GRAND DEBAT. Artisans, PME, collectivités, ONG... Plusieurs acteurs du secteur de la construction ont réagi aux annonces du président de la République à l'issue du grand débat.

Emmanuel Macron a finalement annoncé ses décisions à l'issue du grand débat, ce 25 avril 2019. En ce qui concerne le secteur de la construction, se dessine une décentralisation de la politique du logement, et du côté de la transition énergétique une réflexion sur les aides financières aux travaux qui sera menée par 150 citoyens tirés au sort.

 

Comment les acteurs de l'immobilier et du BTP ont-il reçu ces pistes ouvertes ? L'Union des entreprises de proximité évoque, dans un communiqué de presse, le manque de "contours précis" des mesures évoquées. Mais invite le président "à prendre avec le Gouvernement les décisions adaptées aux entreprises de proximité, de sorte que cette économie du quotidien puisse apporter toute sa richesse au pays, en termes de développement économique, de cohésion sociale, d'aménagement du territoire et d'emploi". C'est également sur la question des retraites que les artisans espèrent voir une évolution - un point abordé par le président dans son intervention. "Le Président de la République a garanti que le niveau de retraite des artisans, commerçants et professionnels libéraux serait plus élevé que le minimum vieillesse, il répond ainsi à une demande de justice formulée par ces chefs d'entreprise."

 

"A croire que le ras-le-bol fiscal des artisans, TPE et PME n'a pas été entendu !"

 

Certains points ont toutefois manqué, pour l'U2P : "le chef de l'État n'a malheureusement pas évoqué la question des inégalités de traitement qui perdurent entre entreprises et des concurrences déloyales qui freinent le développement d'une bonne partie d'entre elles".

 

 

La Confédération des PME s'inquiète pour sa part de l'annonce de suppression des niches fiscales. "A croire que le ras-le-bol fiscal des artisans, TPE et PME n'a pas été entendu !", regrette-t-elle. Mais l'organisation se félicite de l'annonce d'une nouvelle étape de décentralisation. "Toutefois, cela devra se traduire par une diminution du mille-feuille administratif et une baisse de la fiscalité locale. À ce stade rien n'est moins sûr."

Un référendum sur la transition énergétique d'ici à la fin 2019 ?

Le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, est revenu le 26 avril sur Cnews sur les annonces du Président. "Cette convention constituée de citoyens tirés au sort va faire des propositions de choix au sujet de l'écologie, des moyens, des mesures législatives, réglementaires, par exemple pour le chauffage et l'énergie dans le logement", a-t-il précisé. "Ces propositions seront faites dans six mois. Elles seront soumises au Parlement ou à référendum. L'écologie est même le seul sujet sur lequel il pourrait y avoir un référendum." Le ministre a par ailleurs ajouté : "Les solutions, on les a. Maintenant il s'agit d'entraîner les citoyens." Le ministre d'État a également rappelé que le projet de loi Climat et énergie serait présenté au prochain conseil des ministres.

 

Logement, grand absent ?

 

En matière de logement aussi, les annonces restent vagues et laissent à certains le sentiment que le sujet est un grand absent de la consultation nationale. Si les niches fiscales aux particuliers sont préservées, au profit des propriétaires notamment, les annonces présidentielles ne font aucune mention de mesures à destination des locataires.

 

Un constat que regrette la Confédération générale du logement (CGL) qui, dans un communiqué, fustige le silence du président Macron sur ce thème. Et de dresser la liste des griefs à l'encontre de la politique du logement menée depuis 2017: "Les coupes budgétaires (qui) se multiplient" sur les APL, "un recul des droits des locataires", ou encore le peu d'ambition gouvernementale sur l'encadrement des loyers.

"Où met-on le niveau de décentralisation ? À la Région ? L'EPCI ? La mairie ?"

 

Du côté de LCA-FFB, "il faut encore voir comment tout cela sera mis en œuvre, mais si la décentralisation signifie que les élus pourront mener leur politique du logement comme bon leur semble, cela risque d'être compliqué notamment dans les territoires à forte tension", commente Grégory Monod, président de LCA-FFB. "Pour les élus de zones dites détendues, cela peut être un levier intéressant s'ils ont besoin de faire venir de nouvelles populations survivre leur territoire." Pour le patron des constructeurs-aménageurs, "l'État doit avoir un droit de regard car il est un peu le gardien du temple". "Et puis où met-on le niveau de décentralisation ? À la Région ? L'EPCI ? La mairie ?"

 

De nouvelles responsabilités, sans taxe d'habitation

 

Et que pensent les principaux concernés d'un nouvel acte de décentralisation, les élus ? Malmenés en début de mandat par la suppression progressive de la taxe d'habitation et la disparition des contrats aidés, ils sont désormais érigés en "bâtisseurs".

 

"Les maires sont le visage de la République", a ainsi scandé le président de la République, à ceux qui se verront accorder de nouvelles responsabilités. Les élus locaux ne pouvaient que se réjouir d'une nouvelle "décentralisation", et attendent désormais que "les annonces (...) soient maintenant étroitement concertées", comme l'affirme l'association Villes de France dans un communiqué.

 

L'organisation qui représente les villes de 10.000 à 100.000 habitants dit attendre des "moyens" et "un cadre d'intervention" mais surtout, un "scénario de remplacement de la taxe d'habitation qui représente 20 milliards d'euros soit le tiers des recettes fiscales du bloc communales".

 


Le volet transition énergétique ne convainc pas les ONG

"Organiser une nouvelle consultation [pour la transition énergétique] ressemble à un aveu d'échec du grand débat (précédé lui-même par une consultation sur le plan de rénovation énergétique des bâtiments), alors que les solutions sont connues depuis des années et les bonnes propositions nombreuses", réagit Romain Riollet, du Cler, contacté par Batiactu. "Nous ne remettons pas en cause la compétence des citoyens tirés au sort : un premier panel avait d'ailleurs donné des orientations très claires et cohérentes avec nos propres recommandations lors de la préparation du projet de PPE (fiscalité environnementale à condition qu'elle permette de mettre des mesures concrètes en place pour la transition). Mais elles n'ont pas été écoutées et cela a débouché sur le mouvement des gilet jaunes."

 

L'ONG France nature environnement (FNE) n'a pas été non plus convaincue par les annonces du président en matière de transition énergétique. "Une énième consultation ne permettra pas de faire face à la crise environnementale", estime-t-elle. "Si Emmanuel Macron a salué l'apport du tissu associatif, notre fédération reste vigilante sur la mise en œuvre de ce volet. [...] Le Président de la République a également annoncé la création d'un Conseil de défense écologique... alors qu'il a lui-même créé, il y a quelques mois, un Haut-Conseil pour le Climat, dont on attend toujours les résultats." Le discours d'Emmanuel Macron aurait également manqué les sujets de "transition énergétique, transition agro-alimentaire, biodiversité, océans, pollution...".

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