ANALYSE. Afin de préparer la future réglementation environnementale des bâtiments, attendue pour 2020, une mission interministérielle a étudié l'application réelle de la Réglementation thermique 2012, obligatoire depuis le 1er janvier 2013. Si le constat est globalement satisfaisant, les rapporteurs notent cependant quelques limites et formulent des recommandations pour régler ces points encore non résolus. Découvrez-lesquelles.

Les ministères du Logement et de la Transition écologique ont chargé le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) ainsi que le Conseil général de l'économie de dresser le bilan de la Réglementation thermique de 2012, afin de préparer au mieux la réglementation suivante, dite Réglementation environnementale et prévue pour 2020. Cette "Evaluation de la RT 2012 dans les bâtiments neufs" a été établie par une équipe de quatre personnes qui ont mené des entretiens avec des acteurs de la construction au cours de 2018. Voici ce qu'il en ressort.

 

De nouvelles solutions techniques et une absorption des surcoûts

 

La RT 2012, imposée à tous les bâtiments construits depuis le 1er janvier 2013, est la sixième réglementation thermique décidée en France, depuis le premier choc pétrolier de 1973. Nées de la volonté de réduire les importations énergétiques et d'améliorer l'indépendance du pays, ces réglementations successives ont fait progresser la qualité des bâtiments et des produits de la construction. La dernière en date est grandement inspirée du label "Bâtiment Basse Consommation" (BBC), lancé à la mi-2007 qui concerne pas moins de 150.000 logements. Les auteurs du rapport estiment que "conformément à l'objectif du Grenelle de l'environnement de 2007, la RT 2012 a constitué un saut de performance énergétique considérable". Ils notent toutefois un accroc : les arbitrages finaux ont conduit à fixer des seuils d'exigences moins stricts pour la RT que pour le label volontaire afin de minimiser les risques de surcoûts, qui s'avéraient en fait surévalués. Mais la réglementation thermique comporte des obligations de résultats - en termes de besoins énergétiques, de consommations et de confort d'été - qui se complètent de quelques obligations de moyens sur certains éléments du bâtiment. Elle aurait permis l'émergence de nouvelles solutions techniques telles que les pompes à chaleur en maisons individuelles et tertiaire (restées marginales en logement collectif), les chauffe-eau thermodynamiques et les chaudières gaz à condensation. Le paysage énergétique a donc fortement évolué, avec la disparition d'autres solutions comme les convecteurs et chauffe-eau à effet Joule ou encore le solaire thermique. D'où une forte réduction de la demande d'électricité. Du côté du bâti, les analystes notent que les ponts thermiques de l'enveloppe ont été réduits.

 

Concernant la mise en œuvre de la RT 2012, le rapport fait valoir que "la courbe d'apprentissage des acteurs est satisfaisante en termes de compétences techniques et d'absorption des surcoûts". Et la mission "salue toutes les actions d'information et de formation menées tant par les services de l'Etat que par les représentations professionnelles et institutionnelles", en recommandant même qu'elles soient poursuivies. Quelques points nécessitent toujours une certaine vigilance, telle la coordination entre architectes et thermiciens lors de l'élaboration des projets, la bonne utilisation de la méthode de calcul réglementaire, ou l'application du texte dans le secteur des maisons individuelles diffuses. Le document recommande d'améliorer le contrôle du respect de la RT dans ce secteur en développant "la mesure de la performance intrinsèque" et en la confrontant au modèle calculé. Ce qui conduirait, selon les auteurs, à une meilleure coordination entre les différents corps de métier sur un chantier. Globalement, la mission d'évaluation considère que la mise en application de la RT 2012 et son acceptation sont satisfaisantes.

 

Remettre l'accent sur la conception bioclimatique

 

 

Certaines limites sont apparues que les membres de la mission recommandent d'éviter pour la prochaine réglementation environnementale. Tout d'abord l'écart entre le calcul théorique et la réalité de l'occupation d'un bâtiment. Les auteurs avancent : "Il est essentiel à présent de mieux prendre en compte le comportement et les aspirations des utilisateurs". Pour eux, il ne s'agira pas de les contraindre à un mode d'utilisation défini mais bien de les accompagner dans un usage plus vertueux, en prenant conscience des différents impacts. Les questions du confort et de la santé seront de plus en plus prégnantes, tandis que celle liée à l'environnement devra être davantage évoquée. Pour le futur texte de 2020, ils avancent d'autres propositions. La première est de renforcer l'effort sur le bâti, en particulier grâce à la conception bioclimatique, plus utile dans une optique de durabilité qu'une sophistication à outrance des systèmes embarqués. "Dans la RT 2012, le critère relatif à l'enveloppe du bâtiment et à sa conception était moins exigeant que pour l'obtention du label BBC", relatent les membres de la commission qui avancent l'idée de revenir à ces niveaux d'exigence pour tous les bâtiments neufs. Deuxièmement, ils estiment utile de mieux définir la répartition entre les différentes sources d'énergie, y compris renouvelables. L'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre sera intégré "à condition qu'un retour suffisant ait pu être effectué sur l'expérimentation E+C-". Les rapporteurs pensent nécessaire d'approfondir les modèles de calcul sur le carbone en phase d'exploitation. Et ils conseillent de ne plus faire de distinction entre habitat collectif et maisons individuelles pour fixer des seuils de consommation énergétique. Pour la future RE 2020, l'exigence de résultats devra quasi-intégralement se substituer à l'exigence de moyens, à l'exception de quelques garde-fous. En intégrant les gaz à effet de serre, la santé, le confort, le pilotage actif des équipements et l'accompagnement des usagers, la prochaine réglementation environnementale serait ainsi capable de régler des sujets jusqu'ici non résolus. Des mises à jour des règles de ventilation et de confort d'été seraient notamment nécessaires dans les 2 ans qui viennent.

 

Il est d'ores et déjà prévu que les membres de la mission se lanceront dans une deuxième phase d'étude, qui examinera cette fois les travaux en cours sur la rédaction de la future réglementation. Ils recommandent d'ailleurs "très vivement de prendre le temps nécessaire pour l'élaborer". Seront-ils écoutés ?

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