ENTRETIEN. Après avoir été la cible de critiques de la part d'un élu, les diagnostiqueurs immobiliers ont souhaité réagir. Thierry Marchand, président de la chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la Fnaim, répond ainsi aux questions de Batiactu.

Dans un article publié récemment, un élu de l'association Amorce lâchait une remarque grinçante au sujet des diagnostiqueurs immobiliers : "Car en l'état actuel des choses, il suffit [dans certains cas] d'offrir un café au diagnostiqueur pour gagner deux classes [de diagnostic de performance énergétique]". Une critique qui n'a bien évidemment pas été du goût des représentants de la profession. Thierry Marchand, président de la chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la Fnaim, a notamment souhaité réagir auprès de Batiactu.

 

Batiactu : En quoi cette critique des diagnostiqueurs est-elle, selon vous, injuste ?

 

Thierry Marchand : Ce genre de propos témoigne d'une méconnaissance de notre métier. Nous souhaitons faire en sorte qu'il soit mieux compris. Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est souvent décrié à tort. Nous avons réalisé des progrès considérables dans sa réalisation : les analyses sont plus précises, de plus en plus fiables et réalistes. Bien sûr, nous pouvons toujours nous améliorer. Notamment en standardisant le processus et éviter les différences d'interprétations ou de méthodes.

 

Batiactu : Quels sont, selon vous, les points de progression pour le DPE ?

 

Th. M. : Deux méthodes existent pour réaliser un DPE : sur facture ou sur étude thermique. Pour les immeubles construits avant 1948, les pouvoirs publics nous imposent de faire un DPE sur facture. Cela n'étant pas satisfaisant, je préconise de communiquer dans ce cas un DPE vierge plutôt que de faire une notation via cette méthode. Heureusement, à partir de 2021, date à laquelle entrera en vigueur la réforme du DPE, cette méthode sur facture n'existera plus. Par ailleurs, avec l'opposabilité du DPE décidée par la loi Elan, nous pourront mettre les propriétaires face à leurs responsabilités.

 

 

Un point qui doit être tranché par les pouvoirs publics est celui de la surface. Laquelle doit-on prendre en compte ? C'est important puisque le DPE est exprimé en kWhEP/m2/an. Selon la surface retenue, le résultat final peut être différent. De même, dès qu'il y a du chauffage électrique, cela modifie le bilan d'un logement. J'ai ainsi l'exemple d'un client ayant réalisé des travaux de rénovation importants, incluant l'isolation des murs, qui a vu sa note DPE aggravée car il était passé du gaz à l'électricité ! Le facteur de conversion d'énergie primaire pour l'électricité, à 2,58, est lourd. D'autant plus qu'aujourd'hui il existe des radiateurs électriques très performants. Bref, il y a un gros travail d'information à faire.

 

Voilà certaines des raisons pour lesquelles des incompréhensions ou des différences d'interprétation peuvent exister au sujet du DPE.

 

Batiactu : Combien compte-t-on de diagnostiqueurs immobiliers en France ?

 

Th. M. : Au sein d'environ cinq mille cabinets, dix mille professionnels disposent d'un certificat de compétences pour un ou plusieurs des huit types de diagnostics (DPE, amiante, plomb...). En tout, 45.000 certificats sont aujourd'hui en vigueur. Le permis est valable cinq ans, si la personne n'a pas recyclé sa formation, elle n'est plus certifiée. Notre métier est très encadré, avec une interdiction du commissionnement, et une déontologie qui doit être irréprochable. Un agent immobilier n'a pas le droit de donner des affaires à un diagnostiqueur 'attitré'. Chaque diagnostic fait l'objet d'une attestation sur l'honneur. C'est la grande différence entre un diagnostiqueur et quelqu'un qui va faire une étude énergétique. D'ailleurs, est-il nécessaire d'avoir recours à une étude thermique poussée pour préconiser des travaux ? En réalité, un DPE réalisé dans les règles de l'art suffit.

 

Batiactu : La DGCCRF avait toutefois pointé certaines dérives dans la profession, il y a quelques années...

 

Th. M. : C'est vrai, mais c'est très ancien. Un cas significatif a, à l'époque, été reconnu et condamné. N'oublions pas que les tricheurs constituent une toute petite partie des professionnels certifiés. La réalité est que notre profession, contrairement à certaines idées reçues, est de plus en plus encadrée. Depuis 2012, pour rappel, nous avons un contrôle des certificats. Nous aurons un nouveau processus de certification des compétences l'an prochain : les certificats seront donnés pour sept ans, mais il y aura un audit in situ, pendant un diagnostic.

 

Batiactu : Un travail de rénovation du DPE est en cours [lire notre article ici]. Y participez-vous ?

 

Th. M. : Bien sûr, nous avons formulé 60 propositions pour améliorer le dispositif. Certaines ont été reprises et/ou analysée par les pouvoirs publics. Il s'agit par exemple de ce que j'expliquais précédemment pour les problématiques de surface, du contrôle des données d'entrée... Nous rappelons également que pour l'instant nous ne savons pas faire de DPE dans le neuf. Il faudrait pourtant développer un même outil qui nous permette d'intervenir sur l'ancien comme le neuf. Un même thermomètre pour tous.

 

Par ailleurs, nous déplorons que des techniques comme l'ossature bois ne soient pas prises en compte dans le moteur actuel... L'étanchéité à l'air, les poêles au bois ou les ballons d'eau chaude thermodynamique pourraient aussi être mieux pris en compte. Enfin, les bases de calcul datent de 2012 ; or, il faudrait régulièrement remettre à jour ces données en fonction de l'évolution des techniques. En somme, le moteur de calcul doit être toiletté.

 

Notre profession progresse, avance, par les évolutions législatives. Tout n'est pas parfait, mais travaillons ensemble plutôt que de formuler ce genre de raccourcis sur notre profession.

actionclactionfp