COLLECTIVITÉS. Après la décision de l'Etat de baisser légèrement la dotation globale de fonctionnement, les élus locaux ont répondu au Gouvernement au sujet de la fiscalité des collectivités territoriales. Chiffres des dotations, réforme de la DGF, taxe d'habitation et grand débat national étaient notamment au programme.

"Le Comité des finances locales (CFL) a été largement critiqué selon des propos erronés qui auraient mérités, de la part de ceux qui les ont tenus, plus de sérieux et plus de retenue", a estimé André Laignel, président du CFL et par ailleurs vice-président de l'Association des maires de France (AMF). "Certains membres du Gouvernement et le président de la République lui-même ont remis en cause le CFL."

 

 

En effet, c'est lors d'un déplacement à Autun, en Saône-et-Loire, qu'Emmanuel Macron a tancé le rôle de l'organisation : "Une réforme avait été proposée pour rééquilibrer [les finances publiques] vers les communes rurales : refus des élus, du CFL dont certains membres sont là depuis 40 ans comme le vice-président de l'AMF, principal responsable de cet état de fait... allez voir notre ami André et il vous l'expliquera." Et le principal intéressé de répondre : "Oui, il y a bien eu une réforme de la DGF (Dotation globale de fonctionnement) en 2016 mais elle a été ensuite annulée. Le CFL n'a rien empêché. Je rappelle qu'il n'a pas le pouvoir de légiférer." Il faut dire aussi que les relations entre le Gouvernement et les édiles sont toujours particulièrement froides : le chef de l'Etat, qui ne s'est pas rendu au dernier Congrès des maires comme le veut pourtant la tradition, n'a pas reçu les représentants des élus à l'Elysée, et un courrier de l'AMF daté de la mi-décembre 2018 est resté sans réponse du Palais.

 

Une dotation globale en très légère baisse

 

Le CFL, qui a été créé le 1er janvier 1979, a donc pour mission d'étudier "les choix à effectuer au sein du schéma de répartition de la DGF", composante essentielle du budget des finances publiques locales. Lors du point presse de ce 12 février, l'organisation a ainsi annoncé que le montant de la DGF fixé dans la loi de Finances pour 2019 est de 26,948 milliards d'euros, contre 26,960 milliards en 2018. Le poste financier perd donc environ 12 millions d'euros par rapport à l'année dernière. "Ce gel de la DGF ne tient cependant pas compte, ni de l'augmentation de la population, ni de l'inflation", précise André Laignel. "En euros constants, c'est donc une baisse de la DGF." La dotation des communes et groupements de communes sera quant à elle de 18,33 milliards d'euros, pendant que celle des départements atteindra 8,60 milliards d'euros. "La totalité des péréquations [mécanisme financier de redistribution visant à réduire les inégalités entre collectivités aisées et collectivités modestes, ndlr] est prise en charge par les collectivités territoriales. La solidarité nationale ne repose donc que sur les collectivités entre elles, il n'y a plus de participation de l'Etat. Il devrait donc y avoir au minimum 12.000 communes qui verront leurs dotations diminuer, ce qui est un peu moins qu'en 2018."

 

"Le préalable à une réforme, c'est de définir les critères de ressources et de charges"

 

Ceci dit, une réforme de la fiscalité locale est sérieusement envisagée par les différents exécutifs et majorités en place depuis un certain nombre d'années, dans l'optique de consolider les ressources financières des collectivités territoriales. Ces dernières la réclament tout autant, pour passer à l'étape suivante d'une décentralisation jugée encore trop faible, et finalement encore trop jacobine. Mais quelles sont les propositions des élus locaux pour réformer la DGF ? "Le préalable à une réforme, c'est de définir les critères de centralité, c'est-à-dire les critères de dépenses réelles, les critères de ressources et de charges", affirme André Laignel. "Aujourd'hui, le potentiel fiscal des collectivités n'a plus aucun sens, avec la disparition de la taxe professionnelle et l'amputation de la taxe d'habitation. Je reste pour une réforme de la DGF, mais qu'on nous en donne les moyens."

 

Les élus locaux attendent donc un positionnement de l'Etat, et formulent déjà des propositions, à l'instar d'une révision des valeurs locatives. D'autres pistes sur les contractualisations seront présentées avant le 15 mars pour les intégrer au débat. "Nos propositions sur la fiscalité locale sont dorénavant portées par tous les échelons de collectivités : communes, départements et régions, toutes rassemblées dans l'organisation 'Territoires unis'. Nous voulons l'autonomie financière et fiscale, et nous sommes prêts à travailler avec l'Etat. Mais on nous dit que la réforme de la fiscalité locale serait repoussée, et nous n'avons reçu pour l'heure aucune ligne de proposition."

 

Quelle compensation pour la taxe d'habitation ?

 

 

Ce rendez-vous a aussi été l'occasion pour le CFL de revenir sur certains sujets d'actualité, en rapport avec le programme gouvernemental et la fiscalité locale. La taxe d'habitation, source majeure de revenus pour les communes et qui a déjà été supprimé pour une partie des foyers français - c'était l'une des propositions du candidat Macron à la présidentielle de 2017 -, a notamment fait l'objet d'une autre passe d'armes entre le Gouvernement et les élus locaux : "Sur la taxe d'habitation, l'AMF n'a jamais proposé une exonération mais un dégrèvement, sur recommandation d'ailleurs du Conseil d'Etat", précise André Laignel.

 

Refusant d'être considérés comme des "boucs-émissaires" ou des "boucliers", les édiles demandent donc à l'exécutif de les traiter avec respect, a fortiori dans le contexte du grand débat national ouvert par le Gouvernement pour tenter d'apaiser la révolte sociale des Gilets jaunes. "Cet ensemble de propos démontre que le débat, dont on nous dit qu'il est ouvert et respectueux, est contredit dans le même temps et dans le cadre des mêmes échanges. Je citerai une personnalité du Berry, Talleyrand : 'Ce qui est exagéré est sans importance'. L'AMF réclame depuis plusieurs semaines une véritable discussion. On a toujours l'impression que les territoires, c'est le bout du monde vu depuis l'intérieur du périphérique parisien. Mais une fois franchi le périphérique, les régions peuvent présenter de belles et surprenantes choses."

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