JUSTICE. Le 5 avril 2023 s'est tenu le procès de l'entreprise Dodin Campenon Bernard et de deux de ses salariés après la mort d'un intérimaire sur le prolongement sud de la ligne 14 du métro, faisant partie du Grand Paris Express, en février 2020.

C'est le procès d'un drame intervenu sur un chantier du Grand Paris Express qui s'est tenu le 5 avril 2023 devant le tribunal correction de Créteil, après avoir été renvoyé deux fois. Le 28 février 2020, sur le prolongement sud de la ligne 14 dont la maîtrise d'ouvrage est déléguée à la RATP, à Villejuif, Maxime Wagner était victime d'un accident grave. Dans le coma, l'homme de 37 ans meurt quelques semaines plus tard, dans la nuit du 19 au 20 mars 2020. Au tout début du premier confinement.

 

Maxime Wagner était intérimaire pour Dodin Campenon Bernard, une filiale du groupe Vinci. L'entreprise et deux de ses salariés, le chef d'attaque et le directeur de travaux, comparaissaient lors de ce procès pour homicide involontaire.

 

Plusieurs manquements pointés

 

L'accident a eu lieu dans un tunnelier. La victime réalisait une opération de "déplombage", afin de déboucher une conduite. Flexible à cet endroit, celle-ci a opéré sous la pression un "coup de fouet", frappant violemment à la tête l'ouvrier et lui causant un grave traumatisme crânien.

 

Selon l'inspecteur du travail interrogé durant l'audience, "il n'y avait aucun dispositif pour maintenir la conduite en place", au moment de l'accident. Une enquête réalisée par l'inspection du travail peu après le drame a aussi mis en évidence plusieurs manquements. Les compagnons ne doivent en effet pas intervenir près de conduites flexibles, les risques étant connus, ladite conduite aurait dû être attachée ce qui ne semblait pas être le cas, et un défaut de formation a été pointé.

 

Les consignes de sécurité n'étaient pas donc assez claires, selon l'accusation, ce qui engage la responsabilité des prévenus. "Il n'avait pas connaissance de ce risque, sinon il ne l'aurait pas pris", estime Me Christophe Bringer, l'avocat de la mère et des sœurs du défunt, ajoutant qu'il y avait un "flou" sur la zone de précaution à respecter autour de la conduite.

 

"Pénalement, nous n'avons rien à nous reprocher"

 

Le directeur juridique de Dodin Campenon Bernard a assuré à la barre que l'entreprise "se sent impliquée dans l'accident", et a indemnisé la famille de la victime. Mais il se défend : "pénalement, nous n'avons rien à nous reprocher".

 

"Au plus profond de nous-mêmes, nous estimons avoir fait tout ce que nous pouvions et devions faire en matière de prévention, a-t-il ajouté. Il y a des mesures élémentaires de précaution, comme se tenir à distance, qui n'ont pas été prises. "Au final, on explique aux salariés que c'est à eux de comprendre où ils doivent se mettre", a de son côté regretté le procureur.

 

Amende et prison avec sursis requis

 

 

Le parquet de Créteil a requis une amende de 250.000 euros contre l'entreprise et une peine de neuf mois de prison avec sursis contre le chef d'attaque, responsable des personnels sur un tunnelier, et contre le directeur de travaux. Le délibéré sera rendu le 29 juin 2023.

 

Pour rappel, quatre autres personnes ont trouvé la mort sur des chantiers du Grand Paris Express. Des accidents graves voire mortels, dont le dernier s'est produit au lendemain de ce procès, sur la ligne 17 cette fois, qui interrogent sur "la sous-traitance en cascade, le recours massif à des intérimaires" et "les cadences imposées pour respecter les échéances", pointe notamment la CGT93, mais aussi sur la coactivité sur les chantiers, malgré les mesures mises en place par la Société du Grand Paris, maître d'ouvrage principal sur le Grand Paris Express, et les entreprises et les contrôles effectués.

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