FISCALITE. Dans son projet de loi de Finances 2019, le gouvernement envisagerait de supprimer le taux réduit de TICPE accordé à certains secteurs de l'industrie, à commencer par le bâtiment et les travaux publics. Les deux professions font part de leur stupéfaction à l'annonce de cette décision.

Le Conseil des ministres du lundi 24 septembre sera notamment consacré à la présentation du projet de loi de Finances pour l'année 2019. Dans sa recherche permanente d'économies, le gouvernement aurait décidé d'intégrer au texte la fin du taux réduit de TICPE - Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques - appliqué au gazole non-routier (GNR) pour certains secteurs industriels, à commencer par le bâtiment et les travaux publics. Cette suppression devrait intervenir au 1er janvier 2019. D'après une information des Echos, le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, va prochainement annoncer la fin de cet avantage fiscal, qui jusqu'alors concernait les camions et autres engins de chantiers. Selon le quotidien économique, cette niche fiscale coûterait environ 2 milliards d'euros à l'Etat chaque année. Sa suppression lui permettrait d'engranger 900 millions d'euros, dont 300 à 400 millions proviendraient du secteur du BTP, preuve du poids de ce dernier dans la balance budgétaire.

 

"Une méthode particulièrement brutale"

 

"Il s'agit d'une décision inéquitable entre les différentes professions concernées et entre les différentes tailles d'entreprises concernées", affirme Patrick Liébus, président de la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment) à Batiactu. "Prendre cette décision du jour au lendemain c'est d'une part, instaurer un système deux poids - deux mesures et d'autre part, nier l'aspect économique de notre profession." Le secteur des travaux publics abonde en ce sens : "La méthode utilisée a été particulièrement brutale, il n'y a eu aucune concertation", confirme la FNTP (Fédération nationale des travaux publics) à Batiactu. "Nous avons été mis devant le fait accompli. C'est une mesure purement budgétaire, sans aucun examen en amont des conséquences sur notre filière." La FNTP estime l'impact de cette mesure à 500 millions d'euros par an pour la profession. Tous ses métiers ne seront pas touchés de la même manière, mais les segments des terrassements, des travaux routiers et des travaux maritimes se retrouvent en première ligne.

 

L'Etat va économiser… pour dépenser autant

 

Les artisans du bâtiment ont fait part de leur vive inquiétude : "Nous possédons nous aussi des engins de chantiers, qui certes ne circulent pas sur la route, mais qui consomment !", poursuit Patrick Liébus. "A titre d'exemple, nos artisans peuvent utiliser des tractopelles, dont la consommation moyenne est de 200 à 300 litres de fioul par semaine. Et inévitablement, la hausse des prix pour les entreprises du secteur provoquera une baisse des chantiers."

 

Le monde des travaux publics est tout aussi stupéfait : "Cette décision intervient dans un contexte de nette reprise de notre activité", précise la FNTP à Batiactu. "Une reprise qui doit toutefois être relativisée, au vu de la hausse des coûts de production - pour le fer et l'acier, entre autres - et en ajoutant cette hausse soudaine du coût du carburant. Nous craignons une déstabilisation." Par ailleurs, quid des contrats déjà conclus, surtout quand la majorité de ces contrats engageant les entreprises de TP ont pour clients finaux les collectivités territoriales, donc la puissance publique elle-même ? "La hausse du GNR va entraîner une augmentation du coût des travaux, et se répercuter sur le prix payé par les donneurs d'ordre, à commencer par les collectivités", assure la FNTP. "Nous ne savons pas encore ce que nous allons pouvoir faire. Eventuellement intégrer des avenants aux contrats déjà conclus…"

 

Le gouvernement pris à partie

 

"Dans tous les cas, c'est un mauvais message envoyé au bâtiment et qui perturbe son activité", fustige Patrick Liébus. "Où est l'intelligence du système ? On nous dit qu'il faut baisser les coûts, mais on ne diminue pas les charges tout en augmentant la taxation des carburants ; c'est incompréhensible, et aussi dangereux. C'est encore de l'argent à débourser, c'est encore un impôt déguisé… On organise un système qui désorganise." Quant à la FNTP, elle se prépare à monter au front : "La profession aurait souhaité étaler dans le temps la suppression de l'avantage fiscal sur le gazole. La méthode employée n'est pas du tout la bonne. Nous allons envoyer un courrier à Gérald Darmanin [ministre de l'Action et des comptes publics, NDLR] dans les 24 heures, en espérant une réponse aussi rapide que possible. Et en parallèle, il faudra opérer une refonte des index de révision des prix de l'Insee [Institut national de la statistique et des études économiques, NDLR] pour le secteur des TP, qui devront intégrer ces nouveaux coûts de production".

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