RAPPORT. Dans son édition 2019, le rapport du Programme des Nations-Unies pour l'environnement (PNUE) sur les émissions polluantes affirme que les températures planétaires vont augmenter de 3,2°C d'ici la fin du siècle, même si l'Accord de Paris est respecté. Pour limiter la hausse du réchauffement à 1,5°C, l'Humanité devrait réduire ses émissions de 7,6% par an d'ici 2030, soit une baisse de 32 gigatonnes d'équivalent CO2.

Les scénarios deviennent de plus en plus pessimistes au fil des mois. Dans son édition 2019, le rapport du Programme des Nations-Unies pour l'environnement (PNUE) sur les émissions polluantes se montre particulièrement alarmiste : si les pays du monde ne diminuent pas leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) de 7,6% par an entre 2020 et 2030, le réchauffement du globe dépassera la hausse limite établie par l'Accord de Paris, soit 1,5°C. Mais le constat s'avère tout aussi sombre si les gouvernements respectent leurs engagements respectifs pris dans le cadre de cet Accord : les températures augmenteront alors tout de même de 3,2°C. Pour la branche de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) dédiée au changement climatique, les efforts actuels doivent être quintuplés pour espérer respecter l'Accord de Paris.

 

 

Le fatalisme semble l'emporter progressivement face à l'absence de réponse collective forte : "Depuis 10 ans, le rapport sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions tire la sonnette d'alarme, et depuis 10 ans, le monde n'a fait qu'augmenter le volume de ses émissions", a déploré le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres. "Il n'y a jamais eu de moment plus important pour écouter la science. Ne pas tenir compte de ces avertissements et prendre des mesures drastiques pour inverser les émissions implique que nous continuerons d'être témoins de vagues de chaleur mortelles et catastrophiques, de tempêtes et de pollution." Selon le rapport du PNUE, les émissions de GES ont progressé de 1,5% par an durant ces 10 dernières années. En 2018, elles ont atteint un nouveau record : 55,3 gigatonnes d'équivalent CO2.

 

Des engagements à revoir "considérablement" à la hausse

 

Les 20 pays les plus développés du monde, réunis sous le sigle G20, représentent à eux seuls 78% du total des émissions de GES. Or, seulement 5 d'entre eux ont pris un engagement pour atteindre un objectif de zéro émission à long terme. Au total et à cette date, 71 pays et 11 territoires, représentant 15% des émissions mondiales de GES, s'inscrivent dans ces stratégies de développement durable et de transition énergétique. Et sur le court terme, les pays développés vont devoir assumer une baisse rapide de leurs émissions par rapport aux pays en développement, "pour des raisons de justice et d'équité", d'après le PNUE. Mais l'effort doit être universel, et les pays en développement peuvent également tirer les enseignements des stratégies mises en place par les pays développés, et opter pour des technologies plus rapides et plus efficaces. D'une manière générale, tous les gouvernements du monde seront dans l'obligation de revoir "considérablement" à la hausse l'ambition de leurs engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris, car les solutions pour atteindre ces objectifs "ne sont pas déployées assez rapidement ni développées à une échelle suffisamment importante".

 


Les bons et les moins bons élèves

 

D'après le rapport 2019 du PNUE sur les émissions de GES, certains Etats se démarquent par leur politique ambitieuse de développement durable et de transition énergétique, tandis que d'autres sont à la traîne.

 

Au sein du G20, la France et le Royaume-Uni font office de bons élèves, avec des législations adoptées et en cours d'application. L'Allemagne et l'Italie sont également sur la bonne voie mais doivent encore ratifier des textes législatifs adaptés. Cependant, 15 pays membres du G20 ne se sont toujours pas fixé d'objectifs zéro émission.

