ANALYSE. Sur les six premiers mois de 2023, le bâtiment et les travaux publics font partie des secteurs les plus touchés par les pertes d'emplois chez les dirigeants. Les recouvrements de l'Urssaf qui vont aller crescendo pourraient encore accélérer les défaillances d'entreprises.

La situation de l'emploi chez les entrepreneurs se dégrade fortement. "Près de 140 chefs d'entreprises perdent désormais leur emploi chaque jour", alerte le président de l'association GSC, Anthony Streicher.

 

 

La structure, créée en 1979 par les trois organisations patronales françaises - Medef, CPME et U2P - et qui propose aux entrepreneurs de maintenir leurs revenus en cas de perte d'activité professionnelle, vient de publier en collaboration avec le cabinet d'études Altares la dernière édition de l'Observatoire de l'emploi des entrepreneurs. Sur les six premiers mois de 2023, environ 25.300 dirigeants supplémentaires ont pointé au chômage, ce qui représente un bond de 36,6% sur un an et un retour au niveau d'avant-Covid.

 

BTP et commerce représentent la moitié des liquidations judiciaires totales

 

Le phénomène ne cesse en réalité de s'aggraver. "Alors que l'inflation, la hausse des coûts des matières premières, des taux d'intérêt, l'épuisement des carnets de commandes et le remboursement des PGE (prêts garantis par l'État) fragilisent les chefs d'entreprises, il est plus important que jamais de les accompagner pour qu'ils puissent sécuriser leur trajectoire professionnelle", poursuit le responsable. D'autant que les recouvrements de l'Urssaf qui vont aller crescendo - pour collecter les sommes dues pour les périodes de confinement sanitaire, entre autres - pourraient encore accélérer les défaillances d'entreprises.

 

La conjoncture économique complique en effet le quotidien des entrepreneurs, notamment ceux de la construction : le secteur a enregistré 5.713 nouvelles pertes d'emplois chez ses dirigeants au premier semestre 2023, un chiffre qui décolle de 50% en comparaison à la même période un an plus tôt. Additionnées à celles du commerce, les destructions de postes dans le bâtiment et les travaux publics représentent quasiment la moitié des liquidations judiciaires totales comptabilisées en France.

 

Les TPE concernées dans 90% des cas

 

Tous secteurs confondus, l'âge médian de ceux perdant leur emploi est de presque 46 ans. L'observatoire constate d'ailleurs que plus d'un tiers des chefs d'entreprises ont plus de 51 ans, ce qui pose évidemment et malheureusement la question de leur capacité à rebondir après une telle épreuve.

 

Ce sont cependant les tranches d'âge 31-40 ans et 41-50 ans qui comptent le plus de patrons au chômage, avec respectivement 6.282 et 6.803 personnes. Les plus jeunes dirigeants sont aussi de plus en plus impactés : les tranches d'âge 26-30 ans et moins de 26 ans en situation de chômage s'envolent respectivement de 43,2% et de 40,1%.

 

"Les entrepreneurs à la tête de petites structures (moins de 5 salariés), représentent près de 9 pertes d'emploi sur 10 pour le premier semestre 2023. Si le nombre de chefs d'entreprises de plus de 20 salariés ayant perdu leur emploi a décru pendant la crise Covid, il a doublé ce premier semestre comparé à l'année dernière (20 à 49 salariés, +104,4% ; > 50 salariés, +98,5%)", indique l'observatoire dans son rapport. Ceci dit, les structures de plus grande taille ne sont pas épargnées : la part des patrons déclarant plus de deux millions d'euros de chiffre d'affaires et se retrouvant au chômage a augmenté de plus de 100%.

 

Provence-Alpes-Côte d'Azur et Outre-mer s'en sortent le mieux

 

 

Au niveau géographique, la hausse des pertes d'emplois chez les chefs d'entreprises se chiffre à plus de 50% dans près de la moitié des régions. Première locomotive économique du pays, l'Île-de-France est logiquement l'un des territoires les plus exposés avec 5.468 entrepreneurs s'étant retrouvés au chômage. En progression de 47,9%, ce chiffre représente aussi près d'un quart des pertes d'emploi à l'échelle nationale. Autre poids lourd économique, l'Auvergne-Rhône-Alpes a enregistré pour sa part 2.902 destructions de postes chez des entrepreneurs au premier semestre 2023, en augmentation de 57,6% sur un an.

 

La région Provence-Alpes-Côte d'Azur et les Outre-mer sont les territoires ayant subi la plus faible évolution des dirigeants impactés, avec respectivement +37,8% (2.473 personnes) et +31,1% (640 personnes). À l'inverse, les 165 chefs d'entreprises corses ayant pointé au chômage depuis le début de l'année font de l'Île de beauté la région la plus frappée par le phénomène, avec une vague s'élevant à 132,4%.

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