TEMOIGNAGES. Alors qu'une campagne de communication en faveur de la reprise et de la transmission d'entreprise vient d'être lancée par le Gouvernement, nous avons recueilli les témoignages d'un cédant et d'un repreneur pour connaître les difficultés qu'ils rencontrent.

Selon le ministère chargé du Commerce et de l'Artisanat, chaque année, plus de 100.000 entreprises pourraient être cédées mais seulement 60.000 sont effectivement transmises. Une situation qui concerne particulièrement les TPE. Il y a donc "une grande marge de progression", note le ministère. A l'occasion du salon SME, qui se tient actuellement à Paris, Martine Pinville a lancé, ce mercredi, une campagne de communication sur la transmission-reprise. L'objectif est d'inciter "les cédants à préparer la transmission de leur entreprise plusieurs années à l'avance" mais aussi de "donner l'envie aux porteurs de projets entrepreneuriaux de reprendre une entreprise et de se faire accompagner pour mener à bien leur projet".

 

 

Aujourd'hui, de nombreuses mesures ont été mises en place pour faciliter la création d'entreprise. Pourtant, la transmission-reprise constitue un enjeu majeur en termes d'emplois et d'activité économique. "Nous voulons changer les mentalités, éveiller les consciences" a indiqué la secrétaire d'Etat "car dans le cas des reprises, les employeurs et salariés sont directement pénalisés par un manque d'information sur les dispositifs de transmission-reprise, ou lorsqu'ils le sont, attendent en vain le dernier moment pour le mettre en œuvre", a-t-elle poursuivi.

 

A quelles difficultés, les cédants et les repreneurs sont-ils confrontés aujourd'hui ? Pour le savoir, nous avons contacté Pierre, repreneur d'une entreprise de menuiserie et Thierry Ducros qui cèdent actuellement ces entreprises de menuiserie et qui est aussi chargé de la transmission d'entreprise au sein de la FFB.

 

Anticiper et se préparer

 

Pour les cédants, il est important d'anticiper la reprise de leur activité. C'est en tout cas, ce que fait Thierry Ducros. Depuis 2012, il prépare la transmission de son entreprise en formant et accompagnant l'un de ses proches jusqu'en 2017. "Depuis la signature du protocole de vente, les responsabilités ont été clairement définies car il est essentiel, pour le repreneur, d'asseoir son autorité et sa crédibilité auprès du personnel", tient-il à préciser.

 

Mais avant de savoir passer les rênes, il faut s'être préparé. Lorsque Pierre a repris son entreprise, il était prévu qu'il soit associé au cédant, le temps d'être accompagné dans cette nouvelle aventure. Mais, il ne "s'attendait pas à ce que cette période dure si longtemps". Le cédant ayant "du mal à lâcher son bébé". Ce genre d'histoire n'est pas rare, nous confie Thierry Ducros, "c'est pourquoi il faut que les cédants soient préparés et accompagnés". Il souhaite donc que les chefs d'entreprises, à partir de 55 ans par exemple, soient sensibilisés à la transmission de leur entreprise. La céder ne se fait pas en un jour, c'est une démarche de long terme. "L'objectif est de faire sortir les cédants du bois", lance-t-il et de leur aider à anticiper.

 

Le marché caché

 

Inciter les cédants à se faire connaître, c'est aussi l'un des nerfs de la guerre. Lorsque Pierre a voulu reprendre une entreprise, il a été confronté à une première difficulté : "le marché caché". S'il existe bien des annonces d'entreprises à reprendre, beaucoup d'autres n'y figurent pas. La raison ? Pierre et Thierry Ducros la justifie simplement. Si un entrepreneur fait savoir qu'il veut céder son entreprise, la concurrence saute sur l'occasion pour lui nuire et récupérer des marchés. Autres conséquences : les salariés sont inquiets et les clients deviennent méfiants. Trois bonnes raisons qui n'incitent pas les cédants à se faire connaître. Mais alors comment faire ?

 

Préserver la confidentialité

 

Le rapport de la députée Fanny Dombre-Coste, sur la reprise et transmission d'entreprise, préconise de simplifier la démarche de transmission. Thierry Ducros souhaiterait lui que les cédants aient un interlocuteur unique, qui se trouverait à la chambre du commerce ou des métiers, par exemple. Ce dernier pourrait proposer des pistes au cédant pour l'aider à préparer on entreprise à la vente, à trouver un repreneur et à se préparer financièrement (et psychologiquement) à l'après-vente. Mais si de nombreuses TPE ne sont pas reprises, c'est peut-être aussi parce que les cédants ont une crainte : "que la cession soit mal interprétée", estime Thierry Ducros. On en revient à ce qui était évoqué précédemment, quand une entreprise annonce qu'elle va être reprise, "les rumeurs" peuvent lui être néfastes. "La notion de confidentialité doit être préservée" parce que c'est "un frein" aujourd'hui pour les cédants, explique Thierry Ducros.

 

Accompagner les deux parties

 

 

Que ce soit pour les cédants ou les repreneurs, l'accompagnement est un élément essentiel. "Surtout ne jamais rester seul", recommande Thierry Ducros aux repreneurs pour qui il est primordial qu'ils "échangent en permanence sur leur problématique et leur expérience". Un travail d'accompagnement est bien entendu aussi à mener auprès des cédants et de leurs salariés pour que la reprise se passe en toute sérénité. D'ailleurs, depuis octobre 2015, le ministère de l'Economie a confié aux préfets de région la mise en place de réseaux notamment chargés d'élaborer un plan de détection des cédants et un parcours d'accompagnement pour les repreneurs. "Nous voulons inciter les cédants et les repreneurs potentiels de TPE à passer à l'acte", a conclu Martine Pinville, ce mercredi, lors du lancement de la campagne en faveur de la transmission-reprise.

 


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