DÉBAT. Les représentants de l'artisanat, du bâtiment et des travaux publics montent au créneau pour échanger avec les élus du Grand Paris sur les réglementations de circulation dans la métropole. Ils ont signé une tribune pour évoquer les nombreux besoins des entreprises à intervenir dans la zone francilienne.

"Nous ne sommes pas en colère, ce que nous ressentons, c'est du désarroi." A travers ces mots, l'inquiétude d'Elisabeth Détry, présidente de la chambre de métiers et de l'artisanat d'Île-de-France, surgit. Avec plusieurs fédérations et représentants des professionnels du bâtiment et des travaux publics, elle a signé une tribune pour interpeller l'édile de Paris et le président de la métropole du Grand Paris sur les réglementations en vigueur visant la qualité de l'air.

 

À deux ans et demi d'une interdiction de circulation des véhicules diesel au sein du Grand Paris, les représentants s'alarment. Selon eux, en Île-de-France, 100.000 entreprises sont équipées à 86% en véhicules diesel. "Beaucoup d'artisans vont choisir de ne plus aller à Paris", prévient Élisabeth Détry, contactée par Batiactu. De nombreux gérants de société ne pourront pas se permettre de changer tous leurs véhicules d'ici-là.

 

Interdiction de circuler

 

Cette tribune a été adressée ce mardi 1er juin, jour de l'interdiction de circuler sur l'ensemble du périmètre délimité par l'autoroute A86 (A86 exclue) pour les véhicules à moteur diesel de type Crit'air 4. "Cela représente 12% des artisans franciliens [dont certains utilisateurs de poids lourds, ndlr]. La réglementation de 2022 concernera, elle, 30% des professionnels."

 

"Nous ne demandons pas à reporter systématiquement les règles", explique la présidente de la chambre de métiers et de l'artisanat d'Île-de-France. "Nous aussi sommes concernés par la qualité de l'air. Ce que nous voulons, c'est obtenir la possibilité d'échanger." Sa demande a été entendue par le président de la métropole du Grand Paris, Patrick Ollier, qui la recevra mi-juin. Elle espère que les professionnels puissent accéder à l'agglomération et à stationner légalement pour intervenir rapidement auprès de leurs clients.

 

Les constructeurs automobiles intégrés

 

Elle reste néanmoins désabusée par certaines décisions "politiques" qui ont été prises. "On a l'impression que tout le monde a oublié qu'on vit une crise sanitaire et que toutes nos entreprises ont été impactées", s'exclame-t-elle. Une situation qui rend plus difficile encore l'endettement des TPE et PME pour investir dans de nouveaux véhicules.

 

Elle aimerait que les constructeurs automobiles soient intégrés aux concertations qui visent à mettre en place des réglementations. "Ce sont eux qui doivent apporter des solutions", juge Elisabeth Détry. "Pour certaines catégories de véhicules, le modèle n'existe pas, ou alors il existe mais il coûte extrêmement cher par rapport à un diesel. Je veux bien qu'on nous impose des réglementations mais comment faire si les alternatives n'existent pas ?". Elle s'indigne également de l'ancienne politique qui promouvait les véhicules diesel par le passé. "Aujourd'hui, les professionnels subissent des contrôles techniques rigoureux, contrairement aux particuliers, qui continuent de rouler avec des véhicules qui ne sont pas toujours très propres." Elle s'interroge également sur les véhicules électriques et considère que la grande couronne n'est pas encore bien équipée en bornes de recharge.

 

Une désertification des artisans ?

 

Selon elle, si une solution n'est pas trouvée d'ici 2024, les entreprises, notamment de dépannage, risquent de déserter Paris ou de répercuter leurs frais sur les prix qu'ils pratiquent. Une double peine pour les habitants. "Nos entreprises ne sont pas des vaches à lait, elles ont besoin de travailler. Aujourd'hui, les bras nous en tombent. Cette situation est irrationnelle et la traversée de Paris est questionnée."

 

 

Lors de l'entretien qu'elle mènera avec le président de la métropole, Elisabeth Détry représentera les signataires de cette tribune, dont les antennes d'Île-de-France de la Chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR), de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), de l'Union des entreprises de proximité (U2P), de la Fédération régionale des travaux publics (FRTP), de la Fédération française du bâtiment (FFB) et de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb).

 

En attendant, la chambre des métiers et de l'artisanat a lancé le 31 mai, sur son site, un simulateur pour les artisans et autres professionnels des secteurs du bâtiment et des travaux publics. Ceux-ci peuvent entrer le numéro d'immatriculation ou les informations de leur véhicule pour savoir quand l'interdiction de circuler les concernera. Un inventaire référençant toutes les aides disponibles sera également ajouté.

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