CONJONCTURE. Pénuries et hausses de matières premières se prolongent, au point d'inquiéter l'Ordre des architectes. Ce dernier a commandé une note de conjoncture qui fait le point sur la situation des professionnels face à cette crise inédite.

La crise des matériaux continue d'impacter l'activité des architectes. C'est la conclusion d'une note de conjoncture macroéconomique d'avril 2022 réalisée par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc), commandée par le Conseil national de l'Ordre des architectes (Cnoa). Le Covid-19, la crise des coûts de l'énergie et désormais le conflit russo-ukrainien se succèdent, entraînant une tension croissante sur la disponibilité et le prix des matériaux nécessaires à la réalisation de chantiers. "Ces difficultés impactent directement maîtres d'ouvrage et entreprises", atteste l'Ordre.

 

 

Des dépassements de délai fréquents

 

La pénurie de certains matériaux provoque des retards pour 50% des chantiers, selon une enquête du Cnoa de novembre 2021. Les dépassements de délai s'établissaient entre 10 et 30% du délai initial. De plus, "les impacts en termes de coûts renchérissent globalement des coûts de construction déjà élevés", rappelle le Cnoa, qui veut se servir de cette note de conjoncture pour instaurer un dialogue avec la maîtrise d'ouvrage. Les architectes éprouvent des difficultés à tenir les engagements pris sur le coût prévisionnel des travaux. En effet, ils sont 60% à constater que leurs clients avaient prévu de modifier leurs projets pour en amoindrir le coût. "Des résultats d'appels d'offres infructueux obligent fréquemment (systématiquement en marchés publics) la maîtrise d'œuvre à revoir les projets à la baisse", déclare le Cnoa. "Cette obligation est issue d'une volonté légitime de contenir les coûts d'opération dans des conditions de marché théoriquement stables. L'obligation contractuelle de reprendre gratuitement le projet est assimilable à une pénalité, puisque l'ensemble du travail produit n'est pas rémunéré. Pour les entreprises, le gouvernement a régulièrement pris position pour que les entreprises de bâtiment soient dispensées de pénalités." Le Cnoa demande ainsi à ce que les maîtres d'ouvrage prennent en compte cette situation, afin que la maîtrise d'œuvre ne soit "injustement pénalisée". L'Ordre appelle également à "rémunérer les reprises d'études visant à atteindre un coût acceptable, quitte à revenir sur des éléments de programme (diminution de programme, modification des niveaux d'exigences…)".

 

Un dialogue nécessaire avec la maîtrise d'ouvrage ?

 

Concernant les appels d'offres de travaux que les architectes ont lancé dans les six derniers mois, 60% d'entre eux déclarent que le coût qu'ils avaient prévu avait progressé de 10 à 30%, toujours selon la note du Credoc. 13% des sondés estiment que les résultats des appels d'offres dépassent les prévisions de plus de 30%. Petit ou grand projet, public ou privé, tous les marchés sont concernés.

 

 

De plus, rappelle le Cnoa, sont reconnues, "dans le cadre du CCAG maîtrise d'œuvre, de réelles difficultés rencontrées par la maîtrise d'œuvre lorsque la durée des chantiers dépasse de plus de 10% la durée originellement prévue". Le document, entré en vigueur en septembre 2021, incite en effet les acteurs, dans ce cas, à se rapprocher et entamer un dialogue. Le Cnoa demande à ce que les maîtres d'ouvrage adoptent cette attitude, y compris pour les chantiers lancés avant la publication du nouveau CCAG. "La mise en œuvre du dialogue sur ces deux effets néfastes nécessite une réelle prise de conscience de la part des maîtres d'ouvrage de la réalité de cette situation de pénurie et de surcoûts des matériaux", estime le Cnoa.

 

Les architectes, comme les entreprises du Bâtiment, subissent enfin de la même manière l'explosion des prix de l'énergie. Le prix de base de l'électricité a été multiplié par dix entre la fin du premier trimestre 2020 et la fin de l'année 2021. En conséquence, les prix des matériaux se sont accrus car leur fabrication nécessite l'utilisation d'énergie. Ainsi, le coût de l'acier s'est envolé (+80%), tout comme les demi-produits en aluminium (+60%) par rapport à janvier 2020. Le conflit russo-ukrainien a frappé un peu plus l'acier, alors que les deux pays sont fournisseurs de cette matière première à l'Union européenne. Un prolongement du conflit entraînerait des augmentations encore plus fortes, conclut le Credoc.

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