ANALYSE. Le secteur de la construction a concentré presque un quart des destructions de postes chez les chefs d'entreprises l'année dernière. Toutes les régions sont concernées, seuls les Hauts-de-France résistent, mais difficilement.

Jamais autant de chefs d'entreprises n'ont perdu leur emploi depuis la crise financière de 2016. Ils ont été 51.555 à se retrouver au chômage en 2023, selon la dernière édition de l'Observatoire de l'emploi des entrepreneurs. Ce baromètre, publié par l'association GSC, qui a souscrit un contrat d'assurance de groupe auprès de plusieurs assureurs, et par le groupe Altares, fait ainsi état d'un bond de 33,3% de ces destructions de postes, qui renouent avec leur niveau d'avant-Covid.

 

 

Les 12.800 femmes et hommes entrepreneurs supplémentaires qui se sont retrouvés sans emploi l'année dernière ont dû affronter un ensemble de facteurs peu favorables. "Les chiffres de 2023 sont très alarmants, mais malheureusement peu surprenants. Hausse des taux d'intérêt, surendettement des entreprises, fin des aides Covid et du moratoire de l'Urssaf... De nombreux indicateurs laissaient craindre une accélération des liquidations judiciaires en France, avec des pertes d'emplois importantes à la clé", explique le président de l'association GSC, Anthony Streicher.

 

12.000 entrepreneurs concernés dans le BTP

 

Le secteur de la construction est malheureusement bien représenté dans les chiffres 2023. Concentrant 24,4% des destructions de postes chez les chefs d'entreprises français l'année dernière, le bâtiment et les travaux publics encaissent une hausse colossale de 40,2% de ses dirigeants au chômage, soit 12.071 femmes et hommes concernés - dont 10.219 pour les seules activités du bâtiment.

 

Seuls trois secteurs enregistrent des évolutions encore plus conséquentes : +42,7% pour l'hébergement, la restauration et les débits de boissons, et +47,3% pour l'assurance et la finance. Les agences immobilières connaissent la pire tendance, avec 767 entrepreneurs impactés, ce qui représente une envolée de 103,4%.

 

Les TPE familiales particulièrement vulnérables

 

Le directeur général d'Altares fournit d'autres explications. "En 2023, le ralentissement de l'économie s'est confirmé en France comme en Europe, fragilisant davantage des entreprises parfois en peine à rembourser une dette devenue trop lourde. Le nombre de défaillances a augmenté de 36%, une tendance lourde mais pas surprenante après la parenthèse Covid", détaille Frédéric Barth.

 

Les TPE sont les plus représentées, et notamment les structures familiales. "De santé financière plutôt fragile, elles doivent faire face depuis plusieurs mois à une trésorerie qui se dégrade, conduisant de plus en plus de dirigeants à devoir solliciter l'accompagnement du tribunal", ajoute-t-il.

 

Une durée de vie moyenne des entreprises estimée à 9 ans

 

Tous secteurs confondus, l'observatoire estime à 140 le nombre de dirigeants qui perdent chaque jour leur emploi en France. Leur âge médian est de 46 ans, sachant que les plus de 51 ans sont particulièrement exposés puisqu'ils représentent un tiers des entrepreneurs concernés. Cela dit, les moins de 26 ans connaissent aussi une augmentation importante : 1.240 d'entre eux ont pointé au chômage en 2023, ce qui représente +33,5% sur un an.

 

Le baromètre fournit de nombreuses autres caractéristiques sur le profil-type des chefs d'entreprises impactés. On apprend par exemple que plus de 9 dirigeants sur 10 ayant perdu leur emploi étaient à la tête d'une structure de moins de 5 salariés. Mais ce sont les entrepreneurs de TPE employant 6 à 9 collaborateurs qui ont subi la progression la plus conséquente, de l'ordre de 51,3% sur un an, soit 2.571 personnes touchées.

 

 

Quasiment 23.000 femmes et hommes se trouvaient à la tête d'une société dont le chiffre d'affaires était inférieur à 500.000 €, contre seulement 429 personnes qui ont déclaré un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions d'euros. En moyenne, ceux qui ont dû mettre la clé sous la porte avaient crée leur entreprise il y a 9 ans.

 

Anticiper les risques

 

Toutes les régions sont concernées par l'expansion du phénomène, certaines plus que d'autres. Après avoir été relativement épargnée en 2022, l'Île-de-France, première région économique du pays, a recensé 11.359 chefs d'entreprises sans emploi en 2023 (+36,7%), soit presque un quart de toutes les pertes comptabilisées à l'échelle nationale. Les destructions de postes observées en Auvergne-Rhône-Alpes (6.359, +38,7%) et en Occitanie (4.924, +38,7%) ont pour leur part été supérieures à la moyenne nationale.

 

Alors qu'ils avaient accusé une dégradation sévère en 2022 (+73,3%), les Hauts-de-France ont résisté, mais difficilement : 4.055 entrepreneurs y ont perdu leur emploi, en hausse de 19%. La progression la plus énorme a été constatée en Corse mais il faut la rapporter à la population locale (336 personnes, +97,6%), tandis que 1.521 personnes se sont retrouvées au chômage dans les Outre-mer (+38,4%).

 

Quant aux perspectives 2024, la plus grande prudence reste de mise. "La croissance est attendue faible, et les défauts d'entreprises, plus nombreux. L'anticipation des risques restera déterminante", résume Frédéric Barth. "Certains secteurs comme le bâtiment devraient voir leur activité repartir mais l'année 2024 s'annonce tout aussi délicate et doit nous amener à nous interroger sur le devenir de ces hommes et ces femmes", abonde Anthony Streicher.

actionclactionfp