Le Parlement européen a adopté, mercredi 16 avril à Strasbourg, le projet de directive sur les travailleurs détachés. Le texte doit donner aux 28 Etats membres de l'Union européenne des moyens supplémentaires pour lutter contre les fraudes et le dumping social. Un principe rendu, en effet, obligatoire dans le secteur du bâtiment. Explications.

A quelques semaines des élections européennes, le projet de directive "d'application" sur le détachement des travailleurs, a été adopté, mercredi 16 avril, à une large majorité (474 voix pour, 158 voix contre) par le Parlement européen à Strasbourg.

 

Ces nouvelles dispositions ont donc pour objectif d'améliorer la mise en œuvre de la directive de 1996 relative aux conditions des travailleurs détachés dans un autre pays de l'UE pour fournir des services pendant une période limitée.

 

Pour rappel : début décembre 2013, les 28 Etats membres s'étaient mis d'accord, après d'âpres négociations, pour mieux encadrer le dispositif des travailleurs détachés. De son côté, la France, avait pris soin de proposer une loi pour lutter contre le dumping social. Ce texte, adopté le 25 février dernier par l'Assemblée nationale doit être examiné par le Sénat dans les prochains jours pour une adoption définitive en mai 2014.

 

Mieux identifier les véritables situations de détachement
Globalement, le texte européen clarifie les dispositions juridiques en fournissant aux 28 États membres une liste non exhaustive de critères leur permettant d'identifier si le détachement est avéré ou s'il constitue une tentative de contourner la législation, par exemple via la création de sociétés boîtes aux lettres dans des pays où les contributions sociales sont moins élevées qu'ailleurs dans l'Union européenne.

 

Autre avancée ? Le Parlement européen introduit également une définition des "faux indépendants", un type d'abus qui exploite le fait que les indépendants ne sont pas soumis aux mêmes législations relatives aux conditions de travail.

 

Des contrôles renforcés
Pour veiller également à ce que la directive de 1996 soit correctement appliquée, l'accord compte une liste de mesures de contrôle nationales, que les pays d'accueil pourront néanmoins compléter. "Les États membres devront communiquer les nouvelles mesures de contrôles à la Commission européenne, mais comme a précisé le Parlement, cela ne constitue pas une autorisation préalable, et laisse une certaine marge de manœuvre aux États membres pour effectuer leurs contrôles", souligne le Parlement européen.

 

Des mesures obligatoires dans le secteur de la construction
Par ailleurs, les nouvelles règles responsabilisent davantage les entreprises donneuses d'ordres vis-à-vis de leurs sous-traitants, notamment dans le secteur du bâtiment, grâce à un mécanisme de responsabilité conjointe et solidaire obligatoire dans les 28 Etats membres. Ainsi dans les chaînes de sous-traitance, non seulement l'entreprise sous-traitante mais également l'entreprise contractante pourront être tenues responsables en cas de non-respect de la rémunération des travailleurs détachés. "Dans le secteur de la construction, un tel système ou des mesures équivalentes seront obligatoires, rappelle l'institution européenne. Les États membres peuvent également introduire des dispositions plus strictes et inclure d'autres secteurs."

 

Les parlementaires européens ont également ajouté des amendements pour s'assurer que "l'information sera transparente, gratuite, dans un format accessible et sur un site officiel unique, en plusieurs langues, en tenant compte des demandes du marché du travail du pays d'accueil". Sur le site internet, les informations décriront alors les conditions de travail et sociales applicables aux travailleurs détachés, ainsi que les procédures pour pouvoir porter plainte en cas d'abus.

 

La prochaine étape ? Le texte doit être encore approuvé par les ministres européens en charge du dossier dans les prochains jours. "La France a d'ores et déjà anticipé sa transposition, à travers la proposition de loi Savary, qui complète l'arsenal législatif national", indiquent les ministères des Affaires européennes et du Travail.

 

Réactions
"Le texte final parvient à un équilibre entre la liberté de prestation de services et la protection des travailleurs. Il pallie l'incertitude juridique et améliore la situation des travailleurs détachés qui sont plus d'un million dans l'UE", a déclaré le rapporteur polonais Danuta Jazlowiecka (PPE), dans un communiqué.

 

 

"C'est une réelle avancée pour l'Europe sociale et une victoire pour la France qui a été en première ligne pour obtenir un accord entre les Etats membres, et avec le Parlement européen", ont enfin réagi Harlem Désir et François Rebsamen, respectivement secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes et ministre du Travail dans un communiqué commun.

 

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