PROTECTION SOCIALE. La ministre du Travail Élisabeth Borne a annoncé le 2 mars dernier aux partenaires sociaux que le décret réformant l'assurance-chômage serait publié d'ici le 1er avril. Fait rare, le texte suscite pourtant l'opposition unanime des syndicats. Tour d'horizon des principales mesures arrêtées par le Gouvernement.

D'aucuns estiment que le moment est pour le moins mal choisi pour réaliser une telle réforme. Malgré la pandémie de Covid, ses conséquences économiques et sociales désastreuses et l'absence de visibilité, le Gouvernement a décidé de revoir les règles de l'assurance-chômage. Promesse électorale d'Emmanuel Macron, l'approche de la présidentielle de 2022 n'est sans doute pas étrangère à cette décision audacieuse, et même risquée sur le plan politique. Face aux partenaires sociaux, la ministre du Travail Élisabeth Borne a donc indiqué le 2 mars dernier que le décret réformant l'assurance-chômage serait publié d'ici le 1er avril. L'indemnisation des demandeurs d'emploi et les modalités des cotisations employeurs devraient ainsi évoluer à partir du 1er juillet 2021, à moins que le Conseil d'État n'invalide des dispositions du texte d'ici là.

 

 

Les arbitrages gouvernementaux présentés le 2 mars sont censés "adapter" le texte pour prendre en compte l'impact de la crise sanitaire du Covid. Mais dans sa version d'origine de juillet 2019, la réforme se fixait pour objectif de réaliser entre 1 à 1,3 milliard d'euros d'économies par an en durcissant les règles d'indemnisation tout en luttant contre les recours excessifs aux contrats courts. Sauf que le marché de l'emploi était alors bien plus dynamique qu'il ne l'est aujourd'hui.

 

Près de 1 chômeur sur 2 verrait son allocation baisser avec la nouvelle méthode de calcul

 

Concrètement, que contient donc ce projet de réforme de l'assurance-chômage ? Les aménagements décidés par l'exécutif portent sur la durée de travail nécessaire pour ouvrir et recharger des droits au chômage, le calcul de l'indemnisation, la dégressivité de l'allocation et un système de bonus-malus pour les entreprises recourant de manière excessive aux contrats courts. En premier lieu, le Gouvernement a assuré que le durcissement de certaines règles sera conditionné à "un retour à bonne fortune", autrement dit à une amélioration du contexte économique et du marché de l'emploi. Ce qui devrait d'abord concerner l'éligibilité, avec 6 mois de travail nécessaires pour bénéficier des droits, au lieu de 4 aujourd'hui. Et ce qui impacterait ensuite la dégressivité, qui ne s'amorcerait que le 7e mois pour les revenus dépassant les 4.500 euros bruts. L'entrée en vigueur de ces deux "paramètres" dépendrait ainsi du nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A (les "personnes sans emploi, tenues d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi, à la recherche d'un emploi quel que soit le type de contrat") et du nombre de déclarations d'embauche de plus d'un mois.

 

La mesure qui suscite le plus de critiques est la modification du calcul du salaire journalier de référence, qui sert de base à l'allocation. En contrepartie de l'introduction d'un plancher qui limitera de fait la baisse maximale de celle-ci, les périodes d'inactivité seront dorénavant prises en compte dans ce calcul, ce qui pénalisera les salariés enchaînant des contrats courts avec des périodes d'inactivité. C'est au nom d'un "enjeu d'équité" que le Gouvernement défend ce principe, mais l'impact sera colossal : d'après les projections de l'Unédic, environ 840.000 personnes - soit presque 40% des allocataires - verraient ainsi leur indemnisation baisser de plus de 20% en moyenne en comparaison à leur niveau actuel.

 

Rejet unanime des syndicats

 

 

Enfin, le dernier volet de la réforme vise à instituer un bonus-malus sur la cotisation chômage versée par l'employeur dans certains secteurs d'activité recourant énormément aux contrats précaires. Le périmètre d'application de ce système n'est pas encore clairement délimité et il n'entrerait dans tous les cas en vigueur qu'à l'été 2022, de manière à prendre en compte une année de référence. Alors que le Medef la perçoit comme "une ineptie", cette mesure du bonus-malus est pourtant la seule disposition accueillie favorablement par les syndicats.

 

Car, fait rare, le texte suscite en effet l'opposition unanime de la CFDT, de la CFE-CGC, de la CFTC, de la CGT et de FO. Dans un communiqué commun, toutes ces organisations syndicales ont réaffirmé leur "profond désaccord avec le principe fondateur de cette réforme selon laquelle la baisse des allocations chômage inciterait à un retour plus rapide à l'emploi", déplorant au passage que le texte ait d'abord comme priorité "de faire d'importantes économies budgétaires" et fasse l'impasse sur une "étude d'impact précise". Les cinq centrales soulignent que "le chômage n'est pas un choix" et demandent que les seuils d'accès à l'indemnisation soit abaissés afin de bénéficier au plus grand nombre. La conservation des droits rechargeables et un salaire journalier de référence "au plus proche du salaire perdu" font partie des autres propositions des syndicats, qui appellent en outre à abandonner l'idée de la dégressivité des allocations pour les plus hauts revenus, celle-ci allant à l'encontre de "l'objectif de hausse générale des qualifications". S'agissant des cotisations patronales, il est proposé de les moduler afin de "décourager" les employeurs y ayant largement recours.

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