HOMMAGE. L'architecte franco-péruvien Henri Ciriani est décédé ce 3 octobre 2025. Il aura non seulement marqué l'architecture en France de la seconde moitié du XXe siècle, notamment pour ses travaux sur les espaces publics et logement social, mais également les nombreux architectes qui ont suivi ses enseignements, en France comme au Pérou.
Figure majeure de l'architecture moderne de la deuxième moitié du XXe siècle notamment, mais aussi enseignant adulé, l'architecte franco-péruvien Henri Ciriani, né en 1936, est décédé ce 3 octobre 2025.
L'espace et la lumière, voilà les deux piliers de l'architecture qu'Henri Ciriani aimait à rappeler à ses élèves, sans oublier le rôle social de leur discipline, lui dont la pratique architecturale a toujours été indissociable à celle de son activité d'enseignant, tant en France (à l'UP7, dans l'atelier Ciriani-Maroti de 1972 à 1977 puis à l'UP8, devenue Paris-Belleville de 1977 à 2002, où il crée le groupe UNO, dont l'objectif était la mise au point d'une nouvelle pédagogie fondée sur l'enseignement du projet) qu'au Pérou (à l'Universidad Peruana de Ciencias Aplicadas de Lima notamment) mais aussi, en tant que professeur invité dans de prestigieuses universités dans le monde.
Arrivé en France en 1927, après avoir débuté brillamment sa carrière au Pérou, avec notamment la réalisation du complexe résidentiel San Felipe (1964-1968), il participe au renouveau du logement social, au sein d'abord de l'AUA (Atelier d'architecture et d'urbanisme) qu'il intègre en 1968 puis à titre individuel après l'ouverture de son agence en 1982. Tout au long de sa vie, il aura travaillé sur les espaces publics et le logement collectif, poussant également ses recherches sur le rôle social et politique de l'architecture.
Lumière et générosité
De nombreux projets d'habitat collectif jalonnent ainsi sa carrière, notamment ceux de Noisy 2 à Marne-la-Vallée (1975-1980), qui lui apportent une reconnaissance internationale. La Crèche "Au Coin du Feu", l'Historial de la Grande Guerre à Péronne, le Palais de justice de Pontoise, comptent parmi ses oeuvres marquantes en France, comme de nombreux immeubles de logements à Evry Lognes, Colombes, ou encore à Paris (retrouvez toute son oeuvre construite en France en suivant ce lien).
Parmi les nombreuses distinctions qu'il a reçues, citons notamment le Grand Prix national de l'Architecture en 1983 et plus récemment, le Grand prix d'architecture de l'Académie des beaux-arts (prix Charles Abella) en 2021.
En 2012, alors même que son musée de l'Arles antique - qui fête ses trente ans cette année et lui consacre une exposition - se trouvait en partie détruit et défiguré par une extension - il avait fini très ému son discours d'obtention de la grande médaille d'or de la Fondation de l'Académie d'Architecture 1965. Il nous confiait alors que pour lui, face à cette atteinte à son oeuvre qu'il vivait comme une "sauvagerie", cette médaille "représent[ait] de la lumière dans un moment de noirceur énorme... Sans cette lumière, je n'aurais sans doute pas résisté". Cette médaille sonnait comme un symbole : celui de la nécessité de préserver le patrimoine architectural de cette époque, lui qui était un ardent défenseur de l'architecture moderne, qui considérait Le Corbusier "comme son maître à penser", ainsi que le rappelle la Cité de l'Architecture dans son hommage.
" 'La lumière est un don de la nature. Il faudrait transformer ce qui est déjà là en magie, sans que les efforts ne soient visibles'. Ces mots d'Henri Ciriani, sans doute à propos de l'Historial de Péronne, lieu par excellence de la lumière apprivoisée, semblent décrire l'œuvre de cet architecte majeur qui a su convaincre par sa parole, mais surtout par son œuvre, autant construite que dessinée, que l'architecture est bien le lieu de la générosité," étaient alors les mots de Bernard Desmoulin, rapporteur de cette grande médaille d'or à Henri Ciriani, le 12 juin 2012.
"Générosité" est bien l'un des mots que l'on retrouve souvent dans les nombreux hommages qui commencent à affluer à l'annonce du décès de l'architecte. Christine Leconte, actuelle directrice de l'école Paris-Belleville, souligne dans un post Linkedin : "Aujourd'hui encore il marque des générations d'architectes, d'enseignants. Il militait pour une architecture au service du logement social, un logement social qui participait à construire le paysage urbain des villes nouvelles."
"L'architecture est la conséquence d'une exigence humaine. Exigence liée à l'émotion et au plaisir que nous pensons, et qui doit venir valoriser la satisfaction des besoins de l'acte de construire. C'est pour cela que tout en elle relève de la générosité, de ce qui est dépourvu d'utilité : l'architecture n'est pas dans le gain mais dans la capacité de ce qu'on gagne à émouvoir."Henri Ciriani, le 12 juin 2012.
- Le site-blog d'Henri Ciriani, qui recense notamment tous ses travaux, oeuvres, enseignements et ouvrages ;
- L'exposition virtuelle de la Cité de l'architecture prolongement de l'exposition "Henri Ciriani. L'espace émouvant", présentée du 5 avril au 21 octobre 2019 dans la Galerie d'architecture moderne et contemporaine de la Cité de l'architecture & du patrimoine à la suite de l'acquisition de ses dessins et maquettes.