BILAN. Dans un contexte économique plombé par la crise du Covid et les changements de comportements qu'elle a induits, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a scruté de près le domaine de la transition écologique, en conduisant une vaste enquête sur les entreprises spécialisées dans la rénovation énergétique des logements. Les résultats sont accablants, notamment pour la crédibilité du label RGE.

Pour la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) aussi, l'exercice 2020 a été pour le moins particulier. Les quelque 2.940 agents de l'institution ont continué à veiller au grain dans un contexte économique et social évidemment plombé par la crise du Covid et les changements de comportements qu'elle a pu induire chez les consommateurs français. Si les contrôles physiques d'établissements ont été de fait moins nombreux à cause des restrictions sanitaires, les contrôles de sites Internet se sont en revanche multipliés. Au total, tous secteurs d'activité confondus, ce sont ainsi 94.000 établissements (-6% en comparaison à 2019) et 20.700 sites Web (+38% en un an) qui ont été inspectés par la DGCCRF, laquelle a envoyé à peu près 31.000 lettres d'avertissement et 6.600 lettres d'injonction, et, sur le plan répressif, a établi 4.100 dossiers pénaux et prononcé 1.400 amendes administratives pour un montant de 16,1 millions d'euros, d'après le bilan de l'organisme présenté ce jour par le ministre des PME, Alain Griset.

 

 


"2020 a été une année terrible, une année de bouleversements. J'ai une pensée particulière pour les indépendants qui, pour une partie d'entre eux, ont dû fermer leur activité. Des bouleversements aussi pour les consommateurs avec deux grandes tendances : l'accélération de la numérisation de la consommation, et l'attrait pour une consommation plus sobre et plus respectueuse de l'environnement. Il est indispensable que la DGCCRF accompagne ces grandes évolutions."
-Alain Griset, ministre des PME

 


La rénovation énergétique et le label RGE pointés du doigt

 

Parmi les domaines qui ont été passés à la loupe, la transition écologique comptabilise un grand nombre de contrôle et de sanctions. Pour protéger les particuliers désireux de se lancer dans des démarches de rénovation énergétique de leurs logements, la DGCCRF a fait rigoureusement appliquer la loi du 24 juillet 2020 relative à l'interdiction du démarchage téléphonique dans le secteur du bâtiment, et a ainsi sanctionné 108 entreprises pour pratiques abusives, tous secteurs confondus, et pour un montant de 4,2 millions d'euros d'amendes. Une sanction record de 366.000 € a d'ailleurs été prononcée contre une entreprise du Gard spécialisée dans la rénovation énergétique. Plus largement, l'enquête sur les fraudes à la rénovation thermique des logements, qui s'inscrit en réalité "dans le cadre d'un programme pluriannuel de contrôles" de ce secteur, a mobilisé des moyens importants : 58 départements, répartis dans 13 régions, pour vérifier tous les acteurs de la chaîne, soit pas moins de 693 établissements, des artisans du bâtiment aux établissements de crédit en passant par les prestataires et sous-traitants.

 

Et les résultats sont saisissants : 49% des entreprises du secteur de la rénovation énergétique ont des "pratiques irrégulières". La même enquête a débouché sur 130 avertissements, 115 injonctions administratives, 100 procès-verbaux pénaux et 50 procès-verbaux administratifs. Encore plus accablant pour la filière : 74% des entreprises contrôlées en situation d'"anomalie" étaient labellisées RGE. "Les infractions et manquements relevés relèvent pour la plupart du non-respect des droits des consommateurs en matière de vente hors établissement commercial (non-respect de droit de rétractation) ; de manquements relatifs à l'information précontractuelle sur les prix et les conditions particulières de vente ; de la violation des règles applicables au crédit affecté ; de l'usage de pratiques commerciales trompeuses, voire agressives", explique la DGCCRF. Qui précise : "Certains professionnels abusent le consommateur de la prise de contact à la conclusion du contrat, et vont parfois jusqu'à imposer la réalisation de travaux en raison de prétendus programmes publics, audits énergétiques gratuits, d'homologations, de commissions 'officielles', qui sont en réalité inexistants".

 

Les "coups de pouce" à 1€ et la sous-traitance "généralisée et en cascade" à l'origine de nombreuses fraudes

 

Mais le verdict est également très sévère à l'encontre des opérations d'isolation à 1€, à l'origine de très nombreuses plaintes de particuliers. Sur ce point, l'enquête réalisée par les équipes de Bercy "avait pour objet de contrôler les éventuelles pratiques commerciales déloyales mises en œuvre par des professionnels du secteur, les dispositions liées à la vente hors établissement commercial, la bonne application du dispositif de liste d'opposition Bloctel, ainsi que les dispositions spécifiques aux Certificats d'économie d'énergie (CEE)". Au bout du compte, 26 établissements ont été contrôlés, et le "taux de manquements" s'élève tout de même à 54%. Des chiffres problématiques qui ont entraîné 6 injonctions administratives, 10 procès-verbaux pénaux et 5 procès-verbaux administratifs.

