CORONAVIRUS. Alors que sa publication était espérée depuis une semaine, le guide de préconisations réalisé par l'OPPBTP qui doit permettre à l'activité du secteur de reprendre partiellement, tout en assurant la sécurité des salariés, a été validé par le gouvernement et a été rendu public ce 2 avril 2020.

L'épisode aura duré plus longtemps qu'espéré, mais le suspens a touché à sa fin ce 2 avril. Un peu plus de deux semaines de négociations auront été nécessaires entre le gouvernement et le secteur de la construction pour s'accorder sur les termes des conditions de reprise des chantiers. Formalisées dans un "guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction", elles ont été rédigées par l'OPPBTP, organisme paritaire, et ont été publiées ce 2 avril en soirée (cliquez ici pour accéder au guide). "Entreprises, respectez strictement ces préconisations pendant toute la période de confinement décidée par les autorités et, à défaut de pouvoir le faire, stoppez votre activité", alerte l'organisme professionnel de prévention du secteur.

 

Un document validé par les ministères

 

Dans la soirée du 2 avril, un communiqué de presse commun des organisations patronales du BTP (FFB, FNTP, Capeb, Scop-BTP) avait annoncé qu'un accord avait été trouvé entre le patronat et les pouvoirs publics. Le document a ainsi été validé par les ministères compétents, à savoir ceux du Travail et de la Santé [en date du 3 avril 2020, un seul syndicat de salariés a validé le guide, il s'agit de la FNCB-CFDT, NDLR].

 

L'affaire avait commencé mi-mars : FFB, Capeb et FNTP s'unissaient pour demander un arrêt provisoire des chantiers de 15 jours. Le but : préparer les conditions suffisantes permettant d'envisager une reprise du travail en toute sécurité, dans un contexte où l'épidémie de covid-19 n'avait pas encore atteint son pic et où une partie de l'activité économique du pays s'était brutalement arrêtée, du fait du confinement. Le gouvernement avait alors refusé catégoriquement cette demande, plongeant le secteur dans une période de flou, d'incompréhension et parfois de colère.

 

 

Le 21 mars, un accord était annoncé avec l'Etat, édifiant notamment comme préalable à toute reprise de l'activité la conception et la validation d'un guide de bonnes pratiques. Les professionnels espéraient alors une publication rapide de ce document, afin d'organiser une reprise partielle avant la fin mars. De péripéties en reports, le délai espéré n'a pas été tenu, et l'impatience a commencé à gagner les rangs du secteur. Jusqu'à ce 2 avril, lorsque pouvoirs publics et organisations professionnelles se mettent enfin d'accord sur une version du document.

 

Validation par les ministères

 

En début de soirée du 2 avril 2020, la FFB, la Capeb, la FNTP et la fédération Scop BTP ont donc annoncé sa validation dans un communiqué commun, "par le ministère du Travail et le ministère des Solidarités et de la Santé". Le guide doit être diffusé dans la foulée à leurs adhérents, et dès que possible "dans toutes les entreprises de toutes tailles du bâtiment et des travaux publics".

Sécurité des salariés, la "priorité absolue"

 

"Pour les organisations professionnelles du bâtiment et des Travaux Publics, face à la soudaineté et à l'ampleur exceptionnelle de la crise sanitaire actuelle, la protection des salariés est une priorité absolue", insistent les organisations professionnelles. Ce qui passe impérativement par "des conditions sécurisées tant à l'égard des entreprises que des salariés pour assurer leur sécurité, leur santé et leur intégrité".

 

 

Le document détaille ces "conditions sanitaires satisfaisantes et les procédures précises à adopter, notamment dans le cadre du dialogue social", afin de pouvoir retourner sur les chantiers, en toute confiance. La reprise sera progressive, préviennent-elles également. Elle concernera au départ les "activités essentielles" avant d'être étendue "à l'ensemble des activités en fonction de l'évolution de la situation sanitaire et des particularités locales".

 

Des limites déjà pointées

 

Mais à peine sorti, le guide suscite déjà plusieurs remarques. En premier lieu, certains acteurs regrettent qu'il ne soit pas le fruit d'un travail plus collaboratif, prenant véritablement en considération le point de vue de l'ensemble des métiers de la filière (lire réaction ci-après).

 

La voix de l'ingénierie pas prise en compte

 

Malgré des tentatives de dialogue, notamment au sein Conseil supérieur de la construction, la maîtrise d'œuvre ne semble toujours pas suffisamment associée à l'élaboration du guide de préconisations rédigé par l'OPPBTP. C'est en tout cas le sentiment qui persiste chez certains acteurs, comme la fédération Cinov.

 

"Le guide n'a été rédigé qu'avec une partie des acteurs du secteur seulement [FFB, Capeb et FNTP, NDLR]. Or, sur un chantier, il n'y a pas que des entreprises de travaux. Les préoccupations et les besoins de la maîtrise d'ouvrage, de la maîtrise d'œuvre, de l'assistance à maîtrise d'ouvrage ne nous semblent pas être pris suffisamment en compte", déplore ainsi Damien Racle, administrateur de Cinov ingénierie, qui estime que le guide n'est pas applicable en l'état.

 

Cinov ne met pas en cause l'utilité du guide, au contraire, "c'est une vraie bonne idée", renchérit Damien Racle. Mais selon lui, il s'agit malgré tout d'une "occasion ratée. Nous aurions pu avoir un vrai document de référence, qui permette à tous de reprendre le travail" dans de bonnes conditions, tout en s'appropriant des consignes adaptées. "Pour que les conditions de la reprise soient réunies, il aurait fallu que tout le monde puisse s'exprimer, par le biais d'une concertation de l'ensemble des fédérations. Nous avons toutes travaillé sur le sujet. Il suffisait seulement de formaliser les idées collectivement pour réaliser un guide de référence, pour être sûrs que tout le monde parle le même langage sur un chantier."

 

Quid des masques de protection ?

 

Autre difficulté : le guide n'a pas non plus été rédigé en association avec l'inspection du travail, l'INRS ou les Carsat, dont les recommandations peuvent être différentes, notamment concernant l'utilisation systématique ou non des masques - équipements qui, comme on sait, sont en situation de pénurie actuellement, le BTP n'étant pas prioritaire compte tenu de la situation dans les hôpitaux. Bien que les protocoles soient validés par les ministères de la Santé et du Travail, la question se pose quant à leur diffusion et leur prise en compte par ces différents organismes.

 

Déclinaisons par métier

 

Si le guide réalisé par l'OPPBTP présente des mesures générales, les fédérations devraient le compléter, dans les tous prochains jours, par des déclinaisons par métier. Dans cette optique pourraient aussi être ajoutées des consignes particulières et des fiches pratiques concernant plus spécifiquement la maîtrise d'œuvre, les coordonnateurs SPS, ou encore la maîtrise d'ouvrage.

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