COMMISSION EUROPÉENNE. Alors que Bruxelles travaille à une révision du règlement européen sur les produits de construction, les organisations professionnelles du BTP ne sont pas sereines. Si elles reconnaissent la nécessité de modifier le texte, elles estiment que la proposition de révision actuelle n'apporte pas les solutions espérées. Pire : elle représenterait même une "catastrophe" pour le TPE et PME.

La Fédération française du Bâtiment avait déjà sonné l'alerte fin septembre. La Fédération nationale des Travaux publics se joint désormais à elle, pour dénoncer les potentielles menaces que représente la proposition de révision du règlement européen sur les produits de construction (RPC), les deux organisations professionnelles ayant même écrit ensemble au gouvernement à ce sujet.

 

Petit retour en arrière : la Commission européenne a proposé en mars 2022 de réviser le règlement sur la commercialisation des produits de construction (UE/305/2011). Sur le principe, les fédérations sont loin d'être contre. Comme elles le rappellent dans leur courrier commun au Gouvernement [que Batiactu a consulté], elles estiment en effet que le texte actuel "présente de nombreuses lacunes pointées depuis des années par le secteur de la construction".

 

 

Une disposition "inutile" et "inconsidérée"

 

Parmi elles : "manque de clarté sur le champ d'application et la signification du marquage CE", "complexité des normes harmonisées" ou encore blocage d'une centaine de normes "dans le processus de normalisation, parfois depuis plus de dix ans, pour des questions purement juridiques liées au RPC". Le souci, dénoncent-elles, c'est que la proposition est loin d'être à la hauteur des enjeux.

 

Tout d'abord car elle "ne répond à aucun des problèmes identifiés ni aux souhaits de clarification et de simplification portés depuis des années par l'ensemble des acteurs", poursuivent-elles. Mais pire encore, l'extension du marquage CE aux contrats de travaux est à la fois "inutile" et "inconsidérée" selon elles.

 

"Insupportable" pour les TPE et PME

 

Cette disposition, initialement conçue pour l'industrie, ajouterait des contraintes réglementaires, administratives et financières pour les entreprises du BTP. De nouveaux bâtons dans les roues du secteur qui pourraient même être "insupportables" pour les TPE et PME européennes.

 

Si bien que la FNTP craint "une catastrophe" pour ces entreprises, évoquant une "folie bureaucratique". La menace est d'autant plus grande que le contexte met déjà les TPE-PME "à rude épreuve", du fait de la succession des crises (sanitaire, inflationniste, énergétique) qui "grignotent de plus en plus les trésoreries".

 

Entraves multiples

 

Dans les travaux publics, la proposition de révision pourrait notamment "freiner les efforts du secteur […] pour mieux valoriser l'ensemble des matériaux fabriqués ou réemployés sur site, dès lors qu'ils seront soumis aux mêmes prescriptions que les produits neufs", explique l'organisation professionnelle. Dans le bâtiment, elle remettrait notamment en cause "les modalités françaises d'évaluation de la performance environnementale des produits, qui constituent l'un des piliers de la RE2020".

 

En somme, l'adoption en l'état du texte "entraverait inévitablement les efforts engagés par le secteur [du BTP] en matière de transition écologique, d'adaptation au changement climatique et d'innovation", soulignent les deux partenaires, dont le point de vue est aussi partagé par la fédération européenne de la construction (la FIEC) et les fédérations allemandes.

 

"Ce que l'Europe peut faire de pire"

 

Les deux principales organisations professionnelles du bâtiment et des travaux publics françaises comptent ainsi sur le soutien du Gouvernement et sur son intervention "pour que ce projet de règlement soit profondément amendé, avant qu'il ne soit trop tard", alerte le président de la FNTP Bruno Cavagné. Car selon lui, "nous sommes confrontés à ce que l'Europe peut faire de pire", à savoir "produire des normes impraticables par pur dogmatisme, sans aucun souci des conséquences sur les tissus économiques des secteurs concernés".

 

Interrogé par Batiactu à l'occasion des 24 heures du Bâtiment, le 18 novembre 2022, le président de la FFB, Olivier Salleron, a aussi vivement réagi à cette potentielle menace : "il est hors de question que nos entreprises subissent des normes européennes de ce type". Car pour lui, "faire peser cette contrainte sur nos TPE-PME qui ont une activité de fabrication bloquera leur activité. Cela ne bénéficiera qu'aux grands groupes et grands industriels du secteur du bâtiment".

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