FILIÈRE BOIS. Alors que la future Réglementation environnementale consacre le bois comme solution de construction, le président du Comité stratégique de la filière bois, Luc Charmasson, livre à Batiactu la réaction du secteur aux derniers arbitrages. L'occasion aussi de mettre les points sur les "i" sur de nombreux sujets, de la gestion des forêts aux importations de bois en passant par le coût du matériau et son risque incendie. Entretien.


L'électricité et le bois sortent incontestablement vainqueurs du match des matériaux de construction qui s'est déroulé lors des discussions autour de la future Réglementation environnementale 2020. Les interrogations et les inquiétudes sur les capacités de production de l'une comme de l'autre sont toutefois nombreuses parmi les acteurs du secteur, la Fédération française du bâtiment jugeant même les objectifs et les délais de mise en oeuvre du texte "irréalistes". Face à ces critiques et aux différents sujets soulevés par les débats, le Comité stratégique de la filière (CSF) bois, membre du Conseil national de l'industrie (CNI), apporte ses réponses dans les colonnes de Batiactu. Le président de l'organisation, Luc Charmasson, nous livre la réaction des professionnels du secteur aux derniers arbitrages de la RE2020, mais revient aussi en détail sur les capacités de production de l'Hexagone, la gestion des forêts, les importations de bois, l'économie circulaire du matériau, son coût ou encore son risque incendie.

 

 


Batiactu : Quelle est la réaction de votre organisation, et plus largement de la filière bois, sur les derniers arbitrages de la Réglementation environnementale 2020, qui sont pour le moins favorables à l'électricité et au bois ?
Luc Charmasson :
Globalement, nous considérons avoir été entendus dans une compétition quand même assez rude. Cette compétition se stigmatise d'ailleurs par les craintes de la conjoncture économique : compte-tenu des inquiétudes du marché, surtout dans le logement collectif, et des mauvaises perspectives pour 2021-2022, je pense que nos confrères du béton et de l'acier - qui sont leaders dans le secteur face à la filière bois qui ne représente que 4,5% de la construction - sont dans un certain état de crispation. Et au sein de cette crispation, l'annonce de mesures qui sont forcément contraignantes puisque l'enjeu de ce texte est de répondre à des enjeux climatiques, font craindre aux grands opérateurs de perdre des parts de marché. Mais je pense que dès que la construction repartira, la tension redescendra.

 

Cette situation est tout de même dommageable, car la filière bois a l'habitude de travailler avec les autres filières, et cette stigmatisation n'est pas considérée dans l'attente des consommateurs, qui veulent une réduction de la consommation d'énergie de leur logement, et on n'y arrivera que par une exigence plus forte en matière d'isolation, d'utilisation de matériaux moins énergivores… Cela répond aussi à une attente de la Commission européenne, qui va consacrer près de 30% de son budget au changement climatique. Nous sommes en retard, en France, par rapport à d'autres grands pays comme l'Allemagne ou l'Autriche, sur le nombre de constructions en matériaux bio-sourcés, et il nous faut rattraper ce retard. Je pense qu'il y a eu une prise de conscience de l'État sur ces sujets, qui veut faire preuve de cohérence dans ses engagements climatiques. Le bois apportera des solutions intéressantes, qui permettront de rénover les logements, notamment les passoires thermiques pour lesquelles l'État a des ambitions fortes.

 


Est-ce que la mouture actuelle de la RE2020 vous semble parfaitement calibrée, ou est-ce que le texte pourrait aller encore plus loin ?
L. C. :
Bien entendu qu'il pourrait aller encore plus loin ! Nos collègues du béton et de l'acier ont déjà réussi à faire repousser la RE2020, qui devait initialement démarrer au 1er janvier 2021, et les ministres se sont engagés sur la date du 1er juillet 2021. Nous restons encore prudents et serons attentifs à l'exécution du calendrier ainsi qu'aux engagements de l'État. Nous le serons aussi sur la mise en œuvre des mesures de la RE2020, qui seront étalées en 2023, 2030, 2050… En tout cas, tout cela va dans le bon sens, même si nous aurions souhaité que cela débute bien plus tôt, surtout dans les logements collectifs, où nous sommes encore loin de l'objectif.

 


Les capacités de production sont là, même si bien entendu il faudra les adapter en embauchant du personnel. Et si le marché se développe, la RE2020 va encourager nos industriels à investir et à se moderniser, à rénover leur parc de matériels et d'équipements pour être plus productifs. Entre 2016 et 2018, nos entreprises ont gagné 20.000 emplois, passant de 345.000 à 374.000 postes non-délocalisables.

 

Comment les professionnels de votre filière comptent s'organiser pour répondre à l'afflux de bois qu'il va falloir prodiguer pour l'application de la RE2020 ?
L. C. :
Il n'y a pas de souci majeur sur la production de bois en France. Il y a plus une inquiétude sur les marchés de la construction pour les années 2021 et 2022 et le risque de devoir encore diminuer nos effectifs, qu'une inquiétude sur le fait de savoir si nos entreprises pourront suivre ou pas. Quand notre filière est sortie des précédentes crises économiques de 2008 et de 2017, elle a perdu 50% de ses effectifs en matière de fabrication de charpentes et d'ossatures. Nous avons réussi à reconstituer entre 5 à 10% des effectifs entre 2017 et 2020, mais la crise du Covid nous a encore ramené en arrière. Les capacités de production sont là, même si bien entendu il faudra les adapter en embauchant du personnel. Et si le marché se développe, la RE2020 va encourager nos industriels à investir et à se moderniser, à rénover leur parc de matériels et d'équipements pour être plus productifs. J'ajoute que la filière a monté depuis 3 ans une veille économique mutualisée de l'amont à l'aval, qui nous permet de mesurer l'évolution de nos matériaux en fonction des politiques que l'on peut adopter. Ainsi, entre 2016 et 2018, nos entreprises ont gagné 20.000 emplois, passant de 345.000 à 374.000 postes non-délocalisables.
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