La démolition mercredi de deux barres à La Courneuve est une nouvelle étape symbolique de la politique de rénovation des cités, mais l'objectif gouvernemental des 40.000 démolitions par an semble un pari difficile à tenir.

En 1978, la tour Olivier de Serres à Villeurbanne (Rhône) s'effondrait comme un château de cartes. Aujourd'hui, la vue d'une barre ou d'une tour ayant accueilli plusieurs centaines de familles, qui part en poussières en quelques secondes, émeut toujours mais n'a plus rien d'inhabituel.

En 1986, c'était la barre Debussy, déjà à La Courneuve, puis en 1992, l'image forte des quatre tours de vingt étages (60 mètres de haut) de la cité du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie (Yvelines). Conçu à la fin des années 50, le Val-Fourré était devenu le concentré des problèmes de banlieues avec un entassement de 25.000 habitants.

La démolition des dix tours de la Démocratie, aux Minguettes à Vénissieux (près de Lyon) en 1994, a marqué une accélération. Quelque 5.000 logements sont détruits contre 3.500 à 4.000 les années précédentes jusqu'en 1999.

Le rythme va s'accélérer encore, mais n'atteindra pas les objectifs fixés. En octobre 2001, un comité interministériel des villes fixe un objectif de 30.000 démolitions-reconstruction en 2003. Ce sera en réalité 13.800.
"Démolir 40.000 logements par an, cela ne semble pas possible, on n'atteindra ces chiffres que progressivement", affirme Frédéric Paul, délégué à l'action professionnelle de l'Union sociale de l'Habitat.

La loi de rénovation urbaine a fixé un objectif de 200.000 démolitions-reconstruction et réhabilitation de 200.000 autres, sur cinq ans.
"On démolit actuellement entre 12.000 à 15.000 logements par an", dit-il.
"Nous, bailleurs sociaux, nous sommes prêts à aller plus loin, mais il faut que les démolitions s'accompagnent d'une offre locative similaire, qui repose sur la volonté des collectivités locales".

Un projet prend entre 5 et 10 ans. "Il faut construire le projet, proposer des solutions de relogement aux locataires, ce qui prend parfois deux à trois ans", dit-il.
"Les communes voisines ne sont pas toujours prêtes à les accueillir", dit-il, pourtant les HLM ont changé, la taille moyenne des opérations de constructions est aujourd'hui de 19 logements.

Les constructions ne suivent pas, affirme aussi Patrick Doutreligne, de la Fondation abbé Pierre. "En moyenne, on a construit ces deux dernières années 2 logements pour 3 démolis". Les opérations déjà engagées par l'ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine, qui centralise dossiers et financement) en 2004 concernent 10.776 démolitions et 8.183 constructions, "un rapport de 3 pour 4", dit-il.

Les HLM craignent aussi que "cette concentration de moyens exceptionnels ne se fasse au détriment de la politique ordinaire du logement social. Il y un million de logements sociaux dans les 150 quartiers voués à la rénovation, mais "il y a aussi 3 millions de HLM qui ont besoin de réhabilitation".

Selon un expert de la politique de la Ville, qui requiert l'anonymat, "on va y arriver, c'est irréversible". "Mais, dit-il, sur les questions plus compliquées de prévention de la délinquance, d'intégration, des femmes, on voit bien qu'il n'y a pas qu'une réponse urbaine. Aujourd'hui, tout le monde est complètement sur les dossiers de rénovation, au détriment du reste".

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