et sociétal." -Olivier Salleron

 

Ce trio de mesures devra s'accompagner, pour le secteur, d'un soutien affirmé à la construction locative sociale mais aussi d'une mise au point claire et définitive sur l'avenir de la construction en France : quid de la "zéro artificialisation nette", comment organiser la densification des villes... Des interrogations qui se rajoutent à celles concernant l'afflux de réglementations qui entreront bientôt en vigueur : "en matière de gestion des déchets sur chantier, avec le passage de cinq à sept flux à trier, et avec la généralisation des douches sans ressaut", relève Olivier Salleron. Sur le segment de l'individuel, le président note aussi "des études de sol préalables et des mesures parasismiques applicables au neuf" ; dans le collectif, elles concernera le "pré-équipement des places de parking en infrastructure de recharge des véhicules électriques" et le "doublement des espaces sécurisés et protégés de stationnement des vélos en collectif". Alors que le Gouvernement chiffre le surcoût engendré par l'application de la RE2020 à environ 4%, la FFB, son Pôle habitat, la Fédération des promoteurs immobiliers et l'Union sociale pour l'habitat l'estiment pour leur part entre 6% et 13%.

 

 

Amplifier la vague de rénovation des bâtiments publics

 

"Aujourd'hui, on est encore dans la reprise mais pas dans la relance", tempère le président de la FFB. D'où un travail mené de concert avec les élus locaux pour accélérer les procédures administratives et le traitement des dossiers pour les autorisations de chantier, à l'image d'une charte signée en ce sens avec l'Association des maires de France. L'annonce par le Premier ministre Jean Castex de la rénovation programmée de 4.200 bâtiments publics satisfait évidemment la profession, qui demande d'ailleurs d'aller encore plus loin. Avec un chiffre d'affaires en baisse de 23 milliards d'euros, passant de 148 milliards en 2019 à 125 milliards en 2020, le secteur espère effectivement se positionner sur tous les marchés potentiels.

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