CONJONCTURE. L'organisation Routes de France a dévoilé les "vrais chiffres" de son segment d'activité afin d'établir une analyse conjoncturelle fiable. Globalement, les entreprises routières bénéficient certes d'une hausse des recettes mais subissent en contrepartie une diminution des dépenses des administrations publiques consacrées aux routes. La profession a également présenté ses actions et propositions en la matière.

"Nous possédons un réseau routier national déjà dense, mais des travaux s'avèrent indispensables pour maintenir les infrastructures et les ouvrages d'art en bon état, ainsi que pour décongestionner le trafic aux abords des grandes agglomérations." Tel est le constat général de Pierre Calvin, président de Routes de France, sur la conjoncture des travaux routiers. Après avoir réalisé 12,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires au plan national en 2017 (8,1 milliards à l'international), les entreprises routières tricolores s'inquiètent de la décision gouvernementale de supprimer le taux réduit de TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) pour le GNR (gazole non-routier), un impact que la profession chiffre à 200 millions d'euros pour ses comptes. Un élément de contexte qui s'ajoute à d'autres problématiques rencontrées par les travaux routiers, comme les prévisions d'inflation du bitume, qui pourrait augmenter de 5% en 2018, ou encore le tonnage d'enrobés qui a fondu de 20% entre 2007 et 2017, passant de 42,3 à 33,7 millions de tonnes.

 

 

L'Etat et les collectivités territoriales consacrent 13,9 milliards d'euros aux infrastructures routières

 

Pour rappel, le réseau routier de l'Hexagone totalise plus d'un million de kilomètres, ce qui en fait un des maillages les plus denses d'Europe. Dans le détail, l'Etat assure la gestion des routes nationales et des autoroutes non-concédées, soit 11.438 km, et est également responsable des autoroutes concédées, soit 9.137 km, dont la construction-l'entretien-l'exploitation revient cependant aux concessionnaires. Les départements s'occupent quant à eux des routes départementales - 380.000 km - tandis que les communes et intercommunalités assument la maintenance des routes communales - 688.000 km, ces deux dernières catégories accueillant tout de même 66% du trafic routier national. L'Etat et les collectivités territoriales consacrent 13,9 milliards d'euros aux infrastructures routières, soit 58% du total des dépenses consacrées à ce secteur. Les sociétés privées déboursent 3,9 milliards d'euros (31,5%), les grandes entreprises publiques 800 millions (6,5%) et les concessionnaires 490 millions (4%). Quant aux usagers de la route, leurs contributions (taxes, redevances, amendes…) s'élèvent à 40,72 milliards d'euros, sachant que la TICPE pèse pour 29,6 milliards.

 

Un solde positif de 27 milliards d'euros pour l'Etat

 

Sur cette base, comment a évolué la balance financière des entreprises routières ? Entre 2005 et 2017, les recettes ont progressé de 18,6%, pendant que les dépenses se rétractaient de 19,6%, ce qui représente in fine un solde positif de 27 milliards d'euros pour l'Etat sur la même période. Le réseau routier en lui-même a aussi augmenté entre 2012 et 2016, puisqu'il est passé de 1.048.237 km à 1.088.090 km, ce qui représente une hausse de 3,8%. "La construction de nouvelles infrastructures routières ne se justifie plus que pour quelques contextes ciblés, comme la RCEA [Route Centre-Europe Atlantique, considérée comme la route la plus meurtrière de France, NDLR], l'A45 [projet d'autoroute controversé en région lyonnaise, censé soulager l'A47 saturée, NDLR] ou encore les contournements d'agglomérations, à l'instar de celui de Strasbourg", relève Pierre Calvin. "D'une manière générale, notre profession a donc bénéficié d'une augmentation des recettes, conséquence de l'évolution de la fiscalité sur les carburants, avec le plan de rattrapage de la fiscalité gazole-essence et la montée en puissance de la taxe carbone. Mais en parallèle, les administrations publiques ont baissé leurs dépenses consacrées aux routes. Or nous constatons, d'après le projet de loi de Finances 2018, que la suppression du taux réduit de TICPE et la hausse de la taxe carbone devraient permettre à l'Etat d'engranger 34,4 milliards d'euros entre la période 2018 et 2022. Si on veut moderniser le réseau, il faut débloquer les investissements nécessaires."

