INTERVIEW. La croissance des villes est un véritable phénomène urbain qui devrait s'accentuer davantage dans les années à venir. Quels sont ses défis ? François Grether, grand prix de l'urbanisme en 2012, nous livre son point de vue.

Batiactu : Comment qualifier une ville ?
François Grether :
La ville était historiquement définie par son contour, ses enceintes fiscales, militaires etc. et par le fait que c'était un lieu d'entrecroisement de commerces, d'échanges et de concentration de populations. Cette limite a sauté depuis le milieu de la deuxième partie du 19ème siècle et on n'en a pas tiré toutes les conséquences puisqu'on continue de parler de ville et de campagne. Or le phénomène urbain a envahi le territoire au-delà même de ses parties habitées. Aujourd'hui, on n'a plus cette opposition entre l'intérieur et l'extérieur de la ville. Une situation qui trouble les définitions car on ne sait plus qualifier le phénomène contemporain urbain. On se réfère à ce qui reste de la définition historique en évoquant surtout le regroupement important d'habitants, d'activités dans une portion de territoire qui est densément occupée par le bâti. Résultat : il y a une vraie incertitude sur la définition et c'est un vrai sujet.

 

Batiactu : Quelles ont été les principales évolutions de ces 50 dernières années ?
F. G :
Les villes restent attractives et spécialement les grandes : une tendance qui s'accentue de plus en plus. Par ailleurs, on observe un retour fort des questions sensibles liées au paysage, à la nature. Et puis généralement, dans le monde entier, l'attente se tourne vers la réinvention du rapport à l'eau : renouvellement profond des rivages maritimes et fluviaux. Concernant le bâti, par rapport à une dizaine d'années, la critique est moindre sur la densité. D'ailleurs, le développement contemporain des centres villes ne se limitent plus aux centres anciens. Enfin, les plus grands bouleversements touchent les modes de vie (la mobilité, les déplacements …).

 

Batiactu : Quels sont les atouts des villes ?
F.G :
Les villes européennes sont marquées par leur singularité rattachée à leur histoire, une richesse fantastique accumulée depuis des millénaires. Reste que le développement et l'attraction pour les grandes villes se fait parfois au détriment des petites. En France, on est sous l'emprise d'une tradition centraliste extrêmement forte avec une lecture des villes très hiérarchisée. Il y a Paris, Lille, Lyon Marseille puis Bordeaux, Nantes, etc. Un classement qui repose sur le nombre d'habitants. Résultat : cela crée des distorsions puisque cela va plutôt bien pour les grandes villes alors que les petites sont en récession profonde.

 

Batiactu : Comment expliquer cette situation et que faudrait-il pour l'améliorer ?
F.G :
Manque de moyens, de compétences, de programmes. Une situation différente par rapport aux pays voisins fédéraux qui parviennent davantage à créer des réseaux et à s'appuyer sur un système moins pyramidal. Par exemple, à Neuchatel en Suisse (NDLR : environ 32.000 habitants), il y a une tour qui abrite l'Insee. En France, cela n'existe pas. On a collectivement donné une prime au plus grand alors que les petites villes, les petits bourgs forment une richesse nationale. Il faut alerter l'opinion et parvenir à les valoriser dans l'esprit collectif. Il faudrait que les responsables coordonnent leurs actions, qu'ils essaient de se compléter. Bref, établir un fonctionnement en réseau équilibré. Il y a une action en profondeur à faire avec une priorité à la pédagogie.

 

La suite de l'interview en page 2

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