ARCHITECTURE. Des bâtiments à fort enjeu patrimonial seraient-ils menacés ? C'est l'avis de Christine Leconte, présidente du Conseil régional de l'ordre des architectes d'Île-de-France (Croaif), qui s'est exprimée sur le sujet le 11 juin 2019 lors de la remise des prix de l'académie d'architecture.
C'est une "alerte" que la présidente du Conseil régional de l'ordre des architectes d'Île-de-France, Christine Leconte, a souhaité faire passer. Elle s'est exprimée en amont de la remise des prix de l'académie d'architecture, le 11 juin 2019, au sujet des menaces planant sur certains bâtiments à fort caractère patrimonial (classés, inscrits ou historiques), dans le cadre du lancement de plans de rénovation urbaine. Plusieurs sites sont menacés, dont celui de la cité-jardin de la Butte-rouge, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine). "Ce quartier est atteint par les velléités d'un élu qui souhaite en démolir pratiquement 75%", a-t-elle assuré. "Ce qui pose la question suivante : comment doit-on faire évoluer ce type de bâtiments ? Les architectes doivent se mettre en ordre de marche."
Un lien entre architecture et histoire sociale
La présidente du Croaif estime que le dossier de la Butte-rouge remet en cause le travail des architectes concernés (en l'occurrence, Joseph Bassompierre, Paul de Rutté, Paul Sirvin, André Arfvidson et le paysagiste André Riousse). Mais que cela casse aussi le lien culturel qui nous rattache à ces habitats. "Il y a un lien entre l'architecture et l'histoire sociale des populations. Au-delà de l'architecture, c'est ici un symbole démocratique qui pourrait disparaître", a-t-elle continué, rappelant la gentrification progressive de la capitale - le quartier de la Butte-rouge est de l'habitat social.
L'élue en appelle également à un "remaniement" du fonctionnement de l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru). "Cet outil a été efficace, mais peut-être est-il temps de le remanier par rapport aux enjeux actuels : il ne faut plus démolir, mais préserver le bâtiment existant, et c'est ainsi que l'on va refaire de l'architecture." Elle rappelle également l'enjeu écologique d'éviter les démolitions, estimant que l'Anru ne tenait pas assez compte de ce point sur de telles opérations. Des propos qui ont reçu le soutien de l'Académie d'architecture, par la voix de son président Martin Robain.
"Il serait impensable de démolir sans concertation ne serait-ce qu'une petite parcelle de ce chef-d'œuvre habité"
La Société de protection des paysages et de l'esthétique de la France (Sppef) avait déjà publié une récente tribune sur la Butte-rouge de Châtenay-Malabry, signée par plusieurs architectes et urbanistes. "Nous apprenons, au détour d'une exposition organisée par la municipalité de Châtenay-Malabry, que la démolition de 8 bâtiments de la cité-jardin de la Butte Rouge est programmée", peut-on y lire. "Devant le caractère exceptionnel de la cité-jardin de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry, modèle urbain reconnu internationalement, modèle architectural et paysager, modèle social et économique, modèle aujourd'hui pertinent d'adaptation au changement climatique, il serait impensable de démolir sans concertation ne serait-ce qu'une petite parcelle de ce chef-d'œuvre habité, cohérent et unitaire."
Les signataires appellent ainsi les pouvoirs publics à considérer "toutes les options légales de protection de cet ensemble unique", et s'opposent à toute démolition injustifiée. "La cité a traversé le XXe siècle sans encombre, et nous souhaitons ardemment qu'elle puisse vivre encore pour les générations futures."