 

Les 4 plus gros pollueurs de ces 10 dernières années sont l'Union européenne, les Etats-Unis d'Amérique, la Chine et l'Inde, pesant pour 55% des émissions mondiales de GES. L'Empire du Milieu mène toutefois une politique incitative visant à développer les énergies renouvelables sur son territoire, l'éolien et le solaire ayant le vent en poupe. Outre-Atlantique, il faut noter que 6 Etats sur les 50 qui constituent les USA ont adopté des législations visant 100% d'énergie propre à l'horizon 2045 ou 2050. De même, une centaine d'agglomérations étasuniennes se sont fixées des objectifs similaires. En Inde, où les épisodes de forte pollution empoisonnent régulièrement les atmosphères des villes, les pouvoirs publics tentent de développer le segment du véhicule électrique.

 

Avec des parts respectives de 4,8% et 2,7% dans le total des émissions de GES, la Russie et le Japon font partie des autres principaux pollueurs. Si l'on prend en compte les émissions dues au déboisement et au remembrement foncier, le Brésil rejoint aussi ce groupe.

 

Enfin, les projections sur les émissions à horizon 2030 montrent que l'Arabie Saoudite, l'Australie et le Canada devront également réduire leurs émissions.

 


"Notre incapacité collective à agir rapidement et à redoubler d'efforts pour lutter contre le changement climatique implique que nous devons maintenant réduire considérablement nos émissions, à hauteur de plus de 7% par an, si nous les répartissons de manière équilibrée au cours de la prochaine décennie", avance la directrice exécutive du PNUE, Inger Andersen. "Il est crucial que nous apprenions de nos atermoiements. Tout retard supplémentaire entraîne la nécessité de réductions plus importantes, plus coûteuses et, franchement, peu probables. Nous avons besoin de succès rapides alors que nous mettons en route les transformations sociétales radicales exigées par le changement climatique, autrement l'objectif des 1,5°C énoncé par l'Accord de Paris sera hors de portée", a-t-elle ajouté.

 

 

Pour atteindre les limites imposées par l'Accord de Paris, les émissions annuelles de GES devront être inférieures de 15 gigatonnes d'équivalent CO2 aux engagements actuels dans le scénario +2°C, et de 32 gigatonnes dans le scénario +1,5°C. Ramenées à l'échelle d'une année, ces réductions seraient de l'ordre de 2,7% par an sur la période 2020-2030 dans le scénario +2°C, et de 7,6% par an dans le scénario +1,5°C. Concrètement, les Etats doivent tripler leurs efforts dans le scénario +2°C, et les quintupler dans le scénario +1,5°C.

 

Le secteur de l'énergie est à transformer en priorité

 

En dépit de ce constat plutôt alarmant, les spécialistes du climat et de l'environnement maintiennent une certaine confiance dans la capacité des pays à se retourner face au danger : "La transformation commence petit à petit mais prend rapidement de l'ampleur", juge Niklas Höhne, fondateur associé du New Climate Institute. "Nous constatons que dans tous les domaines, certains acteurs prennent des mesures véritablement ambitieuses. Par exemple, les objectifs zéro émission et les objectifs 100% d'énergies renouvelables se répandent rapidement, et les engagements en faveur d'émissions nulles dans l'industrie lourde ont commencé à apparaître alors qu'ils étaient impensables il y a encore quelques années seulement."

 

Au premier plan des secteurs d'activité à métamorphoser radicalement, on retrouve bien sûr l'énergie, et plus précisément la production d'électricité. Alors que plusieurs organisations internationales se sont penchées sur le sujet, appelant même parfois à une "grande coalition" sur les enjeux énergétiques, et que nombre de pays, parmi lesquels la France, travaillent à la diversification de leur mix énergétique, les premiers résultats commencent à se voir : "[…] il est très troublant de constater que, malgré les nombreux avertissements, les émissions mondiales ont continué d'augmenter et ne semblent pas être en passe d'atteindre de plafond dans l'immédiat", relève le directeur du partenariat PNUE/DTU, John Christensen. "Les réductions requises ne peuvent être obtenues qu'en transformant le secteur de l'énergie. La bonne nouvelle, c'est que l'éolien et le solaire sont devenus dans la plupart des endroits la source d'électricité la moins chère. Le principal défi consiste maintenant à concevoir et à mettre en œuvre un système électrique intégré et décentralisé."

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