En guise de réponse aux voix qui s'élèvent pour critiquer le projet de réforme de la loi de 1977 sur l'architecture, l'Ordre des architectes a rédigé une note interne en 6 points sur les aspects essentiels de ce projet pour la profession. En voici l'intégralité.

L'obligation de recours à l'architecte et la question du seuil

La loi du 3 janvier 1977 pose en son article 3 le principe du recours obligatoire à l'architecte pour l'établissement du projet architectural faisant l'objet d'une demande de permis de construire.
L'intervention de l'architecte est obligatoire à compter d'un seuil de surface fixé par le décret du 3 mars 1977 à 170m² SHON pour les bâtiments non agricoles et 800m² pour les bâtiments agricoles.
C'est donc bien la loi qui a fixé le principe de l'obligation de recourir à l'architecte. Le seuil d'intervention ayant été fixé par décret.

Le projet de réforme fixe ce seuil à 20 m² dans la loi.
Les raisons :
1 : qualité et respect de l'environnement : la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture considérait déjà le cadre de vie comme étant d'intérêt public (la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans l'environnement, le respect des sites, le respect des paysages naturels et urbains)
2 : sécurité pour le consommateur qui traite avec un professionnel qualifié et reconnu compétent tant au niveau de la conception que pour la conduite du chantier
3 : le surcoût induit par le recours obligatoire à l'architecte dès 20m² est un faux problème :
- les honoraires de l'architecte sont transparents alors que la marge du constructeur de maison individuelle n'apparaît pas dans le prix global ;
- En outre, le coût moyen de la maîtrise d'oeuvre ne dépasse pas en moyenne 8% d'honoraires pour l'architecte (alors que normalement il devrait être de l'ordre de 10 à 15%) quand dans le même temps ceux déclarés chez les constructeurs de maisons individuelles varient entre 20 et 25% (marge brute)
- De plus les économies d'échelle que réaliseraient les architectes s'ils bénéficiaient d'un marché plus étendu baisserait encore le coût de leurs honoraires
- Enfin, l'utilisation d'un architecte assure au particulier une véritable mise en concurrence des fournisseurs ce qui est un autre facteur de baisse du coût à prendre en compte pour comparer avec la situation actuelle
- Pour ces 3 raisons et indépendamment des considérations de sécurité pour le consommateur, de qualité de l'environnement pour la collectivité, cette mesure ne peut être considérée comme inflationniste.
4 : Faut-il rappeler que l'utilisation obligatoire d'un architecte à partir de 20m² réduira considérablement la possibilité d'utilisation du travail au noir dans le secteur du bâtiment ?

La mission de l'architecte : Ouvrir et diversifier le champ d'intervention de l'architecte

A : Pour une mission globale déconnectée de l'autorisation administrative de construire

Dans la loi du 3 janvier 1977, la mission obligatoire de l'architecte consiste à établir le projet architectural (équivalent à un avant-projet sommaire) qui fait l'objet de la demande de permis.

Au delà, même si traditionnellement le maître d'ouvrage fait appel à l'architecte, le recours n'est pas obligatoire.

Ce que l'ordre (et d'une manière générale, la profession) demande c'est que la mission de l'architecte comprenne la conception (étant entendu que la phase permis, n'est elle-même qu'une partie de la phase conception) et l'exécution des travaux, à l'instar d'ailleurs de ce qui se passe pour les marchés publics, dans le cadre de la loi MOP.
Pour les marchés publics, la mission obligatoire de l'équipe de maîtrise d'oeuvre est une mission de base qui va de la conception à la réception des travaux.
L'ordre prévoit ainsi dans ses propositions une mission globale de l'architecte, interlocuteur unique du maître d'ouvrage, avec possibilité de co-traiter ou sous-traiter certains éléments de cette mission globale à des professionnels compétents.
Il faut ajouter que l'attestation de conformité de l'oeuvre existe dans tous les cas, alors que l'architecte n'est pas nécessairement appelé pour l'exécution des travaux et ne dispose donc pas toujours des moyens lui permettant de signer cette attestation. Cela pose des problèmes en terme de responsabilité et en terme de protection du consommateur.

Enfin, que se passerait-il en cas de suppression du permis de construire ?

B : Missions de réhabilitation

Les opérations de réhabilitation peuvent, si elles sont menées sans précaution, conduire à des aberrations en matière de protection du patrimoine ou laisser subsister des situations non conformes à la législation relative à la sécurité des personnes, d'accessibilité et de salubrité. Il convient donc que ces opérations soient précédées d'un diagnostic établi par un architecte.
C'est un plus pour l'utilisateur
De même, dans le même esprit de préservation de l'environnement bâti, il convient que les demandes de permis de démolir soient précédées d'une étude réalisée par un architecte.

Sociétés d'architecture : Donner des outils aux architectes pour mieux répondre à la demande des usagers

Dans le cadre de la loi de 77, les architectes peuvent exercer en SCP, SARL, SA et SCOP.
Ils peuvent aussi, dans le cadre de la loi de 90 constituer des SELARL ou SELAFA (ces dernières n'ont d'ailleurs guère de succès pour des raisons évidentes de responsabilité.)
Les conditions sont les suivantes :
- les sociétés d'architecture ne sont composées que de personnes physiques
- aucun des associés ne peut détenir plus de 50% du capital, mais les architectes doivent détenir plus de 50% du capital social
- le président du CA, le directeur général s'il est unique, la moitié au moins des directeurs généraux, des membres du directoire et des gérants, ainsi que la majorité au moins des membres du CA et du conseil de surveillance doivent être architectes.

Les sociétés sont inscrites à l'ordre, elles exercent la profession d'architecte. Si elles sont donc, pour certaines, une forme commerciale, leur objet reste civil.

