STRATEGIE. Le secteur de l'ingénierie et de la construction a été ébranlé par la crise économique. Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ont adopté différentes tactiques pour rester compétitives : croissance interne ou externe, diversification des activités ou consolidation sur le cœur de métier… Le cabinet d'audit PwC dévoile les réponses adoptées par les sociétés.

Les entreprises de taille intermédiaire, celles dont les effectifs sont compris entre 250 et 5.000 salariés (c'est-à-dire au-dessus des PME et en dessous des grands groupes), sont des acteurs majeurs du secteur de la construction et de l'ingénierie. On retrouve dans leurs rangs des sociétés comme Léon Grosse, Rabot Dutilleul, Demathieu Bard, Artelia ou Ingérop, mais également des fabricants de produits du BTP comme Terreal, Monier, KP1 ou Gerflor. Leur secteur a été durablement impacté par la crise économique de 2007-2009, puisque le chiffre d'affaires n'a réussi à croître que de +1,8 % par an jusqu'en 2014 (source Insee). En 2015, les ETI françaises totalisaient un CA de 27 milliards d'euros, représentant environ 9 % de l'activité de tout le secteur. Mais comment ont elles fait pour résister et maintenir ce niveau ?

 

Acquérir de nouvelles compétences fonctionnelles ou sectorielles ?

 

L'étude "Ingénierie et construction : stratégie et tendances des entreprises de taille intermédiaire", signée par le cabinet de conseil et d'audit PwC décrypte les différentes stratégies adoptées pour trouver de nouveaux relais de croissance. Selon le segment concerné - BTP, matériaux ou expertise - elles diffèrent sensiblement. Dans le cas des fabricants de solutions techniques, par exemple, les ETI ont plutôt mieux résisté à la diminution de rentabilité constatée sur la période 2005-2015 (-5,8 points aux ETI contre -9,2 sur l'ensemble du secteur en incluant PME et grandes entreprises). Jean-Romain Bardoz, associé chez PwC, relate : "Les ETI spécialisées dans la production de matériaux de construction interviennent souvent sur des activités de niche qui leur ont permis de mieux résister à la crise". Certaines ont ainsi fait le choix de la concentration sur leur cœur de métier en faisant l'acquisition d'entreprises à l'expertise similaire, afin de gagner des parts de marché ou d'étendre leur emprise géographique.

 

Dans le segment du BTP, les entreprises de taille intermédiaire ont connu une baisse de rentabilité comparable à celles des grandes entreprises. Afin de compenser cette perte, c'est une stratégie de diversification qui a été mise en place. Comme le note l'étude, "elles ont ainsi complété leur offre sur la chaîne de valeur en développant des services en aval ou en amont de leur cœur de métier". Et le document cite l'exemple de Léon Grosse qui a fait l'acquisition, en juillet 2015, de l'entreprise Guiban, spécialisée dans le génie climatique, la plomberie et le traitement des eaux, et qui a développé des activités dans le génie civil nucléaire ainsi qu'une activité de montage immobilier. Yan Ricaud, un autre associé chez PwC, raconte : "Les domaines d'investissement particulièrement plébiscités sont les activités liées à l'énergie (ingénierie et installations électriques, génie climatique) à cycle court et présentant généralement une large part d'activité récurrente, ainsi que celles de la promotion immobilière".

 

La tentation de l'aventure à l'export

 

 

Enfin, dans le cas des ETI de l'ingénierie, le cabinet de conseil précise qu'elles ont été les plus exposées à la crise depuis 2005. Leur rentabilité a chuté, divisée par deux en dix ans, alors que les grandes entreprises et les PME de ce segment ont mieux résisté. Pour doper leur croissance, certaines ont donc fait le choix de l'internationalisation. Une stratégie qui peut prendre différentes formes comme la réalisation d'opérations à l'étranger, l'installation pérenne d'une succursale ou d'une filiale, ou l'acquisition d'une entité étrangère établie hors de l'Hexagone. Les cibles visées se situent en premier lieu en Europe, par facilité culturelle et par proximité géographique. Suivent l'Afrique et le Moyen-Orient, puis, dans une moindre mesure l'Asie, des marchés particulièrement dynamiques. Yan Ricaud ajoute : "Si cette stratégie est une ambition partagée par les ETI, les entreprises du BTP ont un degré d'internationalisation très variable. La maturité et la stabilité des pays sur les plans politique, juridique et financier entrent en compte dans le choix et le mode d'implantation". PwC précise par exemple que certains acteurs réalisent déjà une part conséquente de leur chiffre d'affaires à l'international, comme Rabot Dutilleul ou Demathieu Bard (entre 25 et 30 % de l'activité). Léon Grosse reste plus en retrait avec un objectif de 10 % de son CA à l'étranger en 2020.

 

Quelle que soit la stratégie adoptée, les entreprises françaises ont finalement réussi à tirer leur épingle du jeu, estiment les experts du cabinet. Ils concluent en effet : "Au-delà du maintien de leurs parts de marché, des signes d'embellie sont déjà visibles et une croissance de +3 % par an est attendue pour le secteur jusqu'en 2019 avec une contribution en hausse des ETI". Un regain d'activité constaté depuis 2016 qui concerne le BTP et qui devrait se répercuter à la fois sur les matériaux de construction et sur l'ingénierie.

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