La Cour de cassation admet qu'un petit dépassement du budget prévisionnel ne soit pas considéré comme un manquement au devoir de conseil de l'architecte dans le cadre d'une maîtrise d'ouvrage privée. Explications.

Un petit dépassement du coût de la construction ne peut pas être reproché à un architecte. C'est ce que dit en substance un arrêt de la Cour de cassation de ce 12 novembre 2014*, qui établit qu'un dépassement de près de 4% du budget prévisionnel ne constitue pas un manquement au devoir de conseil du maître d'œuvre.

 

Tout est parti d'une plainte d'un client qui estimait que l'architecte à qui il avait fait appel était tenu de réaliser un projet compatible avec ses capacités financières, selon les termes du contrat-type d'architecte qu'il avait signé. Il se plaignait d'avoir vu son budget prévisionnel dépassé de 3.9%. Or, il a été débouté, les juges de la Cour de cassation estimant qu'un dépassement aussi faible ne permettait pas de considérer que l'architecte aurait manqué à son devoir de conseil. Ils ont même précisé, dans un second arrêt, que l'architecte peut établir une estimation du coût des travaux en précisant qu'un réajustement aurait lieu après réception d'études et de devis. Des dispositions qui viennent assouplir les règles fixées par l'Ordre des architectes.

Obligations morales et juridiques

En effet, celui-ci rappelle dans une fiche juridique les conditions de dépassement de budget en maîtrise d'ouvrage privée. "Au stade de la conception de l'œuvre et au regard de son obligation de renseignement et de conseil telle qu'elle a été définie [par le Code des devoirs professionnels des architectes, art.12, 33 et 36, ndlr], l'architecte est tenu d'établir des plans qui soient techniquement réalisables et qui correspondent aux capacités financières de son client". Il doit donc l'interroger par écrit et au plus vite sur ces capacités financières, afin de pouvoir établir une œuvre architecturale conforme avec lesdites capacités. Cependant, précise le Cnoa, si cela relève du devoir moral de l'architecte, il n'a pas l'obligation de vérifier la solvabilité de son client. En outre, l'architecte a un devoir juridique, qu'il soit prévu ou non dans le contrat, puisque la conception du projet comprend l'élaboration des esquisses et des avant-projets sommaires (APS) puis définitifs (APD).

 

L'usage veut aussi qu'au stade de l'APS, une première estimation globale du coût des travaux soit réalisée, estimation qui sera affinée lors de l'établissement de l'APD. Ces informations doivent obligatoirement être formalisées par écrit. Sinon, il sera dans l'incapacité de démontrer qu'il a rempli son obligation de conseil et de renseignement.

Vers un assouplissement des règles de dépassement budgétaire

Dans le cadre d'un contrat-type de l'Ordre, l'architecte doit obtenir un accord écrit pour poursuivre sa mission sur la base du coût prévisionnel estimé. S'il y a un désaccord, il doit lui proposer un projet architectural conforme à ses capacités de financement, impliquant que la reprise du projet se fasse aux frais exclusif de l'architecte.

 

En cas de dépassement - dû ni à une demande supplémentaire du maître d'ouvrage, ni à une conjoncture économique défavorable, ni à un appel d'offres non réalisé dans les règles de l'art - l'architecte doit reprendre le projet architectural afin qu'il rentre dans l'enveloppe budgétaire initialement indiquée. Faute de quoi, le client a la possibilité de demander une réfection des honoraires, la résiliation du contrat aux torts démontrés de l'architecte, ou réparation du préjudice subi du fait du dépassement.

 

*(Cass. Civ 3, 12.11.2014, n° 1340 et n° 1359)

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