CONJONCTURE. Le nombre de défaillances d'entreprises a bondi de plus de 34% sur les trois premiers mois de 2022. Les quelque 10.000 procédures comptabilisées concernent surtout les jeunes sociétés et les PME, mais la région parisienne parvient à résister. Le secteur de la construction subit le même sort, les activités du second-oeuvre étant particulièrement exposées.

"Au 1er trimestre 2022, l'étau de la crise sanitaire se desserre et les aides s'arrêtent. Un retour à une forme de normalité qui implique aussi une reprise des défaillances." Le commentaire de Thierry Millon, directeur des études chez Altares qui vient de publier son étude sur les faillites d'entreprises au 1er trimestre 2022, confirme que la période plutôt calme de la pandémie semble toucher à sa fin. Les procédures de sauvegardes, redressements et liquidations judiciaires avaient en effet fondu à compter du premier confinement sanitaire, principalement à cause de la mise à l'arrêt des juridictions compétentes et grâce à la fameuse politique du "quoi qu'il en coûte". Une certaine résilience des acteurs économiques avait même été mise en avant dans les mois qui ont suivi, interprétée comme une crise finalement bien digérée. Les spécialistes n'ont cependant jamais cessé d'appeler à la prudence, craignant un retour de boomerang qui semble bel et bien arriver aujourd'hui.

 

 

Dans sa dernière publication, le groupe Altares indique que 9.972 procédures collectives ont été ouvertes depuis le début de l'année 2022, faisant grimper le niveau des faillites de 34,6% en un an, c'est-à-dire entre le 1er trimestre 2021 et les trois premiers mois de 2022. Si les analystes ne parlent pas pour autant de "déferlante", il s'agirait néanmoins d'un "dur retour à la réalité" après deux années où les défaillances d'entreprises ont enregistré des niveaux historiquement bas. Certes, il y a encore de la marge par rapport aux défaillances du 1er trimestre 2020 (10.902) et on est même encore loin des niveaux de 2019 et 2018, qui frôlaient les 14.000 défauts. Mais il n'empêche : la reprise des procédures a été observée dès le mois de novembre 2021 et s'accélère progressivement depuis, touchant l'ensemble des secteurs d'activité, à commencer par ceux en lien direct avec les consommateurs.

 

Les micro-entreprises épargnées, pas les PME de la construction

 

La construction subit elle aussi cette augmentation des défaillances mais parvient à ralentir le rythme observé à l'échelle nationale, de l'ordre de 19%. Dans le détail, le gros-oeuvre résiste en ne progressant "que" de 12%, notamment grâce à la maçonnerie générale (+8%). A contrario, les activités du second-oeuvre s'avèrent particulièrement exposées : leurs faillites s'envolent de 34%. Les segments des travaux d'installations électriques et de plâtrerie sont les plus fragilisés, encaissant respectivement +45% et +40%.

 

Par types d'entreprises, les jeunes sociétés ainsi que les petites et moyennes structures sont les plus impactées : 48% des entreprises ayant commencé une procédure de défaillance au cours du 1er trimestre ont en effet été créées il y a moins de 5 ans, quand les faillites d'entreprises fondées juste avant ou pendant la crise Covid ont flambé de 52%. Dans les faits, 1.927 procédures concernent des structures de moins de 3 ans, dont 83,8% sont immédiatement placées en liquidation judiciaire. L'étude d'Altares souligne néanmoins qu'il s'agit à plus de 90% de sociétés commerciales, et non de micro-entreprises.

 

Les TPE représentent quant à elles 94% des entreprises en cessation de paiement. Les PME sont également confrontées à de vives tensions, notamment celles comptant entre 10 et 49 salariés, qui voient leurs défaillances s'envoler de 56% sur un an, dépassant même le niveau d'avant-Covid. "Ces structures se concentrent dans les secteurs de la construction, du commerce et de l'industrie", note Altares.

 

Le bâtiment plombé dans les Pays de la Loire et en Bretagne

 

Tous secteurs, la hausse des procédures judiciaires s'observe dans la quasi-totalité des régions, à l'exception de la Corse (-2,4%) et de la Réunion (-12,7%), cette dernière ayant néanmoins connu un très mauvais premier trimestre 2021 (+58%). Entre janvier et mars 2022, la situation s'est lourdement dégradée pour les Hauts-de-France (+72%), et surtout dans le département du Nord (+92%). La Bourgogne-Franche-Comté est aussi grandement à la peine (+66%), et ce alors qu'elle avait enregistré un important recul des défauts au 1er trimestre 2021 (-52%) : les départements de Saône-et-Loire et de Côte-d'Or ont vu le nombre de leurs procédures multiplié par plus de deux. La Normandie et l'Occitanie sont aussi dans le rouge, avec respectivement +52% et +47%.

 

Les procédures enregistrées dans les Pays de la Loire, en augmentation de 39%, sont surtout dues au second-oeuvre. Ce dernier connaît par ailleurs une forte progression de ses jugements en Bretagne (+27%), bien qu'elle reste contenue par rapport au niveau du début 2020. La filière du bâtiment réussit par contre à stabiliser ses procédures collectives en Centre-Val de Loire, où l'augmentation est de 20%. Première région française sur le plan économique, l'Île-de-France résiste (+16%) mais la réalité des départements est plus mitigée : Essonne et Seine-Saint-Denis sont dans le vert, Paris intramuros se stabilise, Yvelines et Hauts-de-Seine sont dans le rouge.

 

Respecter les délais de paiement

 

 

Les spécialistes guettent maintenant l'impact à terme de la guerre en Ukraine, entre difficultés d'approvisionnement voire pénuries de matériaux et flambée des prix énergétiques. "À l'instar du 'quoi qu'il en coûte' gouvernemental déployé pendant la crise sanitaire, le plan de résilience de 7 milliards d'euros devrait contribuer à empêcher la faillite des entreprises directement impactées par la guerre et celles plus durement touchées par l'envolée des prix de l'énergie", complète Thierry Millon.

 

Pas de crainte pour l'heure sur une éventuelle vague de faillites dans la mesure où les entreprises disposent encore de liquidités, mais chacun est appelé à jouer le jeu en respectant les délais de paiement : "Ce nouveau paquet de mesures doit soulager les trésoreries, mais le Gouvernement exhorte les entreprises à tout faire pour continuer à payer leurs factures dans les temps", conclut le directeur des études chez Altares.

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