CONJONCTURE. Reçus par le Premier ministre ce 6 septembre 2019 dans le cadre des négociations sur la future réforme des retraites, les représentants de l'Union des entreprises de proximité (U2P) ont prévenu l'exécutif de leurs exigences sur le dossier. L'organisation interpelle aussi sur les difficultés de recrutement des artisans du bâtiment.

Quelques jours après l'entrée au Gouvernement de Jean-Paul Delevoye, haut commissaire à la réforme des retraites rattaché à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, les négociations autour de ce dossier potentiellement explosif commencent. Durant la semaine, le Premier ministre, Edouard Philippe, a reçu à Matignon plusieurs délégations des partenaires sociaux, dont les représentants de l'Union des entreprises de proximité (U2P) ce 6 septembre 2019 au matin. L'occasion pour l'organisation qui regroupe notamment la Capeb (Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment) et la CNATP (Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage) de rappeler ses positions sur le sujet : bien qu'elle ne soit pas "opposée par principe à une réforme des régimes de retraite", elle exige de celle-ci "qu'elle prenne en compte la situation des travailleurs indépendants, en particulier en termes de cotisations".

 

 

L'U2P demande plus précisément à l'exécutif de protéger les travailleurs indépendants d'un éventuel "accroissement réel de [leur] contribution retraite" ou d'une "réduction de [leur] pension", martelant que les différences qui peuvent exister sur le plan administratif entre les salariés et les travailleurs indépendants doivent être intégrées au projet de loi. Ce dernier devra ainsi "garantir la neutralité financière de la réforme par rapport à la situation actuelle", ajoute l'organisation dans un communiqué. Par ailleurs, l'une des pistes déjà avancées par le Gouvernement est vigoureusement combattue par les représentants des artisans, commerçants et professions libérales : "la fixation à 3 plafonds annuels de la Sécurité sociale (Pass) du plafond de revenus soumis à cotisation est inacceptable pour les chefs d'entreprises de proximité". Ce à quoi l'U2P propose un plafond à 1,5 Pass pour les travailleurs indépendants, ce qui représente 60.000 € par an.

 

Bien représenter les indépendants dans la gouvernance du nouveau régime

 

Préserver la possibilité pour les assurés aux carrières longues de partir à la retraite de manière anticipée constitue une autre revendication des professionnels, qui insistent sur la conservation des conditions actuelles, sans décote. Enfin, l'organisation souhaite que "la gouvernance du nouveau régime soit confiée aux partenaires sociaux avec une représentation spécifique des travailleurs indépendants au sein du conseil d'administration". Une gouvernance qui devra d'ailleurs établir les critères d'acquisition ainsi que la valeur du point de retraite, et les garantir dans le temps. Pour l'U2P, toutes ces exigences se recoupent avec la position de Jean-Paul Delevoye en faveur du principe "même métier, même cotisation" et ce, quel que soit le régime fiscal et social de l'entrepreneur. Une égalité de traitement réclamée de longue date par l'organisation, qui dénonce régulièrement les incohérences et les abus de ce système, visant particulièrement le statut de micro-entrepreneur.

 

Des embauches en berne et des difficultés de recrutement persistantes chez les artisans du bâtiment

 

Les professionnels restent donc sur leurs gardes vis-à-vis de la réforme des retraites, a fortiori dans un contexte économique et social morose. En effet, la dernière enquête d'opinion I+C-Xerfi sur l'emploi dans les entreprises de proximité durant le premier semestre 2019 montre que la situation reste compliquée pour nombre de structures artisanales, malgré l'amélioration de certains indicateurs. Alors que 35% des entreprises de travaux publics ont accru leurs effectifs sur cette période (contre 24% sur les six premiers mois de 2018), seuls 11% des artisans du bâtiment ont davantage embauché sur la même période (contre 13% au premier semestre 2018). Les intentions d'embauches pour la deuxième moitié de l'année 2019 se stabilisent globalement à 11%, mais cependant à hauteur de 18% pour l'artisanat des travaux publics.

 

D'une manière générale, la part d'entreprises invoquant une stagnation voire une baisse de leur activité pour justifier leur absence d'embauches au second semestre est passée de 26 à 23%. Néanmoins, l'incertitude reste de mise et la précarisation de l'emploi se poursuit : alors qu'il représentait 54% des recrutements sur les six premiers mois de 2018, le CDI ne pèse plus que pour 47% des embauches un an plus tard. A titre de comparaison, les CDD représentent 45% des recrutements, les contrats d'apprentissage 6% et ceux de professionnalisation 2%. Qui plus est, les contrats en alternance ont progressé, passant de 5% des embauches au premier semestre 2018 à 8% l'année d'après.

 

Les problèmes de qualification et l'absence de candidatures en tête des difficultés

 

 

Malgré tout, les difficultés de recrutement persistent et s'aggravent même. 30% des entreprises interrogées déclarent y être soumises en 2019, alors qu'elles n'étaient que 23% un an auparavant. La moitié des artisans des travaux publics y est notamment confrontée. Parmi les difficultés rencontrées, les professionnels sondés citent les problèmes de qualification (65%), puis l'absence de candidatures (57%), le manque de motivation (11%, contre 6% en 2018) et enfin divers soucis allant du manque d'expérience aux contraintes horaires ou géographiques en passant par le refus de la pénibilité (6%).

 

"Alors que les signes d'une reprise de l'activité se confirment, le développement des entreprises de proximité est freiné par les difficultés d'embauches. Les besoins de main-d'oeuvre sont pourtant là !", déplore Alain Griset, le président de l'U2P. "Il est crucial que les pouvoirs publics, les partenaires sociaux et Pôle Emploi apportent rapidement une réponse aux difficultés de recrutement des petites entreprises."

actionclactionfp