PROFESSION. Le Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprises artisanales (FAFCEA) a annoncé le 26 février suspendre ses financements à compter du 15 mars prochain. Motif : un déficit de 32 millions d'euros, causé par la "perte" de 170.000 entreprises dans les fichiers de l'Administration. Les réactions des organisations du secteur sont tombées, mais les Urssaf ont également répondu.

Suite à la décision du FAFCEA (Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprises artisanales) de suspendre ses financements à la formation professionnelle continue des artisans, en raison d'un déficit de 32 millions d'euros causé par la "disparition" de 170.000 entreprises contributrices, l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) a répliqué ce 1er mars. La structure qui regroupe les Urssaf (Unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales) a tenu à "apporter un éclairage sur la situation" par voie de communiqué. Deux points ont été mis en avant : en premier lieu, l'agence a affirmé que "le problème du financement résulte de la contestation de l'assujettissement à la contribution des artisans ayant un statut de chef d'entreprise et de salarié". Ces derniers représenteraient 50% des contributeurs à la formation professionnelle des artisans, mais l'Ordre des experts-comptables a remis en question leur contribution, affirmant que leur assujettissement reviendrait en réalité à les faire payer deux fois, en raison de leur statut particulier. "Une très grande majorité de ces artisans a refusé de payer la contribution, ce qui provoque une perte de recette pour le FAFCEA", explique l'Acoss. "Les Urssaf procèdent à la collecte de la contribution auprès de ce public en opérant des relances amiables mais, dans l'attente d'une clarification juridique, n'ont pas procédé, jusqu'ici, au recouvrement forcé."

 

 

"Une part importante des contributeurs n'avait pas vocation à être assujettie"

 

L'autre point abordé dans le communiqué de l'Acoss concerne "l'affirmation du FAFCEA, selon laquelle il manquerait des contributeurs" : il s'agit d'une information "erronée", selon la structure publique, qui précise que les Urssaf ont eu recours, dans le cadre du transfert de recouvrement, au fichier de l'APCMA (Assemblée permanente des Chambres de métiers et de l'artisanat), recensant les artisans inscrits au répertoire des métiers. Et l'Acoss de pointer du doigt, non pas un manque, mais au contraire un excès de contributeurs : "Après analyse et comparaison de ce fichier avec celui de la DGFIP qui aurait précédemment servi à la collecte, il en ressort qu'une part importante des contributeurs n'avait pas vocation à être assujettie : artisans ayant cessé leur activité ; structures non-soumises à la CFP [Contribution à la formation professionnelle] ; auto-entrepreneurs qui paient leur contribution par ailleurs ; entrepreneurs ayant plusieurs sociétés et décomptés autant de fois qu'ils ont de sociétés que la contribution est due à l'échelle de l'individu."

 

Un bug causé par le transfert des fichiers de la DGFIP aux Urssaf ?

 

Ce mardi 26 février 2019, le FAFCEA a annoncé par voie de communiqué qu'il suspendait ses financements à la formation professionnelle continue des artisans à compter du 15 mars prochain, précisant qu'à cette date "plus aucune demande de financement ne pourra être honorée". La raison ? Suite à la loi de Finances 2017, la prise en charge de la collecte des contributions au FAFCEA a été transférée de la Direction générale des Finances publiques (DGFIP) aux Urssaf. Sauf qu'en 2018, ces dernières ne sont pas parvenues à identifier l'ensemble des entreprises qui devraient verser leur contribution au FAFCEA.

 

Au bout du compte, ce sont 170.000 structures qui sont ainsi passées à la trappe, n'ont pas été contactées par les services compétents et n'ont donc pas versé leurs cotisations. La disparition de ces 170.000 signatures dans les fichiers de l'Urssaf résulterait vraisemblablement d'un bug de l'Administration. Toujours est-il que cette situation plombe inévitablement le déficit du FAFCEA, lequel atteint 32 millions d'euros au titre de l'exercice 2018, n'ayant pour l'heure collecté que 33,8 millions contre les 72 millions de l'année précédente. Le Fonds dénonce à ce sujet une "impréparation totale de cette réforme engagée par le Gouvernement précédent [sous le quinquennat de François Hollande, ndlr]", ajoutant qu'un "certain nombre de chefs d'entreprises ayant le statut de salarié n'ont pas versé leur contribution dans la mesure où cette collecte a été réalisée dans la plus grande confusion".

 

Un geste attendu de la part du Gouvernement

 

Dans un communiqué, la Fédération française du bâtiment (FFB) tire la sonnette d'alarme en estimant que "les arguments techniques ne sauraient justifier l'asséchement de ces financements vitaux pour le développement des entreprises artisanales", ajoutant qu'"il conviendra de clarifier la responsabilité de cette situation". L'organisation déplore qu'une telle situation "soit annoncée si tardivement et sans perspective de solution", au moment où la loi Avenir professionnel est en train de se mettre en place. Et le président de la FFB, Jacques Chanut, d'insister pour "préserver immédiatement l'accès à la formation professionnelle [qui] est un enjeu essentiel pour les artisans et les chefs d'entreprises artisanales que la FFB défend et représente".

 

Contacté par Batiactu, Alain Griset, président de l'Union des entreprises de proximité (U2P), a indiqué qu'une réunion était prévue ce mardi 26 février à 18h30 avec le Premier ministre Edouard Philippe, initialement axée sur d'autres sujets mais qui devrait du coup traiter cet épineux problème. "L'Etat doit faire son boulot et proposer des solutions", a indiqué Alain Griset. "Il n'y en a que deux possibles : soit les Urssaf collectent là où elles devaient collecter, soit l'Etat fait un versement d'environ 35 millions d'euros au FAFCEA."

 

Dans son communiqué, le FAFCEA "demande expressément au Gouvernement d'intervenir et de tout mettre en œuvre pour permettre aux artisans de préserver leur accès la formation professionnelle continue". Le réseau national des Chambres de métiers et de l'artisanat, CMA France, a également déploré cette situation par la voix de son président, Bernard Stalter : "Cette situation est incohérente : la réduction de la collecte supprime le droit à la formation des artisans alors même qu'on est l'année de la mise en œuvre de la loi 'pour la liberté de choisir son avenir professionnel' qui met l'accent sur la formation".

 

 

La Capeb juge la situation "inacceptable", dénonçant "plusieurs erreurs qui auraient pu être évitées avec un minimum de préparation"

 

S'interrogeant sur la solution que l'Etat serait en mesure de proposer dans l'immédiat, le président de la confédération, Patrick Liébus, regrette que l'Administration n'ait pas tenu compte des alertes envoyées à plusieurs reprises : "Comment les pouvoirs publics peuvent-ils agir avec autant de légèreté ? Nous avons pourtant régulièrement interpellé les divers ministres sur ce dysfonctionnement, a priori informatique, dont les conséquences sont dramatiques pour notre secteur. Les Capeb départementales exposeront aux préfets et aux parlementaires le préjudice que cette irresponsabilité porte à l'ensemble des chefs d'entreprises artisanales et des conjoints collaborateurs de ce pays." Avant d'asséner, en appelant chacun à prendre ses responsabilités : "Les artisans sont furieux et rappellent, par notre intermédiaire, aux ministres que ni les organisations professionnelles ni le FAFCEA n'écrivent la loi ou ne procèdent à la collecte des fonds. [...] Les entreprises ont besoin de travailler et de bien travailler, la formation continue est essentielle en cela !"

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