ÉCONOMIE. Sortir des énergies fossiles impliquera une baisse des rentrées de taxes afférentes, et donc un manque à gagner important pour les caisses de l'État. La direction générale du Trésor a chiffré le phénomène, tout en recommandant d'anticiper les mesures à prendre.

Au vu des investissements qu'elle nécessite, la transition énergétique aura un coût pour les finances publiques, et particulièrement pour le fisc. Dans le cadre d'un évènement organisé ce jour au ministère de l'Économie sur le thème "Croissance et climat", la direction générale du Trésor a publié un rapport intermédiaire sur les enjeux économiques de la décarbonation, dont l'entièreté sera rendue publique en 2024.

 

 

L'étude chiffre notamment l'impact fiscal de la sortie des énergies fossiles, qui impliquera de facto une baisse des rentrées de taxes afférentes. Et le manque à gagner s'avère important pour les caisses de l'État : si les politiques fiscales actuelles ne changent pas, les recettes du fisc pourraient chuter "de 13 milliards d'euros à horizon 2030 et 30 milliards d'euros à horizon 2050", estime le Trésor dans ce document provisoire relayé par l'AFP et que Batiactu a également consulté.

 

Bien proportionner la réglementation

 

S'agissant du secteur du bâtiment, la décarbonation du parc résidentiel devrait jouer "un rôle important" grâce à la combinaison du chauffage bas-carbone et de la baisse de la consommation énergétique, rendue possible par une meilleure isolation des logements. Pour garantir la performance des rénovations, le Trésor préconise de "cibler en priorité les travaux d'isolation sur les passoires thermiques, de favoriser pour le reste du parc surtout une décarbonation des modes de chauffage (par exemple le passage aux pompes à chaleur, aux réseaux de chaleur)".

 

En parallèle, l'administration fiscale recommande de se donner "les moyens d'augmenter la production d'énergie bas-carbone, et d'adapter la tarification de l'électricité afin d'encourager une meilleure adéquation entre offre et demande d'électricité bas-carbone à tout instant de la journée". Le moyen le plus efficace pour délaisser les fossiles au profit des renouvelables serait donc de renforcer la tarification des énergies carbonées, une mesure qui devrait toutefois être accompagnée de "subventions ciblées vers les plus modestes", type Ma prime rénov' ou les chèques énergie, et de "solutions pour pallier les contraintes de financement", à l'instar de l'Éco-prêt à taux zéro, "qui n'est toutefois pas ciblé".

 

Le rapport juge de même que le DPE fait partie des "instruments informationnels (...) importants" pour pallier les "défaillances" du marché. Les "instruments réglementaires", telles que les normes, obligations et interdictions, sont eux aussi pertinents "à condition d'être proportionnés et bien conçus".

 

110 milliards d'euros d'investissements nécessaires chaque année

 

Des chiffres et des propositions qui s'inscrivent plus largement dans le scénario d'un réchauffement climatique limité à 1,5°C, et pour lequel la France comme l'Union européenne se sont engagées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 55% en 2030 en comparaison à leur niveau de 1990, puis d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Les pays d'Europe du Nord seraient déjà confrontés à ce phénomène d'érosion des recettes fiscales, du fait de l'électrification précoce de leur parc automobile, ce qui les a amenés, pour certains, à trouver d'autres sources de financements, à l'instar des péages urbains.

 

Le rapport considère en outre que 110 milliards d'euros d'investissements publics et privés seront nécessaires chaque année, par rapport au contexte de 2021, pour réaliser la décarbonation de l'économie. À compter de 2030, les mesures de sobriété énergétique et l'électrification des usages feraient en revanche reculer de 37 milliards d'euros par an les investissements perçus comme défavorables pour la planète.

 

"Atteindre la neutralité carbone implique une transformation profonde de l'économie, des modes de production et de consommation"

 

 

La direction générale du Trésor rappelle dans tous les cas que "la transition sera bénéfique à l'économie et au bien-être" à long terme, et enjoint par conséquent les pouvoirs publics à anticiper les mesures à prendre. "Atteindre la neutralité carbone implique une transformation profonde de l'économie, des modes de production et de consommation", peut-on encore lire.

 

"À court terme, la transition pourrait entraîner un ralentissement de la croissance économique, du fait de la hausse des coûts qu'elle représente", mais le tarif compétitif des énergies bas-carbone ainsi que la réglementation favorable aux innovations plus respectueuses de l'environnement pourraient renverser la tendance. Au final, se préoccuper dès aujourd'hui de préserver la planète induirait "des bénéfices à moyen et long terme", déjà dans le domaine de la santé publique, "mais aussi par les gains de productivité des technologies bas-carbone [et] l'allègement de la facture énergétique grâce aux moindres importations de combustibles fossiles (...)".

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