CULTURE. L'architecte paysagiste Daniel Jauslin interroge les liens existants entre l'architecture et le paysage, dans une exposition qui se tient jusqu'au 22 mai, à Paris. Films, photographies, 3D, maquettes… les mediums s'entremêlent pour donner une vision transversale de ce deux domaines.

L'architecture imaginée comme une promenade paysagère : c'est ce que propose l'exposition parisienne intitulée "Si les bâtiments étaient des paysages". Jusqu'au 22 mai, l'Atelier néerlandais, dans le VIIe arrondissement, accueille cet ensemble pensé par Daniel Jauslin, architecte paysagiste, et son équipe de l'agence DGJ Paysages, spécialisée dans le paysagisme et la conception de jardins. L'exposition présente notamment trois œuvres imaginées par des pointures de l'architecture, dont Rem Koolhaas (de l'agence Oma) à Paris, Peter Eisenmann (de l'agence éponyme) en Galice et Sejima Nishizawa (du cabinet japonais Sanaa) à Lausanne. Une installation cinématographique de Wim Wenders, réalisateur du célèbre long-métrage Paris, Texas, accompagne cet ensemble.

 

L'exposition se veut être un espace de recherche, présentant des architectures originales, en lien avec le contenu de la thèse doctorale de Daniel Jauslin, intitulée "Stratégies paysagères dans l'architecture". Il y avance que certains bâtiments offrent de véritables expériences spatiales et paysagères en leur sein, s'appuyant sur les trois projets présentés dans l'exposition. "Aujourd'hui, des villes entières ont été repensées via le prisme de l'urbanisme paysager", affirme-t-il, dans un communiqué.

 

La 3D pour mieux comprendre des projets

 

Le public découvre notamment le projet parisien non-réalisé de deux bibliothèques pour l'université Jussieu, imaginé par Rem Koolhaas, en 1992. Le but de ces ouvrages aurait été d'améliorer le campus moderniste datant de l'après-guerre. L'architecte s'est inspiré des manifestations d'étudiants de mai 1968, qui avaient mené à la fermeture du parvis par un grillage, pour repenser cet espace urbain. "Le projet Jussieu peut être vu comme l'ancêtre d'un nouvel urbanisme paysager, propagé par bien des urbanistes jusqu'à nos jours", décrypte l'auteur de la thèse. Si les bibliothèques n'ont finalement jamais été bâties, l'exposition de l'Atelier néerlandais montre ce qu'elles auraient pu représenter, grâce à un casque de réalité virtuelle. Daniel Jauslin voit l'utilisation de cette technologie comme une évidence. "Avec des plans et des maquettes, il est difficile de comprendre à quel point ce bâtiment aurait fusionné avec toute la ville de Paris pour former un paysage urbain." Il perçoit dans ce projet l'exemple d'un bâtiment présentant un paysage de boulevards "repliés sur eux-mêmes" en son sein.

 

Exposition Si les bâtiments étaient des paysages
Photographies, maquettes ou encore 3D sont présentées dans cette exposition à l'Atelier néerlandais. © DGJ Paysages

 

Le projet Rolex Learning Centre, conçu par les architectes de l'agence Sanaa et réalisé en 2010 à l'École polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse, est également décrypté. Les visiteurs peuvent découvrir la maquette originale du concours, remporté en 2004, des dessins analytiques de Daniel Jauslin et une installation 3D de Wim Wenders pour la biennale de Venise en 2010.

 

Une reproduction numérique animée d'une maquette originale de la Cité de la Culture de Galice, en Espagne, est aussi présentée. Le chantier de ce projet, imaginé par l'architecte Peter Eisenmann, est bloqué depuis une dizaine d'années. L'occasion pour Daniel Jasulin et son agence d'imaginer ce qu'il serait possible de tirer des terres excavées issues de la partie non-terminée du projet, à savoir un "centre de la culture forestière". "C'est un projet utopique de DGJ Paysages, qui démontre que les principes architecturaux d'Eisenmann s'appliquent au paysage construit", intervient-il. Des dessins d'analyse et de théorie de conception architecturale sont présentés.

 

 

Projet bibliothèques Jussieu Oma
Le projet de bibliothèques de Jussieu a été conçu par l'agence Oma. © Oma

 

Une réflexion sur l'architecture actuelle

 

"J'ai constaté que ces trois projets, contrairement aux 'véritables' paysages, font peu usage des ressources naturelles ou urbanistiques issues de leur environnement", avance Daniel Jauslin, qui y regrette "l'absence de réflexion sur la durabilité". Cela montre, selon lui, "une ignorance de la part des maîtres d'œuvre et d'ouvrage de ce sujet à la fin du siècle dernier." Il pointe le "gaspillage" généré par l'architecture actuelle, responsable du changement climatique, selon lui. "Les constructions en béton, que le modernisme a quasiment sanctifié pendant tout un siècle, sont, comme nous le savons depuis les années 70, toutes néfastes pour le climat. Aux Pays-Bas, on discute aujourd'hui dans les congrès spécialisés de la honte du béton, comme on le fait en Scandinavie avec la honte de prendre l'avion, et on redécouvre, comme presque partout ailleurs, la construction en bois." Il appelle ainsi à se tourner non pas uniquement vers des ressources biosourcés mais aussi vers "les conditions biologiques locales existantes". De façon plus globale, il aimerait que l'architecture soit repensée pour donner naissance à des bâtiments qui dureront plusieurs générations et qui intègreront les paysages.

 

Informations pratiques

 

Exposition "Si les bâtiments étaient des paysages", jusqu'au 22 mai
Entrée libre

 

L'Atelier néerlandais
121 Rue de Lille, 75007 Paris

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