JUSTICE. Le parquet national financier vient d'ouvrir une enquête préliminaire concernant l'attribution à Ailes Marines, filiale de l'énergéticien espagnol Iberdrola, du marché du parc éolien offshore en baie de Saint-Brieuc.

Dans la baie de Saint-Brieuc, la construction du futur parc éolien offshore de 62 éoliennes, pour une puissance de 496MW, n'en a toujours pas fini avec la justice. On pensait pourtant le dernier recours rejeté en décembre 2020. Or depuis, et bien que la construction ait commencé, la contestation est toujours vive contre le projet.

 

Nouveau rebondissement en ce début octobre 2021 : Médiapart révèle que le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire pour "recel de délit d'atteinte à l'égalité des candidats dans les marchés" dans l'attribution du marché public du parc éolien à Ailes Marines, filiale de l'énergéticien espagnol Iberdrola. Information confirmée auprès de l'AFP.

 

Le Gouvernement de l'époque n'a pas suivi la Commission de régulation de l'énergie

 

Le Comité des pêches des Côtes-d'Armor avait saisi le PNF fin août 2021. Il dénonçait un recel de favoritisme dans l'attribution en 2012 de ce marché. Les avocats des plaignants expliquaient qu'en 2012, les ministres de l'Ecologie - fonction exercée par le Premier ministre de l'époque, François Fillon, suite à la démission de Nathalie Kosciusko-Morizet devenue porte-parole de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, NDLR - et de l'Industrie - Eric Besson - avaient désigné la société Ailes Marines pour la construction de ce parc, malgré un avis divergent de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Celui-ci lui avait préféré le groupement Eolien maritime France, mené par EDF et Enbridge.

 

Or, le choix du Gouvernement de l'époque a depuis été jugé "irrégulier" par le Conseil d'Etat, "dans deux décisions de juillet 2019. L'exécutif avait pris en compte des conditions qui n'avaient pas été incluses dans le cahier des charges, pour favoriser Ailes Marines plutôt que la société concurrente", ajoutaient Me William Bourdon et Me Vincent Brengarth.

 

 

Contactés par l'AFP après l'ouverture de l'enquête par le PNF, ils complètent : "Dès lors qu'un risque pénal sérieux pèse sur l'opérateur, les cartes peuvent être rebattues", et ils assurent qu'un "dialogue effectif est toujours possible et souhaitable avec des pêcheurs responsables et légitimes dans leurs revendications". La société Ailes Marines n'a, de son côté, pas souhaité réagir.

 

Plusieurs procédures en cours

 

Les pêcheurs comptent parmi les principaux opposants à ce projet de ferme éolienne offshore. Ils craignent l'impact sur l'environnement marin et sur leur activité. Et alors que la construction est en cours, ils ont relancé plusieurs procédures judiciaires ces dernières semaines.

 

Fin août 2021, ils ont ainsi déposé une plainte au parquet de Brest contre l'ensemble du projet. Son objet : "rejet de substance polluante" et "atteinte à la conservation des espèces animales non domestiques". Par ailleurs, deux recours ont été déposés par le Comité des pêches des Côtes-d'Armor devant le tribunal administratif de Rennes. Il souhaite faire suspendre puis annuler l'arrêté autorisant les travaux, et notamment le navire Aeolus à se rendre sur le chantier.

 

 

Retard de chantier

 

Pour rappel, le 14 juin et le 28 juillet 2021, des fuites de fluides hydrauliques ont été causées par des forages effectués par l'Aeolus. Si ces fluides sont "facilement biodégradables" avec "un faible impact sur l'environnement", selon Ailes marines, les avocats du comité de pêcheurs comptent sur "l'urgence, condition nécessaire en matière de référé suspension, d'autant plus caractérisée que la saison de la pêche de la coquille Saint-Jacques commence le 4 octobre" 2021 pour faire suspendre le chantier. La date d'audience du référé suspension a été fixée au 7 octobre.

 

Le parc éolien au large de Saint-Brieuc devrait pouvoir produire 1.820GWh par an, soit la consommation électrique de 835.000 habitants. Mais sa mise en service à fin 2023, comme prévu, n'est pas assurée. En effet, le chantier a déjà pris du retard. Et cela n'a rien à voir avec de nouveaux rebondissements judiciaires - qui pourraient encore allonger les délais -, mais à des incidents techniques et des difficultés liées à la nature du sol.

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