Pour lutter contre la concurrence déloyale, le conseil départemental de l'Oise, présidé par le député Edouard Courtial, a décidé de lancer une nouvelle clause "anti-dumping" (ou clause Courtial), en plus de faire appliquer la clause Molière. Elle se base sur le principe "à travail égal, salaire égal", mais peine à convaincre. Détails.

Le conseil départemental de l'Oise vient d'annoncer qu'il généralisera l'application de la - désormais célèbre - clause Molière sur les marchés publics de travaux. Mais il a décidé d'aller plus loin, en lançant aussi une clause "anti-dumping", également qualifiée de "clause Courtial", du nom d'Edouard Courtial, président du conseil départemental. Celle-ci sera ajoutée dans les marchés publics des secteurs susceptibles de recourir aux travailleurs détachés.

 

Cette disposition consiste à imposer un salaire minimum, mais en tenant compte des charges pesant sur ce salaire - et pas seulement en ne tenant compte que du salaire net touché finalement par le salarié. Pour rappel, dans le cadre du détachement, ces charges (contributions sociales salariales et patronales) sont payées en fonction de la loi du pays d'origine du salarié détaché. Et il existe de grosses différences en termes de niveaux de charges patronales, à travers l'Europe, ce qui induit des différences en termes de coût du travail.

 

Par cette clause, l'Oise ne souhaite pas donner l'impression de remettre en cause le principe de détachement. "Nous cherchons simplement à faire appliquer le principe 'à travail égal, salaire égal'", explique un proche du dossier à Batiactu. "Depuis que le nombre de salariés détachés explose en France, nous sommes passés de 15.000 à 10.000 salariés dans le secteur du bâtiment, dans l'Oise. Il y a probablement un lien de cause à effet entre les deux phénomènes, même si la crise économique est aussi passée par là."

 

Le dispositif serait bordé juridiquement

 

D'après les créateurs de cette clause, le dispositif est bordé juridiquement par une décision de la Cour de justice de l'Union européenne. "Elle a reconnu, dans un arrêt du 17 novembre 2015, la possibilité pour un donneur d'ordres public d'imposer un salaire minimum, dès lors qu'il s'appuie sur une réglementation nationale", nous informe-t-on. En France, "le Smic s'impose, de même que les charges salariales et patronales qui l'accompagnent".

 

Et c'est sur ce point que la clause Courtial peine à convaincre. Du moins, si l'on en croit une étude de la direction générale du Trésor, datant de juin 2016. Celle-ci concluait que, du fait de l'existence d'exonérations, les charges patronales sur les salaires proches du Smic étaient relativement peu élevées en France, par rapport à ses voisins européens. Ce qui rendait donc le détachement légal de salariés étrangers, à ces niveaux de salaire (qui sont ceux pratiqués dans le détachement d'ouvriers du BTP), peu intéressants.

 

Au vu de cette étude, la clause Courtial ressemble donc davantage à un effet d'annonce visant à décourager les employeurs qui souhaitent faire appel au détachement, plutôt qu'à un véritable outil technique et juridique visant à limiter le dumping social.

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