 

Le curatif coûte plus cher que le préventif

 

Par ailleurs, Routes de France souligne quelques contradictions s'agissant des contrats de plan Etat-régions (CPER) : bien que 23,4 milliards d'euros de crédits aient été contractualisés, tous financeurs confondus, le taux d'engagement de ces crédits au niveau national à la fin 2017 n'était que de 27%, et le taux moyen de réalisation des crédits de paiements atteignait les 12,1% pour les routes à la même période. Et plus le temps passe, plus les infrastructures s'abîment : "Le rapport ministériel qui vient de sortir est une bonne chose, mais les routes et les ponts dans leur ensemble doivent être entretenus pour éviter leur dégradation", insiste Pierre Calvin. "La détérioration est exponentielle. Il faut des travaux pour maintenir en l'état, mais il en faut aussi pour décongestionner le trafic. On observe de plus en plus une saturation du trafic à proximité des agglomérations et des métropoles. Le transit doit être laissé à l'extérieur des villes, pour que celles-ci se concentrent sur la gestion du trafic intramuros."

 

D'autant qu'un réseau qui se dégrade présente en toute logique des risques pour la sécurité, et qu'il ne peut ainsi pas utiliser de manière optimale ses capacités. Le réchauffement climatique a en outre un impact sur l'état des matériaux et des structures, sans parler de la "dette grise" : cette dette est progressivement creusée par l'absence, ou du moins le manque d'entretien préventif, ce qui au final débouche sur un entretien curatif bien plus considérable à réaliser, en termes de moyens matériels et financiers. "Le trafic et la charge sont en hausse, alors que l'entretien est en baisse. Mais avec le projet de loi LOM - Loi d'orientation des mobilités, le gouvernement souhaiterait augmenter de 30% l'entretien des réseaux routiers sur la période 2018-2027, dont une progression de 70% de la régénération." Affaire à suivre donc.

 

 

Les actions et propositions de la filière routière

 

Routes de France a listé l'ensemble des actions et propositions de la profession pour contribuer à l'amélioration de la situation.

 

 

Sur le plan technique :
- Publication d'un vade-mecum
- Partenariat avec l'Association des maires de France pour la formation des édiles
- Mettre en place un plan de régénération complémentaire des infrastructures, avec un besoin estimé à 4-5 milliards d'euros pendant 15 ans
- Adapter les infrastructures routières pour répondre aux enjeux de mobilité, de désenclavement, de véhicules autonomes, d'emploi…

 

Sur le plan financier :
- Instaurer une recette affectée à l'entretien, la modernisation et l'adaptation des routes et des rues
- Instituer une gestion patrimoniale des collectivités (principe de l'amortissement comptable)
Sur le plan de la transition écologique et énergétique :
- Intensification des études sur la durabilité des infrastructures et leurs aptitudes au changement climatique
- Projet d'un "Engagement pour la croissance verte" en prolongement de la Convention d'engagement volontaire de 2009
- Protocole de coopération entre la Plateforme Automobile (PFA) et Routes de France sur les véhicules et infrastructures routières

 

Sur le plan des évolutions contractuelles :
- Communication sur le contrat global de performance, nouveau type de marché d'entretien des infrastructures et voiries à destination des collectivités
- Redéfinition avec les gestionnaires des fondamentaux en matière d'indicateurs appliqués à l'entretien routier

 

Sur le plan de la prospective :
- Lancement d'une démarche prospective sur la place et le rôle des acteurs routiers au service de la révolution des usages de la mobilité

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