POLEMIQUE. La directive européenne réglementant le détachement des travailleurs a fait l'objet de plusieurs passes d'armes, lors du débat entre les onze candidats à la présentielle qui a eu lieu le 4 avril. Mais que propose au juste chaque candidat sur ce sujet ?

Lors du débat BFMTV/Cnews, qui a réuni le 4 avril les onze candidats à l'élection présidentielle, le sujet du détachement des salariés a été l'un des premiers à être mis sur la table. Le texte qui réglemente cette pratique, connu sous le nom de "directive Bolkestein", date de 1996. Très critiqué depuis quelques années, du fait d'une augmentation massive du nombre de travailleurs détachés en France (ils se comptent en centaines de milliers), ce texte en est cours de refonte au niveau de l'Union européenne. L'objectif de la réforme, à laquelle s'opposent de nombreux pays de l'Est, est de diminuer les risques de concurrence sociale déloyale observés depuis quelques années. En effet, de nombreux employeurs abusent de ce dispositif en ayant recours à des travailleurs intérimaires étrangers sous-payés et mal logés.

 

"Si je suis élu, il n'y aura plus de travailleurs détachés !"

 

Certains candidats se sont prononcés en faveur d'une suppression pure et simple de ce dispositif. "Dès le premier jour de mon élection, je supprimerai cette directive", a ainsi tonné Nicolas Dupont-Aignan lors du débat du 4 avril. "Il est inacceptable que des personnes venant de Pologne, de Roumanie ou d'Espagne, travaillent en France et ne paient pas les charges sociales." Jean-Luc Mélenchon partage cet avis. "L'entreprise qui fait les choses correctement, qui paie ses charges, et voit son voisin embaucher un travailleur détaché, comment va-t-elle résister ? Ainsi, si je suis élu, il n'y aura plus de travailleurs détachés ! L'Europe favorise l'exploitation des salariés."

 

Enfin, Marine Le Pen affirme ne pas vouloir de cette directive, même si elle est appliquée dans les règles. "Elle instaure une priorité étrangère à l'emploi puisque le coût du travail y est moins cher."

 

Des contrôles pas encore suffisants

 

D'autres, comme Emmanuel Macron, adoptent une position plus réformiste sur le sujet. Pour l'ancien ministre de l'Economie, "le vrai problème, c'est le travail détaché illégal". "J'ai fait voter la carte d'identification professionnelle du BTP, c'est en train de marcher, de se développer", a-t-il argumenté. "Le cœur du problème est dans le contrôle accru qui est en train de se développer mais qui n'est pas suffisant." Un discours qui n'est pas si éloigné de celui tenu par la Fédération française du bâtiment depuis quelques mois : en attendant la réforme de la directive, il faut se "contenter" de la faire appliquer au mieux. Une étude de juin 2016 de la direction du Trésor avait en effet prouvé qu'un salarié français, payé au Smic, revenait à peu près aussi cher (voire moins cher) qu'un travailleur détaché employé dans le respect de la réglementation. Pour autant, cette piste, ne convainc pas Nicolas Dupont-Aignan : "Il est impossible de tout contrôler, les artisans le savent bien."

 

Les idées de François Fillon sont dans la même veine réformiste. "La solution consiste à dire que les travailleurs détachés peuvent venir, mais que le coût du travail doit être équivalent dans tous les pays d'Europe. Il faut donc que les charges sociales soient payées au niveau local." Pour rappel, la directive de 1996 prévoit que les cotisations salariales et patronales soient payées en fonction du pays où est basé l'employeur du salarié.

 

Détachement : qui propose quoi ?

 

François Asselineau (Union populaire républicaine) : Abroger la directive détachement.

 

Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) : Rien de précisé dans le programme.

 

Jacques Cheminade (Solidarité et progrès) : Sortir de l'Union européenne.

 

Nicolas Dupont-Aignan (Débout la France) : Dénoncer les traités européens, suspendre immédiatement l'application des dispositions les plus contraires à l'indépendance de la France - les travailleurs détachés, l'espace Schengen... - et renégocier avec nos partenaires.

 

François Fillon (Droite et centre) : Renégocier la directive sur le détachement des travailleurs et en suspendre l'application en France si la négociation n'a pas abouti avant la fin de 2017.

 

Benoît Hamon (Parti socialiste) : Réviser la directive sur les travailleurs détachés ; créer un socle européen des droits sociaux comprenant un salaire minimum garanti.

 

Jean Lassalle (Résistons) : Rien de précisé dans le programme.

 

Marine Le Pen (Front national) : Supprimer la directive qui y crée une concurrence déloyale inadmissible. Mettre en place une taxe additionnelle sur l'embauche de salariés étrangers afin d'assurer effectivement la priorité nationale à l'emploi des Français.

 

Emmanuel Macron (En marche) : Limiter à un an la durée autorisée de séjour d'un travailleur détaché et redéfinir au niveau européen les règles du détachement pour mettre fin à toutes les formes de concurrence sociale déloyale.

 

Jean-Luc Mélenchon (France insoumise) : Cesser d'appliquer unilatéralement la directive sur le détachement de travailleurs en France ; faire en sorte que la législation nationale s'applique totalement, y compris concernant les cotisations sociales patronales et salariales.

 

Philippe Poutou (Nouveau parti anticapitaliste) : Rien de précisé dans le programme.

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