ANALYSE. Au premier semestre 2022, 18.500 chefs d'entreprises ont pointé au chômage. En comparaison à la même période un an plus tôt, le chiffre s'est envolé de 30%, et cette situation préoccupante affecte tout le pays. La construction est l'un des secteurs où la progression est la moins importante.

Le contexte économique contraint l'activité des entreprises, mais affecte aussi l'emploi des dirigeants eux-mêmes. Sur les six premiers mois de 2022, 18.519 chefs d'entreprises se sont retrouvés à pointer au chômage, d'après la dernière édition de l'Observatoire de l'emploi des entrepreneurs, publié par le cabinet Altares et l'association GSC. La situation est pour le moins préoccupante puisque ce chiffre bondit de presque 28,9% par rapport à la même période un an plus tôt.

 

 

Et la seconde moitié de 2022 risque d'être tout aussi compliquée : "La guerre en Ukraine, les problèmes d'approvisionnement et le pouvoir d'achat en berne sont autant de facteurs extérieurs d'incertitude pour les chefs d'entreprises, qui doivent inciter à la vigilance. Sans anticipation, je crains que les situations dramatiques se multiplient", analyse Anthony Streicher, à la tête de GSC. Lequel souligne également qu'on assiste en réalité à une sorte de rééquilibrage, car si les deux années de la pandémie ont été marquées par des "seuils historiquement bas", les derniers chiffres se rapprochent des niveaux d'avant-Covid.

 

Un quart des patrons impactés travaillaient dans le BTP

 

Les chefs d'entreprises du bâtiment et des travaux publics représentent une nouvelle fois presque un quart (23,4% exactement) des destructions de postes, une situation en hausse de 11%. Celle-ci est cependant bien moins rapide que la moyenne nationale (30% pour rappel), sachant que ce sont les patrons des secteurs en contact direct avec les consommateurs (hébergement, restauration, commerce...) qui restent les plus exposés. Il n'empêche, 3.808 dirigeants d'entreprises de la construction se sont tout de même inscrits chez Pôle emploi au premier semestre 2022.

 

Le baromètre détaille de nombreux autres indicateurs généraux, tous secteurs confondus. Avec un âge médian de 46,7 ans, ce sont les entrepreneurs plus "âges" qui demeurent les plus exposés à la perte d'emploi. Pour autant, ceux étant dans la tranche 31-40 ans enregistrent la hausse la plus importante entre le 1er janvier et le 31 juin : 4.511 d'entre eux se sont retrouvés au chômage, ce qui représente une envolée de 47,8% sur un an. Les dirigeants de plus de 50 ans subissent eux aussi une forte augmentation de 37,2%, ce qui représente 4.152 destructions de postes.

 

Les artisans sont plus nombreux à se retrouver au chômage

 

Sans véritable surprise, les patrons des plus petites entreprises (moins de 3 salariés) sont les plus impactés par la perte de leur emploi : à eux seuls, ils pèsent pour trois quarts du total. Les entrepreneurs à la tête de structures comptant entre 20 et 49 employés bénéficient d'une baisse de 13% du phénomène ; ceux dirigeant des entreprises de plus de 50 salariés, un recul de 16,3%.

 

De même, quasiment 90% des sociétés ayant mis la clé sous la porte sont des très petites entreprises (TPE), déclarant un chiffre d'affaires inférieur à 500.000 € ou ne publiant pas leur comptabilité. Il s'agit donc majoritairement d'artisans qui ne sont pas tenus de rendre public leurs comptes et dont le CA est probablement très en-dessous du demi-million. Si les gérants de SARL (sociétés à responsabilité limitée) constituent l'essentiel des pertes d'emplois (7.755 personnes, +19,8%), ceux à la tête de SAS (sociétés par actions simplifiées) et les artisans-commerçants enregistrent des progressions importantes, respectivement +36,2% et +21,8%.

 

Le directeur général d'Altares, Frédéric Barth, se veut néanmoins rassurant : "Au cours de ce premier semestre 2022, ce sont près de 90.000 nouvelles entreprises qui ont vu le jour chaque mois, un nombre bien supérieur à celui enregistré en 2019 (72.000 en moyenne). Cette dynamique de créations d'entreprises confirme la capacité des entrepreneurs à se projeter, en dépit d'un contexte économique difficile."

 

Les Hauts-de-France en souffrance

 

Le phénomène concerne malgré tout l'ensemble de l'Hexagone. Première région économique du pays, l'Île-de-France a vu 3.697 chefs d'entreprises perdre leur emploi sur les six premiers mois de l'année. Un chiffre malheureusement en hausse de 10,2%, ce qui reste toutefois bien inférieur aux 28,9% enregistrés au niveau national.

 

 

Les Hauts-de-France souffrent le plus de la situation : 1.420 entrepreneurs de la région s'y sont retrouvés au chômage, alors qu'ils n'étaient que 869 un an auparavant, soit un boom de 63,4%. L'observatoire précise que "tous les dirigeants, quels que soient la taille, le chiffre d'affaires ou encore la forme juridique de l'entreprise sont impactés sur ce territoire". Avec une flambée de 43,5% (touchant 581 dirigeants) en 12 mois, la Bourgogne-Franche-Comté inquiète également.

 

L'Outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion) parvient à limiter la casse, avec une augmentation plus timide de 6,1% (488 cas). Seule la Corse enregistre un recul de 1,4%, 71 personnes s'étant retrouvés sans emploi.

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