 

Dans le détail, "les principales irrégularités relevées concernent : des pratiques commerciales trompeuses sur l'identité, les qualités, les aptitudes du professionnel conduisant, notamment, à la réalisation de travaux non-conformes, avec parfois un risque d'incendie, ainsi que l'utilisation de diverses allégations et mentions valorisantes non-justifiées sur les sites Internet associés ; le non-respect de la réglementation relative au dispositif d'opposition au démarchage téléphonique en vue de contourner le dispositif Bloctel ; le non-respect de la réglementation relative à la vente hors établissement (notamment, des manquements concernant les informations précontractuelles, le délai de rétractation et la remise d'un contrat signé par les deux parties) ; le non-respect des règles relatives au dispositif des CEE et à la charte d'engagement relative à l'obtention de la mention RGE". L'enquête conclut en confirmant que le dispositif des fameux "coups de pouce" a permis à des "réseaux de fraude à grande échelle" de s'organiser, pénalisant particuliers, professionnels honnêtes et autorités. "Il a notamment été constaté que la sous-traitance généralisée et en cascade des travaux d'isolation constitue une source notable d'abus", précise le rapport.

 


Les détails édifiants d'une enquête menée auprès d'une entreprise de travaux d'économie d'énergie en Ille-et-Vilaine

 

Dans son bilan 2020, la DGCCRF revient en détails sur le strict encadrement du démarchage téléphonique en détaillant un exemple - pour le moins saisissant - d'enquête menée dans ce cadre. "La DDCSPP (Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations) d'Ille-et-Vilaine a mené une enquête auprès d'une société proposant des travaux d'économie d'énergie, qui contactait des consommateurs inscrits sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique en masquant son numéro de téléphone", explique Bercy.

 

"Les pratiques de la société ont démontré également des pratiques litigieuses ayant abouti à une procédure pénale pour usurpation de numéros de téléphone et démarchage téléphonique abusif. Sur la base des signalements de consommateurs du dispositif Bloctel, couplé avec une analyse des flux financiers entre diverses sociétés dont l'intermédiaire principal était établi à Dubaï, les enquêteurs ont pu matérialiser la complexité technique qui vise à rendre impossible la bonne identification de la société. La société utilisait, en effet, une technique de modification du numéro appelant. L'enquête a pu conclure qu'au moins 600.000 appels ont été émis par cette société durant 9 mois, dont 28.865 concernaient des consommateurs inscrits sur la liste d'opposition. En outre, 428 réclamations de consommateurs ont été déposées. Une amende administrative de 157.325 € a été prononcée à l'encontre de la société et de 22.472 € à l'encontre du gérant."

 

 


La lutte contre les retards de paiements s'est focalisée sur les bénéficiaires de PGE

 

Autre cheval de bataille de Bercy : la lutte contre les retards de paiements inter-entreprises, qui a cumulé 9,4 millions d'euros d'amendes en 2020 et plus de 90 procédures toujours en cours d'instruction et pour un montant total estimé à 20,5 millions d'euros. Vu le contexte, ces enquêtes se sont concentrées sur les grandes entreprises, notamment publiques, avec 35 structures contrôlées, ainsi que sur celles ayant bénéficié d'un Prêt garanti par l'État (PGE - 278 sociétés contrôlées). Toujours dans l'optique de prévenir et de sanctionner des pratiques commerciales déloyales, la DGCCRF a instauré au printemps 2020 "une 'task-force' anti-fraudes, réunissant la douane, la Gendarmerie nationale, la Police nationale, la justice, les services fiscaux et de nombreux autres organismes (Commission nationale de l'informatique et des libertés, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, Autorité des marchés financiers, Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information…) afin de mettre en commun l'information, d'optimiser l'efficacité de l'action publique et de mieux sanctionner les fraudes", souligne Bercy.

 

Deux sites Internet ont en outre été lancés, à savoir "Signal conso" qui permet aux consommateurs de signaler des litiges liés à des produits ou services, et le site "Rappel conso" qui recense de manière exhaustive les rappels de produits de grande consommation. D'après Bercy, les travaux de rénovation ont représenté 3% des signalements enregistrés sur "Signal conso", contre 2% pour l'immobilier et 6% pour les énergies (eau-gaz-électricité).

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