CONJONCTURE. Au moment où s'ouvre le salon Artibat à Rennes, le président de la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment) annonce un recul de l'activité des professionnels. La faute, selon lui, à un manque de courage politique et à des arbitrages technocratiques à l'heure de l'urgence climatique et de la souveraineté énergétique.

Une colère amère monte à la Capeb. Au moment où s'ouvre le salon Artibat à Rennes, rendez-vous traditionnel des professionnels de la construction, le président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, Jean-Christophe Repon, annonce un recul de l'activité du secteur au 2e trimestre 2023. Une conséquence pas vraiment surprenante à ses yeux.

 

 

"L'activité du neuf est à -3%, tandis que l'entretien-amélioration reste un segment toujours porteur mais atone (0%), bien que sur un volume d'activité encore relativement satisfaisant. Nous avons aussi une réalité qui vient nous impacter fortement : la rénovation énergétique était à +2% au 1er trimestre 2023, et là elle recule de 0,5%", développe-t-il. Le marché du neuf, en pleine contraction, représente environ 40% de l'activité des adhérents de la Capeb, qui reproche au passage aux entreprises générales "de grosse taille" de s'emparer plus facilement des marchés.

 

"Ce qui veut dire que les effets d'annonces du Gouvernement sur Ma prime rénov', le budget supplémentaire annoncé sur la performance énergétique, le parti pris de disqualifier les chaudières gaz THPE (très haute performance énergétique) ; tout cela donne des signes forts de baisse d'activité alors qu'on devrait être bien-au-delà, en réponse au défi de la transition énergétique", poursuit-il.

 

Manque de considération

 

À l'heure de l'urgence climatique et des enjeux de souveraineté énergétique, le marché de la rénovation thermique devrait en effet bien se porter. Un manque de courage politique et des arbitrages technocratiques en contradiction avec les priorités du moment seraient cependant responsables de ce début de perte d'activité.

 

Ce qui suscite beaucoup de "déception" chez le vice-président de l'U2P (Union des entreprises de proximité), qui s'interroge même sur l'existence éventuelle d'une forme de "mépris" chez les décideurs politiques. Il cite un exemple : aujourd'hui-même, la Capeb avait rendez-vous avec Patrice Vergriete, ministre du Logement. Un entretien qui a été annulé "pour la troisième fois".

 

"On en vient à se demander si ce sont les ministres ou l'administration centrale qui prennent les décisions au sein de ce gouvernement."

 

L'artisanat du bâtiment regrette donc que la réponse globale des pouvoirs publics ne soit pas à la hauteur des enjeux. Des rendez-vous symboliques et spécifiques avaient pourtant été fixés. "On attend la prochaine réunion des Assises du BTP depuis le mois de juin, et on apprend qu'elle va peut-être être annulée et intégrée dans les Assises de la simplification, alors que beaucoup de propositions avaient été portées. Or, à ce jour, il n'y a aucune avancée. Ce n'est pas un bon signal", fustige Jean-Christophe Repon.

 

Le patron de la confédération indique malgré tout réfléchir actuellement avec son réseau sur des propositions "fortes" en matière de simplification. Mais il demandera aussi aux élus de la Capeb s'ils estiment que leur participation à ces assises apporterait "une plus-value réelle". Car pas question pour les représentants de l'artisanat de "cautionner ce travail d'animation" pour n'en voir finalement aucun résultat.

 

Les chaudières gaz dans la tourmente

 

"Ce mépris est désolant d'inefficacité dans l'atteinte des objectifs de transition énergétique. On en vient même à se demander si ce sont les ministres ou l'administration centrale qui prennent les décisions au sein de ce gouvernement", tacle encore Jean-Christophe Repon.

 

 

Un "camouflet" doublé d'une absence d'écoute pas franchement bienvenus alors que la filière doit relancer son activité et que tout le monde devrait se mobiliser sur la transition écologique. "C'est très inquiétant pour le secteur, pour nos entreprises et pour nos salariés", ajoute-t-il.

 

D'aucuns affirmant que les rénovations globales et performantes doivent devenir la norme, la Capeb note toutefois que la première étape d'un chantier global est le changement d'énergie. Sauf que la "stigmatisation" des chaudières gaz et des "compétences" des plombiers-chauffagistes dans ce domaine, risque de ne pas aider à atteindre la neutralité carbone.

 

"Quels sont les objectifs du Gouvernement ? Est-ce bien la décarbonation en 2050 ?", s'interroge le président de la confédération. D'après lui, la chaudière THPE, bien qu'encore un peu carbonée, offre tout de même aux ménages une porte d'entrée à des rénovations globales et performantes.

 

Décisions contre-productives

 

Il s'agit en outre d'embarquer tous les acteurs de la chaîne de valeur. "On a besoin d'arbitrages politiques courageux pour amener les industriels à modifier leurs équipements, et les énergéticiens à verdir les tuyaux d'alimentation de la chaudière", assure Jean-Christophe Repon. Alors que le projet de loi de Finances 2024 a commencé à être examiné dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, mais que l'exécutif pourrait couper court en dégainant l'article 49-3 de la Constitution, reste à savoir qui tranche les arbitrages : Bercy ou Roquelaure ?

 

"J'ai la sensation qu'il y a un peu de bonne foi dans les annonces, mais que dans chaque arbitrage (comme la disparition de la fiche CEE des chaudières THPE), c'est contre-productif. Ce n'est pas l'argent gagné par Bercy dans les finances publiques qui viendra changer tout cela, et tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut bien marquer la différence entre énergie carbonée et énergie décarbonée", répond Jean-Christophe Repon à Batiactu.

 

"Je ne qualifierai pas l'activité du bâtiment de récession, mais on y va tout droit."

 

Au bout du compte, la morosité semble s'installer. "Je ne sais plus quoi dire à nos adhérents, si ce n'est que nous ne sommes pas écoutés par nos gouvernants. À ce jour, je n'ai rien vu de nos propositions qui ait été écouté. Au contraire, et c'est désespérant, on part dans l'autre sens."

 

Interrogé par Batiactu sur les prochaines étapes, le président de la Capeb renvoie la balle à l'exécutif. "Je n'ai pas d'autre voie d'action que de rappeler au Gouvernement qu'il n'est pas à la hauteur de l'évènement. Je ne peux pas dire aujourd'hui qu'il ait pris acte du rôle des TPE dans la rénovation énergétique, dans le maintien à domicile et même dans la société." Avant de conclure : "Je ne qualifierai pas l'activité du bâtiment de récession, mais on y va tout droit".

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