Le projet de l'ordre qui prend en compte toutes les formes de sociétés existantes, vise à permettre aux architectes de développer leur outil de production tout en gardant le contrôle :
- les sociétés d'architecture peuvent être composées de personnes morales
- Plus de la moitié du capital doit être détenu par ou des architectes ou sociétés d'architecture (un seul architecte ou société d'architecture peut détenir plus de la moitié du capital), le reste du capital pouvant être détenu par d'autres personnes physiques ou morales (BET., banques, sociétés d'assurance)
- le président du CA, le directeur général s'il est unique, la moitié au moins des directeurs généraux, des membres du directoire et des gérants, ainsi que la majorité au moins des membres du CA et du conseil de surveillance doivent être architectes.
L'élargissement de l'objet des sociétés, l'ouverture de leur capital aux personnes morales et les conditions de répartition de ce capital (les architectes ou les sociétés d'architecture restent majoritaires) permettront la constitution de groupements sous forme de holding.

Enfin, le projet prévoit une dérogation aux dispositions du code du commerce pour permettre aux jeunes architectes de s'intégrer très rapidement dans la vie professionnelle en participant au fonctionnement de la société puisqu'ils pourront en devenir tout de suite administrateurs, sous la réserve d'un nombre minimal de parts.
En outre et à l'image de ce qui existe déjà pour d'autres professions réglementées (commissaires aux comptes, experts comptables) cette dérogation a pour objet de permettre aux architectes d'être administrateurs de plusieurs sociétés et de les mettre en réseau, ce qui est facteur de modernité et de développement.

L'institution : pour un renforcement et une rénovation de l'organisation ordinale

A l'instar de certains de ses homologues européens, l'organisation ordinale doit évoluer et se renforcer. Cela suppose :

- une déconcentration et une régionalisation accrue : Les conseils régionaux de l'ordre voient ainsi leurs missions renforcées
- une représentation forte à l'international, notamment au sein des instances européennes
- une ouverture des conseils de l'Ordre tant au niveau régional que national, à des personnalités qualifiées participant, par leur fonction, à la réflexion sur le cadre de vie.

Au niveau national, le projet de l'ordre tient compte du nécessaire poids des régions dans la vie de l'institution. C'est pourquoi, il propose que le conseil national soit composé des présidents des conseils régionaux, mais aussi (comme pour les géomètres experts) de 14 conseillers nationaux élus par les conseils régionaux et de 4 personnalités qualifiées.

Détenteurs de récépissé : pour un règlement définitif d'un contentieux qui entretient la confusion entre architectes et professionnels dont la compétence n'a jamais été reconnue

La loi de 77 a prévu en son article 37 que les professionnels qui exerçaient avant la publication de la loi une activité de conception architecturale pouvaient demander leur inscription au tableau de l'ordre sous le titre d'agréé en architecture, dès lors qu'ils remplissaient un certain nombre de conditions.
Les demandes devaient être déposées par les candidats avant le 7 juillet 1977 auprès du conseil régional, récépissé de la demande leur était délivré. Les candidats pouvaient, dans l'attente d'une décision définitive les concernant, continuer à exercer " les missions prévues à l'article 3 de la loi de 77 " (donc les mêmes missions que les architectes).
La procédure prévoyait deux systèmes : un système objectif pour les professionnels libéraux qui exerçaient depuis 5 ans minimum et qui étaient assurés, et un système fondé sur une reconnaissance de qualification pour les autres.

Le problème est venu de ce qu'un certain nombre de ces professionnels ont fait l'objet d'un refus de reconnaissance de qualification. Ils ont donc, comme la loi les y autorise, formé un recours devant le ministre. Et depuis 1978, aucun des ministres chargés de l'architecture n'a pris de décision les concernant.
Au résultat, ces professionnels (800 environ aujourd'hui) exercent comme les architectes, ont accès aux marchés publics, mais ne sont soumis à aucune déontologie, ni donc sanction.

L 'Ordre demande donc au ministre de se prononcer sur les dossiers encore en instance. Soit les détenteurs de récépissé sont reconnus qualifiés et ils deviendront agréés, soit ils font l'objet d'une décision de rejet, et ils deviendront " techniciens en bâtiment ".


Les techniciens en bâtiment : nécessité d'une distinction entre architectes et techniciens en bâtiment

Actuellement le terme maître d'oeuvre désigne indifféremment une fonction et une qualification professionnelle, ce qui entretient une confusion dans l'esprit du public. Ainsi l'architecte et le maître d'oeuvre exercent la même fonction. C'est pourquoi, l'Ordre propose une nouvelle dénomination pour ces professionnels qui exercent une activité de conception pour la construction de bâtiment sans être architecte : celle de technicien en bâtiment.
Par ailleurs, les droits spécifiques de ces professionnels seront garantis par l'inscription sur une liste gérée par les conseils régionaux de l'ordre.
Ils devront justifier de l'exercice d'une activité de conception depuis 6 ans à compter du dépôt de leur demande (6ans qui correspondent à la durée des études d'architecture)

La seule obligation imposée à ces professionnels, une fois inscrits, est de fournir leur attestation annuelle d'assurance aux conseils régionaux. Ces mêmes conseils régionaux chargés de contrôler la qualité des signataires du projet architectural, pourront vérifier qu'aucun autre professionnel n'exerce en dehors des conditions fixées par la loi.
Enfin, leur intervention est limitée aux constructions de 170 m² hors oeuvre brute. La référence à la surface hors oeuvre brute semble plus juste et sans équivoque dans son mode de calcul compte tenu des multiples interprétations qui ont prévalu jusqu'à présent dans le calcul de la surface hors oeuvre nette.

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