SOLUTION TECHNIQUE. La transition énergétique va entraîner le lancement d'innombrables chantiers de rénovation thermique. Syrthea, distingué par la Mention spéciale du jury des Trophées Startup Construction 2020-2050, propose d'industrialiser le procédé de conception-réalisation afin de produire sur mesure des panneaux d'ITE de grandes dimensions qui se posent en peu de temps. Explications avec Jean-Pierre Loustau, le président de la société.

Jean-Pierre Loustau n'est pas un inconnu dans le monde du bâtiment. Ce touche-à-tout s'intéresse, depuis 2011, à l'isolation thermique par l'extérieur, au travers de la société Syrthea, retenue dans le cadre d'un appel à projets de l'Ademe. Il nous détaille : "L'idée était simple : la transition obligera des rénovations thermiques des logements dans les années à venir. Pour les traiter, il faudra industrialiser le processus et amener les bâtiments vers des performances égales au label BBC Rénovation, en tendant si possible vers des niveaux supérieurs, jusqu'au passif". Fort de ces ambitions, le dirigeant imagine une solution technique innovante.

 

 

"Elle repose sur trois piliers", révèle-t-il. "Le premier, des panneaux de grandes dimensions, jusqu'à 10 mètres de haut par 3 mètres de large, qui se posent en une fois et comprennent parement, isolant, volet et fenêtres, voire ventilation, si nécessaire". Ces panneaux, produits en atelier, reposent sur une ossature bois et incorporent l'isolant, ouate de cellulose ou laine de roche. Le parement extérieur peut être assuré, au choix, par un bardage bois, par des panneaux métalliques ou des panneaux de fibrociment. D'une épaisseur d'environ 400 mm, ils intègrent 240 mm d'isolant, afin d'apporter des performances thermiques suffisantes, qui portent le poids d'un panneau à environ 1,5 tonne pour 30 m². "Mais il est possible de descendre à 300 mm d'épaisseur, en dégradant légèrement la performance", assure le président de Syrthea. Il reprend : "Les panneaux permettent l'évacuation de l'humidité et ils disposent de joints toriques sur tout leur pourtour afin d'assurer l'étanchéité à l'air".

 

Modélisation numérique et réduction des nuisances

 

Second pilier, la plateforme numérique qui s'articule avec le BIM et permet de concevoir ces panneaux à la demande. "On utilise des scanners laser pour reconstituer un modèle 3D du bâtiment. Nous avons envisagé l'utilisation de drone avec de la photogrammétrie mais les relevés sont moins précis, et nous avons besoin d'une précision de l'ordre du centimètre". Grâce au modèle tridimensionnel, l'entreprise propose un plan de calepinage avec les panneaux de grandes dimensions et laisse les choix techniques (nature et épaisseur de l'isolant, finition extérieure) aux différents intervenants que sont les architectes, maîtres d'ouvrage et bureaux d'études. "Puis les données informatisées sont envoyées à l'unité industrielle de production qui réalisera tous les panneaux", poursuit Jean-Pierre Loustau. Le procédé permet donc d'isoler globalement un bâtiment existant par l'extérieur.

 

Enfin, dernier pilier : la démonstration de la pertinence du procédé sur tout un îlot de logements. "Nous avons signé notre premier marché pour la réhabilitation de quatre petits immeubles et une tour à Saint-Pierre-lès-Dax (Landes) à l'été 2014", précise le dirigeant. Une configuration optimale puisque la variété géométrique des bâtiments permettait d'expérimenter divers cas de figure en une seule opération. "Ils ont été rénovés entre la fin de 2015 et la fin de 2016, car le chantier impliquait également des interventions à l'intérieur des logements, pour changer le système de chauffage. Mais la pose des panneaux s'est faite en quelques semaines seulement". Et c'est là un des avantages de la production industrialisée : les nuisances sont limitées sur site et les temps d'intervention ramenés à quelques opérations précises de levage et de fixation. Adieu donc échafaudages et zones de stockage des matériaux.

 

Destiné prioritairement au petit collectif périurbain

 

 

Comme sur les chantiers de construction bois, les éléments arrivent sur des camions et sont assemblés, sans génération de déchets. La fixation s'effectue au moyen de pattes et de patines, tandis que les panneaux peuvent s'empiler facilement en R+2/3. "On peut monter sans souci à R+6/7 avec des fixations complémentaires", fait valoir l'expert. Il note : "Le seul impératif est d'avoir accès à toutes les faces du bâtiment pour que l'engin de levage ou la grue puisse manipuler les panneaux". Une limitation apparaît donc dans le cas de zones urbaines denses, en centre-ville, où l'installation d'un camion-grue sur la chaussée peut être problématique. En revanche, la solution apparaît comme idéale pour du petit collectif de banlieue. "Si l'immeuble est trop 'balconné', il risque de rester des ponts thermiques importants. En général, nous préconisons de déposer les anciens balcons et de venir en rapporter des nouveaux sur des échelles métalliques qui limitent les ponts linéiques", nous détaille Jean-Pierre Loustau.

 

Le procédé, imaginé pour de la rénovation pourrait même être appliqué pour de la construction neuve, afin d'apporter un résultat cohérent. "Les premiers retours d'expérience sont conformes à ce qui était imaginé", se félicite-t-il. "Nous travaillons maintenant sur plusieurs projets en France, en priorité dans le sud-ouest, car nous sommes encore une petite structure et qu'il nous est plus facile de les suivre ainsi. Notre autre priorité sera de se placer auprès des maîtres d'ouvrages publics, à plus long terme". Le président note toutefois que la structuration du marché, en lots séparés, n'est pas favorable à l'activité de Syrthea qui incorpore différentes activités (façades, menuiseries). L'objectif pour la société sera donc de répondre à des procédures dérogatoires en conception-réalisation. Dernière précision de la part du dirigeant : "Nous sommes à la recherche de partenaires financiers pour développer l'entreprise et la solution". Le message est lancé.

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