Alors que le débat autour du projet de loi Alur sur le logement, commence ce mardi 10 septembre à l'Assemblée, le Conseil National de l'ordre des Architectes revient, plus en détail, sur le volet "urbanisme" du texte. Interview.

Batiactu : Que pensez-vous du projet de loi sur l'Accès au logement et à un urbanisme rénové (Alur),et plus particulièrement de la proposition de densifier les zones urbaines ?
Lionel Carli :
Ce texte de loi Alur va globalement dans le bon sens. Il y a actuellement une cohérence dans la politique du logement menée par Cécile Duflot. Concernant l'urbanisme et la transition écologique des territoires, je ne peux que saluer le document (Alur). Je retrouve d'ailleurs de nombreuses propositions portées par la profession depuis plusieurs années et revisitées à l'occasion des présidentielle et législatives 2012.

 

Quant à la densification, elle est nécessaire pour organiser une ville à proximité des services, des commerces, des transports en commun, etc. En effet, la ville désirable se développe à l'échelle de l'usager, se structure au rythme du piéton. Dans ce sens, la réécriture des articles définissant le contenu du PLU est intéressante. Ainsi, le COS va disparaître ainsi que la taille minimale des parcelles, on ne devrait donc plus avoir de règles bloquant la densité.

 

Autre proposition intéressante, celle spécifiant que les élus doivent faire, en amont, un diagnostic de leur territoire et regarder les secteurs où il y a lieu de densifier, avant de passer à l'étape de la rédaction du règlement. Ici, on est bien dans le registre de la qualité architecturale et de l'insertion au site et je ne peux que m'en féliciter. Néanmoins, je serai allé un peu plus loin en incitant les élus, à partir de cet audit, à bâtir un véritable projet urbain pour leur territoire en favorisant cette réflexion en trois dimensions, à celle trop réductrice du réglementaire. Il faut imaginer toutes les solutions pour mettre le projet au service du règlement afin de rendre lisible et compréhensible par tous les enjeux partagés du projet de ville.

 

Batiactu : Sur quels autres points seriez-vous allés plus loin ?
L. C :
Le premier concerne la production de documents d'urbanisme, notamment le PLU. Il serait intéressant d'ajouter des éléments graphiques en 3D (maquette de ville réelle ou virtuelle) pour améliorer la compréhension du projet et ainsi favoriser et faciliter l'échange avec le citoyen.

 

Nous aurions également souhaité que dans le PLU soit réalisé une analyse du patrimoine architectural et paysager de la commune et de son potentiel de développement, afin de ne pas se limiter à son seul recensement, et en faire un enjeu essentiel des zones à densifier. Ces projections qui seraient reprises dans le règlement, voire éventuellement modélisées, à travers les orientations d'aménagement.
Il nous semble aussi important d'apporter une clarification sur la concertation avant le dépôt du permis de construire qui pourra selon le texte, et pour les projets considérés d'intérêt général, être à l'initiative du maître d'ouvrage. Il faut être vigilant sur ce genre d'approche pour éviter toutes dérives pouvant être conflictuelles avec les choix de politique urbaine conduits par les élus. C'est pourquoi l'ordre des architectes a introduit un amendement pour que cette concertation soit décidée et effectuée sous la seule autorité du maire.

 

Batiactu : Quid des lotissements ?
L. C :
Le CNOA considère que la proposition de déverrouiller et permettre la recomposition des lotissements est fondamentale. A ce jour, le règlement du lotissement tombe automatiquement au bout de dix ans, au profit du PLU. Ce qui est logique puisque la ville évolue et le PLU aussi. Néanmoins, si les colotis le demandaient, ils pouvaient garder leur règlement via un vote en AG. Le projet de loi actuel dit que cela ne sera plus possible. Le règlement du lotissement ne peut plus être en contradiction avec le PLU. Ainsi pour pouvoir le modifier, on ne sera plus obligé d'avoir l'unanimité et 50% des colotis disposant de 2/3 du foncier ou 2/3 des colotis disposant de 50% du foncier suffiront. Résultat : avec une intervention sur les règles de densité et de gabarit, cette proposition devrait permettre à chacun de faire évoluer son habitat. Cette idée devrait également faciliter la recomposition des lotissements qui sont bien souvent des réponses architecturales indigestes.

 

D'autre part, reconnaître qu'il est nécessaire de reconstruire les lotissements existants, aurait dû déboucher sur le constat d'échec de cette politique d'urbanisation qui fait date. Il est grand temps de gérer les autorisations d'urbanisme de ces "morceaux de ville" à travers un projet et un permis de construire global pour que chacun ait enfin droit à la création architecturale.

 

Découvrez la suite de l'interview en page 2 abordant les thèmes des permis de construire, recours abusifs et la simplification des normes

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